Dans le tome Ier des Confessions. Souvenirs d’un demi-siècle, Arsène Houssaye trace un portrait admiratif, et quelque peu flatteur de Dumas père :
Il ne lui manquait qu’une principauté pour être un prince de contes de fées. Nul n’a été aussi prodigue de cet autre argent de poche qui s’appelle l’esprit comptant. Il en a donné jusqu’à la fin, toujours libéral et toujours riche.
Il entrait partout comme un rayon de soleil. Aussi nul ne redoutait de le voir, pas même ses ennemis. Il avait eu l’art de s’en faire tout juste ce qu’il en faut à un galant homme. […]
Ce thème de la prodigalité, sous quelque forme qu’elle soit, jusqu’à la confusion, forme matérielle (la générosité) ou forme spirituelle (la débauche d’esprit) sert de ligne directrice à ce portrait. Les anecdotes que raconte Houssaye pour illustrer ce trait majeur de l’homme Dumas concourent toutes à l’amplifier, jusqu’au légendaire. C’est, générosité, la femme d’un comédien – peut-être Mme Mélingue – à qui, à Monte-Cristo, par jour de grand soleil il donne cinq cents francs pour s’acheter une ombrelle, lui promettant, si elle revenait un jour de pluie de lui donner de quoi acheter un parapluie. C’est, parade spirituelle, Dumas père dans le cabinet du directeur de la Comédie-Française, prenant sur ses genoux Rachel et Brohan. « Et c’était une pluie de mots, une averse d’esprit. L’éclair jaillissait de ces trois arcs-en-ciel. »
Houssaye adapte à Dumas ce que celui-ci écrivait à propos de Delacroix : « Le tempérament, c’est l’arbre ; les œuvres n’en sont que les fleurs et les fruits. »
L’œuvre reflète la prodigalité de l’homme : « Avec quel art et avec quelle verve il passait d’un chapitre à un autre, toujours emporté, toujours entraînant. Comme les figures de son imagination vivaient de la vraie vie ! »
Aussi prend-il vigoureusement la défense de l’auteur des Trois Mousquetaires et d’Antony, dont l’étoile a pâli, alors que « aujourd’hui tout le monde parle du fils » :
Beaucoup lui reprochent de n’être qu’un improvisateur, parce que son style de sent pas l’odeur de la lampe, ni la poussière des bibliothèques. Laissons dire et mal dire les critiques grimaciers et stériles ; admirons ce génie familier qui a créé un monde encore debout.
Ses romans sont presque des épopées ; le théâtre a vécu et vivra de ses grandes figures plus vraies que l’histoire et plus vraies que la vie, où il y a souvent la marque d’un Shakespeare moderne [1].
La célébration du père explique ce billet du fils à l’occasion de la publication des Confessions :
Ah bon ! comme on dit, vous n’êtes pas près de mourir avec cet esprit et ce cœur-là !
J’ai lu toutes les Confessions. Je voulais vous en écrire et puis j’ai remis ça à quand nous nous verrions. Ça se fera plus vite et mieux. En attendant je vous remercie de ce que vous dites de Dumas II.
Bien à vous, cher ami et du meilleur de moi [2].
Cependant, seule ombre au tableau, Houssaye reproche à Alexandre Dumas père, – né pour tout faire à l’emporte-pièce, avec la marque du génie primesautier, d’être souvent « tombé de l’orgueil dans la vanité ». Comme pour en atténuer la sévérité, il formule ce reproche en note et en petits caractères ; la note reproduit le jugement d’un critique non nommé (« on a pu dire ») : « Vous avez le cœur grand et la main franche, maître ; mais vous n’avez pas su vous arrêter à l’orgueil, qui est la dignité de tout ce qui est supérieur ; vous avez descendu la colline sur le versant opposé, et vous êtes tombé dans la vanité, qui est la punition des présomptueux. »
Ce on n’est autre qu’un protégé de Houssaye, le Suisse Étienne Eggis (Fribourg, 25 octobre 1830-Berlin, 13 février 1867) dont l’article « Personnalités. M. Alexandre Dumas » avait été imprimé dans L’Artiste, dont Houssaye était devenu le directeur en 1843, en 1854 [3].
Par ailleurs, le portrait d’Alexandre Dumas est encadré d’épisodes de la vie mondaine : un déjeuner au château Monte-Cristo, des dîners répétés (« Quand il dînait chez moi c’était une fête pour tout le monde »), un dîner chez Houssaye auquel participaient Eugène Delacroix, Mlle Rachel, Pradier Théophile Gautier, Dumas, Ponsard, Mme de Girardin, le comte de Morny, Nestor Roqueplan, Alfred de Musset, Persigny, Mme Arsène Houssaye, Émile de Girardin, Alfred de Vigny, Victor Hugo, Émile Augier [4].
