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Giorgia BONGIORNO

Université de Rouen - ERIAC

L’Alcesti di Samuele d’Alberto Savinio. La scène comique d’une tragédie impossible


Texte complet


Un nomade génial

Faut-il commencer notre réflexion par l’exercice quelque peu scolaire, et ici réduit à une variante très concise, de la présentation de l’auteur auquel nous nous consacrons ? Cela nous permettra du moins de souligner d’emblée la grande variété de sa production, son extraordinaire versatilité, l’extrême souplesse par laquelle il évolue parmi les genres et les arts, toutes qualités qui auront une place importante dans notre approche.

Alberto Savinio est le pseudonyme, emprunté au polygraphe et traducteur français Albert Savine, que s’est choisi Andrea De Chirico, frère du peintre Giorgio, bien plus fameux, avec qui il partage plusieurs activités et passions, et notamment la peinture, l’errance internationale, la posture avant-gardiste. Les deux « dioscures », comme on a appelé ces deux frères longtemps inséparables, associent leurs déplacements artistiques à une véritable mobilité biographique. Après une enfance à Athènes, ils se transfèrent à Munich en 1905, où Savinio fait fructifier son diplôme au Conservatoire de Musique d’Athènes en écrivant son premier opéra, très apprécié par Mascagni, et en poursuivant ses études musicales avec Max Reger. De là ils arrivent à Paris, en 1911, où ils habiteront à plusieurs reprises, en alternance avec Rome et Milan. Dès ce premier séjour, Savinio rentre en contact avec les Avant-gardes et avec les plus importants cercles musicaux de la Capitale. Ami d’un autre apatride d’exception, Guillaume Apollinaire, qui accueille son manifeste musical et ses textes dans ses Soirées de Paris, Savinio fréquentera plus tard, avec son frère, le milieu surréaliste. Parmi les traces de cette rencontre, rappelons seulement la plus connue, la notice tout aussi brève qu’essentielle, consacrée à notre auteur dans l’Anthologie de l’humour noir d’André Breton :

Tout le mythe moderne encore en formation s’appuie à son origine sur les deux œuvres dans leur esprit presque indiscernables, d’Alberto Savinio et de son frère Giorgio de Chirico, œuvres qui atteignent leur point culminant à la veille de la guerre de 1914. Les ressources du visuel et de l’auditif se trouvent par eux simultanément mises à contribution pour la création d’un langage symbolique, concret, universellement intelligible du fait qu’il prétend rendre compte au plus haut degré de la réalité spécifique de l’époque [1]

Musique, surréalisme, peinture, mais aussi écriture et théâtre, que notre auteur pratique avec plusieurs casquettes, et sur lequel nous nous concentrerons ici, en estompant ainsi le panorama très incomplet de la palette savinienne. Savinio est en effet compositeur musical (d’œuvres lyriques, de ballets, de pantomimes), décorateur [2], mais aussi insigne critique théâtral [3]. De son activité proprement dramaturgique, il suffit de rappeler deux moments forts : celui des années 30, qui voit entre autres sa participation active au Teatro d’Arte fondé par Luigi Pirandello à Rome [4] ; et ensuite celui marquant les dernières années de sa vie, comprenant donc l’Alcesti di Samuele [5].

Le principe ironique de contradiction

Ce qui apparaît évident, à suivre même rapidement les pas de notre auteur, est cette marque multiple, qui caractérise sa flânerie dans les arts, et qui accompagne cette autre flânerie parmi les langues que Savinio exercera tout au long de son œuvre polyglotte. C’est là une attitude qu’il a pu désigner comme une sorte de dilettantisme ou de nomadisme intellectuel et qui relie tout naturellement une recherche du multiple à une démarche décentrée, toujours volontairement à côté. Savinio se met d’ailleurs sous la protection d’une figure particulière. Hermaphrodito, qui donne le titre à son premier roman de 1918, tout comme le sujet d’un de ses tableaux les plus connus, « Il riposo di Hermaphrodito » (1944-1945), est un peu le pendant de Bacchus, qui patronnait la parodie médiévale, et sera un véritable dieu tutélaire et emblème textuel de la parodie contemporaine. S’y associe une ambivalence essentielle de l’œuvre demeurant dans le droit que son auteur s’octroie d’une contradiction perpétuelle, dont il fait un usage heureux et abondant et qu’il désigne comme le moteur de sa pensée, et même de toute pensée :

Nous sommes au-delà des frontières. Nous sommes au-delà de la sincérité. Le jeu ambigu est notre vérité et notre réconfort, ce jeu ambigu perpétuel que les Grecs dans leur langue très rusée exprimaient au moyen de l’usage constant de men opposé au de. Mais un sens extraordinaire de l’équilibre est requis, une extraordinaire foi dans la variété, dans l’infinie variété de la vérité, pour savoir naviguer dans un air raréfié, à une distance aussi grande des frontières du bien et du mal, de la lumière et des ténèbres, du blanc et du noir [6].

