Le colloque, qui a eu lieu à Paris, au Musée des arts et métiers, les 12 et 13 janvier 2007, a été organisé conjointement par le CÉRÉdI (équipe « Âge classique »), le Centre d’histoire culturelle des sociétés contemporaines (université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines) et le Centre d’études stendhaliennes et romantiques (université Stendhal-Grenoble 3), avec la participation du Musée des arts et métiers.
Dirigé par François Bessire, Martine Reid et Damien Zanone, il a réuni 19 intervenants, universitaires européens et américains.
Félicité Ducrest de Saint-Aubain, comtesse de Genlis (1746-1830), demeure relativement mal connue. Sa bibliographie ne compte pourtant pas moins de 140 titres environ, romans et essais, mémoires et ouvrages pédagogiques, dictionnaires et manuels de musique, de botanique, de mythologie, de langues étrangères, « leçons », poèmes en prose, pièces de théâtre de société et d’éducation, « caractères », journaux et « veillées », contes, récits historiques et correspondance.
Publiée en France, mais aussi en Hollande, en Allemagne et en Angleterre, à Lausanne, à Bruxelles et à Dublin, l’œuvre de Mme de Genlis connaît une diffusion considérable dès la fin du XVIIIe siècle et jusque dans les dernières années du siècle suivant.
Pour diversifié qu’il soit, pour disparate qu’il ait parfois pu sembler, ce corpus est animé par une puissante injonction, celle de la pédagogie. On sait que Mme de Genlis fut « gouverneur » des enfants du duc de Chartres à partir de 1779 et qu’elle fit réaliser une série de modèles représentant, à échelle réduite, les ateliers de divers artisans en 1783 à partir des planches de L’Encyclopédie (aujourd’hui conservés et partiellement exposés au Musée des arts et métiers). Méfiante à l’égard des philosophes, raillant Voltaire (inlassablement brocardé dans ses écrits), discutant Rousseau (l’Émile en particulier), moquant les libertins, elle défend l’éducation « négative », se fait le chantre de la vertu et de la famille, de la monarchie éclairée, d’une religion généreuse et omniprésente. La Restauration saura tirer parti des fidélités jamais renoncées de celle qui fut une grande figure de l’émigration.
L’originalité du colloque, destiné à ouvrir de nouveaux champs d’étude dans les domaines les plus divers (histoire de l’éducation, littérature anti-philosophique, émigration, Restauration, livre, musique, iconographie, religion, théâtre de société, etc.), est de s’être ouvert à l’ensemble de l’activité de Mme de Genlis. Dans bien des domaines, les intervenants ont apporté de l’entièrement nouveau et de l’inédit : manuscrits inconnus jusque là, mise en contexte des productions qui permet d’en retrouver des clés depuis longtemps perdues, notamment dans le domaine de la musique et de la pédagogie, exploration approfondie des rapports avec l’Angleterre, où Mme de Genlis a connu une réception exceptionnelle, etc.
Le colloque a été suivi de la publication d’un volume (Madame de Genlis. Littérature et édication, François Bessire et Martine Reid dir., Publications des universités de Rouen et du Havre, 2008, 340 p.), comportant un choix de communications présentées au colloque, des documents inédits et une bibliographie très complète. Il constitue un état des savoirs sur Mme de Genlis et ouvre de nombreuses pistes de recherche.
Table
Martine Reid, Avant-propos
Adèle et Théodore
Isabelle Brouard-Arends, Les jeux intertextuels dans Adèle et Théodore : le discours éducatif entre contrainte et liberté
Didier Masseau, Pouvoir éducatif et vertige de la programmation dans Adèle et Théodore et quelques autres ouvrages
Gilian Dow, « The best system of education ever published in France » : Adelaïde and Theodore en Angleterre
Christophe Martin, L’éducation négative chez Mme de Genlis (Adèle et Théodore, Zélie ou l’ingénue)
Leçons du roman et de l’essai
Francis Marcoin, Les petits émigrés, entre Lumières et romantisme
Marie-Emmanuelle Plagnol-Diéval, Les Annales de la vertu ou la tentation de l’exhaustivité
Vicki Mistacco, Genlis à contre-courant : De l’influence des femmes
Benedetta Craveri, Mme de Genlis et la transmission d’un savoir-vivre
Robert Adelson, Jacqueline Letzter, La harpe virile : Mme de Genlis et la carrière manquée de Casimir Baecker
Esthétique romanesque et réception
Shelly Charles, Mme de Genlis et le dilemme du roman
Brigitte Louichon, Mme de Genlis : homme de lettres et grand-mère
Diana Cooper-Richet, Entre culture, divertissement et bienséance : les écrits de Mme de Genlis dans les magazines britanniques (fin 18e-début 19e siècle)
Mémoires
Damien Zanone, Morale de la mémoire (sur les Mémoires de Mme de Genlis)
Béatrice Didier, Mémoires et autobiographie chez Mme de Genlis
Martine Reid, « Ma vie littéraire »
Histoire, religion, philosophie
Nicole Pellegrin, Pratique de l’histoire dans les écrits de Mme de Genlis
Nicolas Brucker, Éducation et religion dans l’oeuvre de Mme de Genlis
François Bessire, Mme de Genlis ou l’« ennemie de la philosophie moderne »
Annexe
François Bessire, Martine Reid, Manuscrits de Mme de Genlis, anciennement à l’Institut français de Florence