Les lettres conservées
Les relations entre Dumas et Houssaye se sont-elles cantonnées à des relations mondaines, – assorties de relations professionnelles, lorsque Houssaye représentait un pouvoir, en tant que directeur de la Comédie-Française ou de directeur de L’Artiste ?
Quels enseignements peut-on tirer des lettres conservées ?
Dumas pour ses formules d’appel choisit essentiellement « Mon cher Houssaye » (sept fois), auquel se substituent parfois de variations sur « ami » (« Mon ami », « Mon cher ami », « Cher ami »). À deux reprises, il utilise « Mon cher Directeur », mais il s’agit de lettres destinées à être imprimées dans des journaux.
Pour les formules finales, domine le banal « À vous » (sept fois) ou « Tout à vous » (quatre fois).
Les formules des deux lettres de Houssaye subsistantes ne sont guère plus significatives : « Mon cher Dumas » et « Cher Dumas » ou « Tout cœur et toute plume », et « À vous ».
Si, selon le principe que les amis de mes amis sont mes amis, la fréquentation commune de Nerval ou de Gautier laisse supposer une ancienne familiarité entre Dumas et Houssaye, rien jusqu’en 1850, aucune mention dans la correspondance de Dumas ne permet de l’affirmer.
Les lettres retrouvées – qui pour certaines, compte tenu de leur notoriété, ont été publiées par le scripteur ou le destinataire eux mêmes dans des journaux ou des ouvrages autobiographiques – sont toutes postérieures à la nomination d’Arsène Houssaye, par la grâce de Rachel, comme commissaire du gouvernement près le Théâtre-Français le 5 novembre 1849. Arsène Houssaye nomme Dumas, parmi ceux qui ont applaudi à cette nomination : « J’avais beaucoup d’amis, j’en perdis la moitié ; il y avait plus de dix aspirants au gouvernement du Théâtre-Français ; heureusement pour moi parmi ceux qui vinent me féliciter les premiers, le cœur sur la main en me donnant la main, je retrouvais Alfred de Musset, Victor Hugo, Alexandre Dumas, Henry Mürger, Alphonse Karr, Émile de Girardin, Roqueplan, Janin, Nieuwerkerke et Jules Sandeau [5]. »
Premières lettres
La première lettre de Dumas adressée à Houssaye, non datée, comme la quasi-totalité des lettres, est relative aux Trois Entr’actes pour « l’amour médecin », commandés à Dumas Houssaye [6], et peut-être donc datée de janvier 1850. Nous la reproduisons, car elle semble inédite :
Mon ami
La chose prend une proportion gigantesque – je vais avoir fini le second acte – le 3e sera fait ce soir –
Puis-je vous voir – les rôles de l’abbé, du marquis du chevalier et du financier sont charmans.
Il faut que tout cela soit parfaitement joué [7].
À vous
Alex Dumas
Avez-vous [vu] Meurice [8] il a reçu la moitié du travail ce matin [9].
Ces trois entr’actes, écrits en collaboration avec Paul Meurice, et qui mettent en scène des comédiens de Molière, seront créés pour célébrer au Théâtre de la République, en présence du prince-président, le deux cent vingt-huitième anniversaire de la naissance de Molière, le 15 janvier 1850, avec Leroux dans le rôle du chevalier, Mirecour, dans celui du marquis, Maubant dans celui du gentilhomme, Mlle Judith dans celui de La Duparc et Fix dans celui de la Du Croisy :
Non content d’avoir joué Molière tel qu’il est, M. Arsène Houssaye (le nouveau directeur du théâtre de la République) a voulu nous le faire voir dans le milieu où il s’est produit. Sur sa requête, Alexandre Dumas lui a improvisé un public de 1665, et une comédie en trois entr’actes pleine de détails charmants et de traits de mœurs finement sentis, qui vous représentent la société de l’époque et le monde théâtral d’alors. […] Une particularité assez bizarre, c’est que plusieurs personnes, à qui le petit répertoire de Molière n’est pas familier, ont accueilli par des « chut ! » la scène de l’Opérateur et des Trivelins qu’elles croyaient intercalée par Alexandre Dumas, qui a eu, du reste, le périlleux honneur de voir sa prose confondue avec celle du grand maître [10].
Ces entr’actes ne sont donnés que trois fois, les 15, 17 et 19 janvier.
La deuxième lettre que l’on peut produire est une lettre de Dumas à Jules Baroche [11], ministre de l’Intérieur, écrite pour soutenir la candidature de Houssaye contre celle de Mazières, comme administrateur du Théâtre de la République, poste auquel il sera nommé le 27 avril 1850. « Déjà il avait reçu une lettre d’Alexandre Dumas. Déjà Victor Hugo dans l’après-midi, à l’Assemblée nationale lui avait reproché de vouloir refaire de la Comédie-Française, en nommant M. Mazères, le théâtre des revenants. Mais M. Baroche tenait bon, parce que la nomination de M. Mazères était, je crois bien, le premier acte de son arrivée au pouvoir. Il venait d’être nommé ministre de l’Intérieur en remplacement de M. Barrot. » :
Monsieur le Ministre,
Je me trouve par hasard chez Rachel au moment où elle a l’honneur de vous écrire pour vous dire tout ce qu’elle pense comme directeur de M. Arsène Houssaye.