La vérité, donc, comme une variété : il est indispensable d’en tenir compte pour comprendre la nature plurielle, mélangée, foncièrement double du geste théâtral savinien. Car la tragédie Alcesti di Samuele qui nous intéresse ici n’en est pas une, et cela dans le sillon d’Euripide lui-même dont l’Alceste peut être catalogué sous le genre de la tragi-comédie.

L’« amour de l’amante [7] »

Savinio écrit son Alceste en 1949 et a raconté à plusieurs reprises la naissance de l’idée de l’œuvre, y compris dans le long prologue de la pièce, confié au personnage de l’Auteur. Sous le grand mythe grec se voit transfiguré un terrible fait divers. À l’automne 1942, assistant aux répétitions du Wozzeck d’Alban Berg au Théâtre de l’Opéra de Rome, le critique théâtral Savinio aperçoit en effet dans la salle un homme qui attire son attention à cause, dit-il, du « tragique de son visage ». On l’informe qu’il s’agit de l’éditeur viennois du Wozzeck, venu suivre le spectacle en Italie. Mais s’y attache encore une vraie tragédie : quelques mois auparavant, sa femme, juive, s’est donnée la mort pour qu’il n’abandonne pas la direction de la maison d’édition, les lois de Nuremberg venant de s’endurcir jusqu’à viser tout conjoint de juif. Dans la pièce, le personnage de l’Auteur commente ainsi sa réaction à cette histoire tragique :

quando Blod mi disse : « la moglie, per liberare il marito, si uccise », ero rimasto senza fiato. (…) Una figura mi stava davanti. Alta. Trasparente. Una statua di cristallo… Ecco ! Anche ora… Come ? Nessuno la vede ? … Pulitevi gli occhi. Che state a fare qui ? … Pensai : Alcesti è rinata [8].
…lorsque Blod me dit : « la femme, pour libérer son mari, se tua », cela m’a coupé le souffle. (…) Une figure était devant mes yeux. Grande. Transparente. Une statue en cristal… La voici ! Même maintenant… Comment ? Personne ne la voit ?... Nettoyez vos yeux. Qu’est-ce que vous faites là ? … Je pensai : Alceste est née à nouveau.

Et Savinio d’offrir à Madame Schlee – Teresa Goerz sur les planches – le mythe d’Alceste, qui accepte d’être prise par les Moires à la place de son mari Admète et est conduite aux Enfers, pour être toutefois reportée à nouveau chez les vivants par Héraclès en personne.

La tragédie que Savinio conçoit à partir de cette apparition se compose dès lors de deux parties. Un premier acte évoque en flash back le suicide de Teresa à travers la lecture de sa lettre d’adieu, que le mari trouve posée près de son portrait ; un second présente la catabase qui la ramènera à la vie, mais avec un final à surprise : Teresa, à la différence de l’Alceste grecque, préfère, finalement, l’au-delà jusqu’à y trainer également Paul Goerz, le mari.

Mais l’adaptation du mythe d’Euripide est surtout des plus énergiques, qui donne au deus ex machina, Héraclès, la silhouette du président américain Franklin Delano Roosevelt – homme du commun, en civil pour la partie haute et « monument automouvant sur son propre piédestal [9] » de la ceinture aux pieds, couvert d’une jupe en crinoline. Un contexte fortement expérimental, on l’aura compris, accueille le mythe modernisé, à la fois profondément revisité et extraordinairement fidèle. Dans cette tension, il est d’ailleurs facile de retrouver le rapport tout entier de Savinio avec sa Grèce natale, lue, relue, parodiée, jusqu’à ce qu’il puisse dire d’elle : « Chacun sait qu’en Grèce, comme chez Prisunic, on trouve tout ». Et sur la scène d’Alcesti on dégote effectivement pas mal de choses. Il est tentant de la décrire comme un tableau métaphysique occupé par des objets animés, des humains réifiés, une sorte de tragique en papier mâché, où règne une hétérogénéité stylistique majeure. Ce mélange de registres n’est certes pas nouveau et s’installe chez Savinio dans la droite lignée des avant-gardes qu’il avait côtoyées longuement à Paris. Le portrait de Teresa, grandeur nature, sorte de seuil mystérieux entre la vie et la mort puisqu’elle reviendra justement de cette « porte sacrée », n’est pas sans évoquer le miroir de l’Orphée de son ami Cocteau. Tout comme vers Cocteau font signe, nous semble-t-il, le gigantesque téléphone, « dix fois plus grand qu’un appareil réel [10] », par lequel arrive l’appel fatal du Ministère et dont on entend la voix mécanisée ; ou encore la voix du Haut-parleur devenant une présence scénique à part entière. Une autre trouvaille pourrait convoquer un Beckett (quelques années) avant la lettre [11] : celle des figures des parents de Paul Goerz, que la didascalie de Savinio décrit comme « deux silhouettes peintes » placées aux deux côtés de la scène, « une vieille à gauche, un vieux à droite. Assis tous les deux en fauteuil. À l’intérieur de l’ovale creux du visage, le visage vivant de l’acteur et de l’actrice. S’ils sont réveillés ou endormis, on ne le sait pas [12] ». De fait, il suffit de chercher dans la peinture de Savinio pour croiser certaines de ces présences : le tableau dans le tableau, ou le « Poltrobabbo » et la « Poltromamma » (qu’on pourrait traduire d’une façon sommaire par « papafauteuil », « mamanfauteuil »), figures autour desquelles l’écriture composera une philosophie de l’ameublement presque benjaminienne [13].