Je n’ai aucun droit, Monsieur le Ministre, de vous recommander qui que ce soit au monde, mais j’ai le de vous dire que depuis 22 ans que j’ai fait représenter Henry III [12] à la Comédie-Française, je n’ai jamais vu l’art si bien représenté et les artistes si bien accueillis que par M. Arsène Houssaye.
Mon opinion a sur ce point une valeur d’autant plus réelle, Monsieur le Ministre, qu’elle est complètement désintéressée, j’ai un théâtre où jouer mes pièces [13] et par conséquent n’ai nul besoin [14] rue de Richelieu de la protection de tel ou tel directeur.
Ainsi, Monsieur le Ministre, c’est pour l’art pour les artistes et pour vous-même que je viens vous dire – personne n’a mieux fait et personne ne fera – je ne dirai pas mieux mais aussi bien au Théâtre-Français que M. Arsène Houssaye.
J’ai l’honneur d’être avec respect,
Monsieur le Ministre,
Votre très humble et très obéissant serviteur.
Alex. Dumas. [15]
Pièces et primes
Une première série de lettres et de billets portent sur des projets de pièces, dont, la plupart du temps, Rachel serait l’interprète. Ces projets se trament sur fond de désastre. Dumas qui se vantait d’être désintéressé, parce qu’il avait « un théâtre, où jouer ses pièces », n’a plus de théâtre : le Théâtre-Historique a dû fermer ses portes le 16 octobre 1850 et à son audience du 20 décembre le tribunal de Commerce de la Seine a déclaré Doligny et Dumas, en qualité de co-directeurs et administrateurs de fait du Théâtre-Historique, en état de faillite ouverte. La lettre suivante (et inédite) est donc du 21 décembre 1850, lendemain de ce jugement :
Mon cher Houssaye
J’ai besoin de faire infirmer le jugement d’hier le plutôt possible pour cela il me faut payer les artistes.
Donnez-moi 2 000 F. de prime à compte sur cinq mille et je m’engage à vous faire d’ici à trois mois une comédie ou un drame.
Ceci est donc moitié service moitié affaire.
À vous
Alex. Dumas.
Sinon faites-moi reprendre une pièce et envoyez-moi 500 F. sur mes billets [16].
Les primes, on le sait, justifiées par le décret de Moscou d’accorder à des auteurs des primes de lectures à la livraison de leur manuscrit, étaient depuis 1830 de 1 000 francs par acte ou de 6 000 francs. À partir de 1844, on leur substitua le plus souvent les primes conditionnelles, payables après un nombre donné de représentations. La demande de Dumas est donc hors normes.
Arsène Houssaye semble bien avoir proposé cette prime de 1 000 francs par acte, puisque Dumas lui demande de l’appliquer à une pièce en deux actes que Rachel souhaiterait pour une représentation à bénéfice, à la fin de janvier 1851, probablement.
Mon cher Houssaie,
Rachel me demande deux actes.
Voulez-vous que je les lui fasse et me donnerez-vous la prime de 1 000 francs par acte que vous m’avez offerte.
Elle les voudrait pour sa représentation à bénéfice c’est-à-dire tout de suite.
Un mot je vous prie – Un mot de vous me suffira et je mettrai à la besogne.
À vous
Alex Dumas [17].
La réponse (négative) de Houssaye se trouve dans une lettre, à en-tête de la Comédie-Française conservée par la Société des Gens de lettres :
Mon cher Dumas,
Ce que j’attends de vous c’est une grande pièce en cinq actes et pour cinq femmes au moins. Je ne serais pas autorisé donner une prime pour une pièce qui servirait à une représentation à bénéfice. Je le regrette pour vous et pour Rachel. Venez donc un de ces jours à la Comédie causer un peu.
Tout cœur et toute plume
Ars. Houssaye
Au verso de cette fin de non recevoir, Alexandre Dumas revient à la charge :
Mon cher ami, vous m’avez mal compris ou vous avez mal voulu me comprendre.
Mlle Rachel demande une pièce en deux actes qui dure une heure et demie qu’elle puisse jouer cent fois si besoin est avec son ancien répertoire. C’est une pièce en deux actes qui doit varier les représentations du Moineau et d’Horace et Lydie [18] que je vous propose.
À vous
Alex Dumas
Romulus
Une lettre isolée, sans doute du début d’octobre 1851, publiée en fac-similé par Houssaye [19], se rapporte à Romulus, comédie en un acte, écrit en collaboration avec Octave Feuillet et Paul Bocage. Regnier de la Brière et Dumas ont donné des versions divergentes de sa genèse.
J’avais trouvé l’idée de cette pièce, assure Regnier de La Brière, dans un roman d’Auguste Lafontaine, l’écrivain allemand [Romulus, roman historique (1799), imité en français dès 1801 (impr. de Huguin, 2 vol.)], et j’en avais fait un acte que je donnai à Dumas. Il repassa l’idée à Feuillet et à Bocage. Ceux-ci firent une pièce que Dumas refit en s’en servant beaucoup. Je refondis le tout en employant mon premier travail, et cette pièce de cinq auteurs eut du succès. Dumas a raconté tout cela dans son journal Le Mousquetaire [20].
Selon Dumas, Regnier lui aurait seulement conseillé de lire le roman de Lafontaine ; quant au manuscrit de Bocage et de Feuillet, il ne l’aurait pas vu, parce qu’il avait été « perdu » ou repris par les auteurs.
Mon cher Houssaye
La pièce est finie – tâchez de nous demander demain pour la fin de la semaine, une lecture hors tour. Je voudrais bien, que mon embrion, eût le droit de voir le jour le plus tôt possible.
À vous
Alex Dumas
Donnez-moi votre voix, mais de dites pas que la pièce est de moi [21].
La comédie sera reçue à la Comédie-Française le jeudi 9 octobre 1851 : Octave Feuillet, Paul Bocage et Alexandre Dumas percevront chacun deux neuvièmes des droits et Alix (Mme Porcher) les trois neuvièmes restants (à porter au compte de Dumas).
De Paris ou de Bruxelles
Les lettres suivantes seront datée tantôt de Paris, tantôt de Bruxelles, puisque Dumas, par crainte d’une contrainte par corps, après confirmation en appel du premier jugement (10 décembre 1851), se réfugie à Bruxelles où il demeurera jusqu’à la fin de 1853, malgré l’obtention le 22 mars 1852 d’un sauf-conduit. Il y loue au 73 boulevard de Waterloo une maison qu’il transforme et ouvre aux proscrits du coup d’État, ce qui entraîne des frais et donc la nécessité de gratter les fonds de tiroirs, entre autres celui qu’il possède à la Comédie-Française, comme cette lettre de la fin mai en témoigne :
Mon cher Houssaie
Vous ne me jouez pas et vous savez cependant que j’ai grand besoin d’argent.
Ne pourrait-on pas en l’absence de Brohan [22] et en supposant que cela ne la contrarie pas donner le rôle de Brohan à Nathalie [23] dans Mlle de Bellisle.
Peut-être Brindeau n’est-il pas à Paris mais dans ce cas nous avons Leroux [24].
Je vous en prie mon cher ne m’oubliez pas ainsi.
À vous
Alex. Dumas.
J’envoie à Nathalie l’autorisation de partager Made de Prie avec Brohan [25].
Le 30 de ce mois de mai, de Bruxelles, il sollicite auprès de Houssaye une loge pour son ami, le peintre de marines Louis Garneray [26] :
Mon cher Houssaie
Tout absent que je sois – voulez-vous me donner une bonne loge c’est pour mon ami Garneray.
30 mai
Théâtre-Français [27].
Jeunesses maudites
La série suivante porte sur des tentatives malheureuses de la part de l’auteur dramatique et du directeur de faire jouer une comédie en cinq actes. Arsène Houssaye relate cet épisode dans les Confessions en deux pages (t. III, p. 217-218) qui souffrent de tant d’approximations qu’on ne doit s’y fier qu’avec précaution.
Toujours de Bruxelles, le 23 septembre 1853, afin de répondre à un entrefilet imprimé dans un journal de Paris, affirmant qu’il figure parmi les artistes que rémunère une partie notable de la subvention allouée au Théâtre-Français, à titre de primes d’encouragement ou de témoignages de satisfaction [28], Dumas rétorque, dans une lettre ouverte au directeur de L’Indépendance belge, Édouard Perrot, qu’il ne pourra recevoir d’argent de la Comédie-Française à aucun de ces titres :
Prime d’encouragement :Je ne suis plus de ceux qu’on encourage, je suis de ceux qu’on rétribue.
Témoignage de satisfaction : Ni le ministre, ni le théâtre n’avaient de témoignage de satisfaction à me donner. Je n’ai jamais travaillé pour le ministre ; il y a dix que je n’ai travaillé pour le Théâtre-Français.
Il fait le point sur la comédie, La Jeunesse de Louis XIV, reçue à l’unanimité par la Comédie-Française le 30 août 1853, et déjà distribuée et mise en répétition. On sait que la pièce est arrêtée en octobre par la commission d’examen, c’est-à-dire la censure, qui trouvait que « les amours de Marie de Mancini avec le grand roi pouvaient prêter à des allusions dangereuses » [au mariage de l’empereur et d’Eugénie de Montijo] [29]. Et ce, malgré la lettre que Dumas s’est cru obligé d’adresser à la nouvelle impératrice :
On m’assure qu’une Comédie que je viens d’achever pour le Théâtre-Français, qui a pour titre La Jeunesse de Louis XIV et pour sujet les amours du grand Roi avec la belle Marie de Mancini, a éveillé de hautes susceptibilités.
On m’assure, en outre, que l’on dit que mon intention en écrivant cette œuvre a été blessante pour Votre Majesté.
S’il y avait dans mon esprit l’ombre d’une pareille intention je me regarderais comme indigne de jamais tenir une plume.
Le respect et l’admiration que j’avais depuis mon voyage en Espagne pour la comtesse de Teba étaient si grands et si sincères que la position à laquelle la conduit la providence – n’a rien pu, si élevée qu’elle soit, ajouter à ces sentimens.
8 octobre
P.S. Je ne demande pas que la pièce soit jouée, je demande que Votre Majesté soit bien convaincue que je suis incapable d’une mauvaise action [30].
Bien qu’échaudé, Alexandre Dumas, de retour à Paris, propose à Houssaye, dans une lettre que l’on peut dater du 14 octobre 1853, de substituer à La Jeunesse de Louis XIV une Jeunesse de Louis XV :
Mon cher Houssaye,
Comme je l’avais prévu, j’aurai fini avant lundi. Vous pouvez donc indiquer la lecture de La Jeunesse de Louis XV pour dimanche à une heure.
Tout à vous
Alex Dumas
Vendredi soir [31].
La composition de cette nouvelle pièce, annoncée bruyamment par les journaux, relève du tour de force. Pari tenu : la comédie est elle aussi reçue, le 17 octobre, par le comité de la Comédie-Française.
C’est semble-t-il Arsène Houssaye qui, porteur de mauvaise nouvelle, annonce à l’auteur que cette seconde Jeunesse, comme la première, est arrêtée par la commission d’examen. La lettre est aussitôt imprimée dans Le Mousquetaire, « le plus incroyable monument de l’égotisme et de la personnalité », selon son fondé de pouvoir Noël Parfait que Dumas vient de lancer :
Votre seconde comédie La Jeunesse de Louis XV est retenue par la commission de censure comme la première La Jeunesse de Louis XIV.
Je n’ose pas vous conseiller d’en faire une troisième.
Romulus passera ces jours-ci, venez donc en surveiller les dernières répétitions.
À vous,
Ar. Houssaye.
Ce lundi 5 décembre [1853] [32]
Dumas refuse de se tenir pour battu : dans une réponse à Houssaye, aussi largement diffusée, il propose d’écrire une nouvelle Jeunesse :
Mon cher Directeur,
J’apprécie toute la délicatesse des sentiments qui vous fait comme directeur et surtout comme ami hésiter à me donner le conseil de faire une troisième comédie pour le Théâtre-Français.
Seulement je me suis promis à moi-même, si l’on arrêtait ma seconde pièce, comme on a arrêté ma première, d’en exécuter une troisième, et j’ai l’habitude de tenir surtout la parole que je me donne à moi-même.
Soyez donc assez bon de me donner lecture, pour une comédie en cinq actes, samedi courant [33].
Seulement, comme je n’ose pas me frotter aux jeunesses des rois, je descends d’un échelon et passe à la jeunesse des courtisans.
Celle-ci s’appellera La Jeunesse de Lauzun. Il va sans dire que, ne voulant pas vous ruiner, je m’arrangerai de manière à faire servir les costumes et les décorations de La Jeunesse de Louis XIV.
Seulement, si l’on arrête cette troisième pièce, comme on a arrêté les deux autres, je ne prends plus d’engagement vis-à-vis du public, ni vis-à-vis de moi.
Mais j’espère qu’il n’en sera pas ainsi. Le numéro trois plaît aux dieux de l’antiquité, a dit le proverbe latin. J’espère qu’il en sera de même des dieux modernes.
Tout à vous
Alex Dumas
P.S. Si j’étais prêt avant samedi, j’aurai l’honneur de vous le faire dire. J’espère qu’on ne dira point que j’ai apporté celle-ci de Bruxelles [34].
La Jeunesse de Lauzun ne verra pas non plus les feux de la rampe :
Hier, dans la soirée, nous avons reçu le petit mot suivant :
« Édouard Gorge, auteur de La Jeunesse de Lauzun, reçue à correction au Théâtre-Français, sollicite de M. Alexandre Dumas la faveur d’un moment d’entretien. »
Édouard Gorge.
À minuit et demi, M. Édouard Gorge était à notre bureau, nous demandant un conseil de bon camarade sur ce qu’il devait faire.
Nous lui avons répondu qu’il devait faire ses corrections, lire et se faire recevoir.
Quoique nous ayons naturellement le tour de faveur de Louis XIV et de Louis XV, nous serons enchantés, s’il est reçu et si cela entre dans les combinaisons de la Comédie-Française de lui céder notre tour.
Ce que nous recherchons avant tout ; ce que nous appelons par dessus tout, c’est la comparaison.
A. Dumas [35].
La mort de Gérard
Les deux échanges de lettres suivants se rapportent à l’enterrement de Nerval.
Le premier, entre Dumas et Houssaye, est connu par une lettre de Dumas à Hugo, conservée à la Maison Victor Hugo :
Mon bien cher et bien grand – Vous savez que notre pauvre Gérard s’est suicidé ou a été assassiné.
On l’enterre demain.
Arsène Houssaye s’est chargé de tous les détails du convoi.
Voici ce que je lui ai écrit hier –
« Mon cher Houssaye,
Si Victor Hugo eût été à Paris, il eût fait à notre cher Gérard l’honneur de porter un des coins du drap.
Je crois qu’en l’absence de notre grand poëte, il est de notre devoir de laisser la place d’Hugo vacante et de n’avoir que trois ou cinq porteurs.
Je propose – disposez.
À vous
Alex. Dumas.
Houssaye a répondu :
Oui,
à mardi matin.
Arsène Houssaye.
Vous voyez cher – que je ne perds aucune occasion de protester contre votre absence.
Demain vous serez au milieu de nous.
Quand je pense à vous je vous aime, je crois encore plus que je ne vous admire. – Quand je vous lis, je vous admire je crois plus que ne vous aime – mais croyez-le bien en tous tems et à toute heure –je vous aime comme ami et vous admire comme maître.
À vous et aux vôtres.
Alex Dumas.
Lundi 29 janvier [36].
Le deuxième échange a pour origine une lettre de Joseph Méry à Dumas et la réponse de Dumas, imprimées dans Le Mousquetaire du 30 janvier :
Mon cher Dumas,
Vous êtes toujours en verve de bonnes actions, vous ; il faut que vous trouviez, cette fois, non pas un monument, mais deux mètres carrés d’argile, une pierre et une croix pour notre pauvre ami Gérard de Nerval.
Je me garderais bien de vous donner une idée ; vous inventez tout de suite quand il s’agit de trouver le vil argent pour une œuvre noble. Cependant, je hasarderai ceci : nos bons amis, Alphonse Royer et Marc Fournier pourraient donner des représentations sur leurs théâtres, où Gérard de Nerval a obtenu de beaux succès. Il faut si peu pour poser une pierre sur une fosse !
Tibi et tuis.
Méry.
27 janvier 1855.
Dumas, qui a multiplié les manifestations et les appels aux dons afin que fussent élevés des tombeaux à Soulié et à Balzac (ce qui lui a attiré un procès intenté par la veuve de ce dernier), saisit au vol la proposition ;
Cher Méry,
Ce que vous proposez est la chose la plus facile du monde.
J’ai le marbre, je le donne.
Deux ou trois cents francs suffiront à tailler la pierre et à graver l’inscription. Quant au terrain, il est acheté, je crois, par la Société des gens de lettres.
Nous dînons demain chez Rachel. Après le dîner, vous ou moi prendrons le bras de notre grande Tragédienne. En cinq minutes la quête sera faite et la somme au complet.
Au pauvre Gérard il ne faut qu’une dalle de marbre noir et vos vers dessus.
Tombe de Poète, épitaphe de Roi.
A vous,
Alex. Dumas.
28 janvier 1855.
Nous ne citerons que le premier quatrain de l’épitaphe de Méry, qui compte pas moins de trente-deux vers :
Il est mort ! … Tôt ou tard le malheur se décide !…
Mort dans l’étouffement de janvier homicide ;
Sur le sombre pavé d’un carrefour étroit,
Par une nuit de deuil, de misère et de froid !
Le 1er février, rendant compte de l’« Inhumation de Gérard », Dumas, terminait son article en répétant son projet de tombeau :
Tous les frais d’inhumation et d’achat de terrain ont été faits par la Société des gens de lettres.
On sait que nous avons offert le marbre sur lequel seront gravés les beaux vers de notre ami Méry.
Quand aux frais de sciage et de gravure, c’est une affaire que les amis de Nerval arrangeront entre eux.
C’est sans doute son manque de discrétion qui lui attire ce billet assez sec co-signé par Théophile Gautier et Arsène Houssaye, billet du 31 janvier 1855 :
Cher Dumas,
L’État a fait les frais des funérailles de Gérard de Nerval, laissez, de grâce, à des amitiés jalouses la triste joie d’élever et de payer sa pierre.
Théophile Gautier, Arsène Houssaye.
Le publiant dans Le Mousquetaire [37] Dumas ne parvient pas à dissimuler son amertume :
31 janvier 1855
Nous recevons à l’instant, dix heures et demie du matin, trop tard par conséquent pour l’insérer dans le journal d’aujourd’hui, cette lettre de MM. Théophile Gautier et Arsène Houssaye.
[…]
Comme notre amitié n’est point une amitié jalouse, nous cédons la place, et nous exprimons à ces Messieurs nos regrets d’avoir eu l’idée avant eux.
Seulement nous insistons pour l’épitaphe de Méry, car nous doutons qu’une amitié quelconque, si jalouse qu’elle soit, en fasse une meilleure.
Le quarante-deux fauteuil
La correspondance, sinon les relations, entre Arsène Houssaye et Dumas semble s’être raréfiée. Il est vrai que Houssaye ne dirige plus la Comédie-Française, que Dumas effectue de longs voyages hors de nos frontières.
Signalons pourtant que Le Mousquetaire qui ne se porte plus très bien et que Dumas a au trois quarts abandonné offre à ses lecteurs de la prose d’Arsène Houssaye.
Cette collaboration plus ou moins volontaire est annoncée ainsi par Victor Cochinat [38] :
Le succès qu’a obtenu, dans le monde littéraire, l’Histoire du Quarante-unième fauteuil de l’Académie, et le plaisir que plusieurs de nos lecteurs nous ont dit avoir ressenti en lisant l’étude sur Molière que nous avons extraite du livre de M. Arsène Houssaie, et publiée dans Le Mousquetaire, nous engage à reproduire encore quelques morceaux de l’œuvre du directeur du Théâtre-Français. Comme disent techniquement les typographes : on ne saurait donner aux lecteurs de meilleure copie.
V. Cochinat.
Le Mousquetaire, après avoir imprimé « Molière.1620-1673 » (no 184, 3 juillet), imprimera « L’Art » no 187-188, 6-7 juillet 1855 ; « Histoire du quarante-et-unième fauteuil. Descartes » : no 189, 8 juillet 1855 ; « Histoire du quarante-et-unième fauteuil. Rotrou. 1609-1650 » ; no 190, 9 juillet ; « Gassendi » : no 192, 11 juillet ; « Scarron. 1610-1660 » : no 193, 12 juillet ; « Pascal. 1623-1642 » : no 194, 13 juillet ; « Le cardinal de Retz » : no 195, 14 juillet ; « La Rochefoucauld » : no 196, 15 juillet 1855 ; « Arnauld. 1612-1694 » : no 199, 18 juillet ; « Nicole. 1625-1695 » : no 200, 19 juillet ; « Saint-Évremont » : no 208, 27 juillet ; « Bourdaloue. 1632-1704 » : no 209, 28 juillet ; « Bayle. 1647-1706 » : no 210, 29 juillet ; « Régnard » : no 211, 30 juillet ; « Hamilton. 1646-1720 » : no 214, 2 août ; « Louis XIV. 1638-1715 » : no 212, 31 juillet ; « Malebranche. 1638-1715 » : no 213, 1er août ; « Dancourt. 1661-1725 » : no 216, 4 août ; « Vauvenargues. 1715-1745 » : no 217, 5 août ; « Lesage. 1669-1747 » : no 218, 6 août ; « D’Aguesseau. 1666-1751 » : no 219, 7 août ; « Le duc de Saint-Simon. 1675-1755 » : no 220, 8 août ; « L’abbé Prévost. 1697-1765 » : no 221, 9 août 1855 ; « Helvétius. 1715-1771 » : no 222, 10 août ; « Piron. 1689-1775 » : no 223, 11 août ; « J. J. Rousseau. 1719-1778 » : no 225, 13 août ; « Gilbert » : no 226, 14 août ; « Diderot. 1713-1784 » : no 227, 15 août ; « Marly. 1709-1785 » : no 228, 16 août ; « Mirabeau. 1749-1791 » : no 230, 18 août ; « André Chénier. 1763-1794 » : no 231, 19 août ; « Beaumarchais. 1732-1799 » : no 233, 21 août ; « Rivarol. 1757-1801 » : no 234, 22 août ; « Napoléon. 1769-1821 » : no 235, 23 août ; « Millevoye. 1782-1816 » : no 237, 25 août ; « J. de Maistre. 1753-1821 » : no 238, 26 août ; « P. L. Courier. 1772-1829 » : no 239, 27 août ; « Benjamin Constant. 1797-1830 », no 240, 28 août ; « Jouffroy.1796-1842 » : no 243, 31 août ; « Stendhal. 1783-1842 » : no 245, 2 septembre ; « Hégésippe Moreau. 1810-1838 » : no 246, 3 septembre ; « Balzac. 1799-1850 » : no 247, 4 septembre ; « Lamennais.1782-1854 » : no 248, 5 septembre ; « Gérard de Nerval. 1810-1855 » : no 249, 6 septembre ; « Béranger. 1780-18.. » : no 250, 7 septembre ; « Dialogue des morts sur les immortels » : no 251, 8 septembre.
Signalons encore que le 24 janvier 1856 Le Mousquetaire imprime une nouvelle d’Arsène Houssaye intitulée La Folle du Val des loups, mais à cette époque Dumas « ne conserve plus que sa rédaction minimale [du journal] avec droit d’y faire figurer des réclames personnelles ».
Comme le Cid
La dernière lettre que nous possédions de la correspondance échangée entre Dumas et Arsène Houssaye – et la plus belle sans doute – ne s’adresse plus à Houssaye administrateur de la Comédie-Française, mais à Arsène Houssaye qui dirige de nouveau depuis 1859 L’Artiste et qui, depuis 1861, est devenu propriétaire et directeur de la rédaction de La Presse. Quant à Alexandre Dumas, ce n’est plus l’auteur dramatique, le directeur de journaux plus ou moins éphémères ou le journaliste politique de son Indipendente napolitaine, c’est le romancier qui, grâce à La San Felice, imprimée alors en feuilleton par La Presse, espère une reconquête de Paris : « Je reçois des lettres de Houssay et de Rouy – tout cela me paraît contentissime. » écrit-il le 21 janvier 1864 à son fils [39] :
Et le même jour à Arsène Houssaye :
Cher ami
Je n’ai pas besoin de vous dire le plaisir que m’a fait votre lettre – Je joue dans ce moment-ci comme on dit la belle avec le public. – Il y a six ans que je n’ai rien fait pour les journaux ni pour les théâtres français et pendant ces six ans il ne s’est pas produit d’œuvre d’une haute portée – je crois celle-ci sérieuse. – C’est l’évocation de toute une époque depuis le roi jusqu’au bandit, depuis le cardinal jusqu’au simple moine. Et la France républicaine planera au-dessus de tout cela – calme, loyale et poétique dans les deux individualités de Championnet et de Macdonald.
Ne vous inquiétez point de chapitres qui vous paraîtraient épisodiques – dans un roman de 3 millions de lettres il faut permettre à l’auteur de poser carrément ses personnages. – Il m’a fallu un chapitre pour Mammonne, deux chapitres pour Fra Pacifio, trois chapitres pour Fra Diavolo, mais le développement du caractère de mes personnages répondra à la largeur du piédestal [40].
[L’Artiste [41] existe donc toujours faites ce que vous voudrez de cette pauvre prose dont vous me parlez mais ne serait-il pas mieux que je vous donne autre chose. – Payez-vous votre rédaction – ce n’est pas une simple curiosité qui me fait demander cela ? je voudrais bien faire des choses d’Art.
Je vais vous envoyer des photographies quoique Rouy me dise de n’en rien faire. Rouy [42] n’en fera peut-être rien – mais vous en ferez peut-être quelque chose.]
Pouvez-vous me garder une place plus tard dans La Presse en supposant que La San Felice continue de réussir.
Je voudrais faire un grand roman héroïque de Manfred dans le genre d’Ivanhoé avec plus de passion. – J’ai envie de peindre cette grande figure de Charles d’Anjou – l’homme basané, qui dormait peu et qui ne riait jamais dit Villani [43].
Enfin j’ai envie mon ami de rentrer dans le combat fût-ce mort et lié sur mon cheval comme le Cid [44].
Aidez-moi
Tout à vous
Alex Dumas.
21 janvier
[Envoyez-moi vos vingt francs pour ma Société de Sauveteurs] [45].
Une dernière soirée
Dans Mes mémoires, Alexandre Dumas évoque la soirée du 2 juin 1851, chez les Girardin, réunissant six personnes qui causent d’art : Mme Émile de Girardin, Victor Hugo, Théophile Gautier, Arsène Houssaye, le docteur Cabarus et lui-même.
Celui que nous avons indiqué sous le no 4 cumulait ; peut-être était-il un peu moins poète que les trois autres, mais il était beaucoup plus directeur, ce qui rétablissait l’équilibre – directeur du Théâtre-Français dont il a donné déjà trois fois sa démission, qu’on n’accepte pas, il est vrai.
Peut-être demanderez-vous pourquoi M. Arsène Houssaye est si facile à se démettre.
Rien de plus simple : MM. les sociétaires du Théâtre-Français lui font la vie si dure, que le poète est toujours prêt à envoyer promener ses demi-dieux, ses héros, ses rois, ses princes, ses ducs, ses marquis, ses comtes et ses barons de la rue de Richelieu, pour en revenir à ses barons, à ses comtes, à ses marquis, à ses ducs, à ses princes, à ses rois, à ses héros et à ses demi-dieux du XVIIe et du XVIIIe siècle, qu’il connaît et qu’il fait parler, comme s’il était le comte de Saint-Germain, qui était familier avec eux.
Maintenant, pourquoi MM. les sociétaires du Théâtre-Français font-ils la vie si dure à leur directeur ?
Parce qu’il fait de l’argent, et que rien n’irrite un sociétaire du Théâtre-Français comme de voir son théâtre faire de l’argent.
Cela peut paraître inexplicable aux gens sensés : c’est inexplicable, en effet ; mais je ne me charge pas d’expliquer le fait ; je le consigne, voilà tout [46].
Cette explication en vaut bien d’autres sans doute.