Le deuxième acte de la pièce, se déroulant dans le « Kursaal des Morts » où descend Roosevelt/Hercule, ne fait quant à lui qu’intensifier ces inventions scéniques. Se met ainsi en place un enfer farcesque, où un directeur hermaphrodite invisible se fait entendre par le biais d’une chaise et où, un peu à la manière de l’« Œuvre de la mort volontaire » de l’Endormeuse de Maupassant [14], mais aussi selon les principes de Schopenhauer chers à Savinio, les hôtes qui ne veulent pas se séparer de leur identité de vivants pour rentrer dans l’indistinction de l’au-delà, sont aidés à mourir. C’est l’occasion d’un déploiement d’objets mouvants dans une forêt dantesque de voix qui peuplent cette fantasmagorie infernale, entraperçue dans le noir où est entièrement plongée la scène.

Celui qui, à l’entrée « Drame » de sa Nouvelle Encyclopédie, écrit : « tout drame est une descente aux enfers [15] », et insiste en même temps sur la nature foncièrement non dramatique de son temps, pour lequel seul est possible « un spectacle de variété », construit donc une nouvelle Alceste, une Alceste de Samuel, visant la tragédie d’une guerre qui aura tout particulièrement nié la nature humaine. Cela sera-t-il une anti-tragédie, un « spectacle de variété » qui dirait paradoxalement, ou annulerait à jamais, le tragique à son plus haut point ?

Un contrepoint méta-théâtral

Une torsion majeure anime de fait toute l’opération savinienne, qui contredit la tragédie dans le même temps dans lequel elle la compose. Le suicide de Teresa-Alceste au cœur de la pièce, symbolise le mieux ce mouvement à contre-pied, puisqu’il est vite rendu inutile. D’abord présenté par l’héroïne elle-même comme un « beau geste » (Teresa écrit à son mari : « Ora anch’io mi posso dire artista. Opera grande. (…) Una parola all’orecchio : in questo mio sublime sacrificio, non riesco a determinare quanto c’è di eroismo e quanto di vanità » [16]), il vire ensuite vers cette indifférenciation de la mort qui mènera l’héroïne à une indifférence envers la vie. Si l’Alceste d’Euripide est toute dans une affirmation de la vie, l’Alcesti de Savinio, entièrement happée par la séduction de la mort, renverse d’abord la connotation sacrificielle du geste, avant de le transformer radicalement. L’écart qui s’établit entre le modèle grec et sa version contemporaine tient ainsi au déplacement de la fonction de la mort – expiation [17] dans la tragédie grecque, martyre dans la tragédie chrétienne et qui se retrouve dans la tragédie savinienne à perdre son contenu ou mieux son contenant dramatique. Pour une tragédie sans drame, perpétuellement désamorcée par un mécanisme de contrepoint des plus puissants.

La structure fortement méta-théâtrale parsème en effet la pièce de maintes situations et fonctions textuelles qui mettent à mal le dispositif tragique. L’une des plus évidentes est la multiplication du moi, se divisant entre le personnage de l’Auteur et la voix du Haut-parleur, qui prend d’emblée des allures de personnage, en débattant au début de la pièce, dans un tac-au-tac endiablé avec un spectateur. Cette hyper-conscience de la scène exerce dès lors une action de commentaire incessant, qui interrompt le déroulement de l’action et y fait entrer un deuxième degré permanent. Un exemple significatif en est la lecture de la lettre de Teresa, constamment entrecoupée par les remarques de l’Auteur, auxquelles s’ajoutent celles des parents, et qui finit par constituer une grande partie du premier acte. La voix du Haut-parleur intervient de la même manière : pensons seulement à la phrase qui surgit à l’improviste au milieu des répliques, « Le deuil ne doit pas apparaître dans cette maison [18] », et que le Haut-parleur répétera en boucle, jusqu’à ce qu’elle prenne des tons de plus en plus vifs et se transforme en marche militaire annonçant l’entrée de Roosevelt, pour revenir ensuite sous sa première forme dérangeante. « Le deuil ne doit pas apparaître dans cette maison ». Une fonction similaire est encore jouée par les voix des parents, créant un double-fond petit bourgeois, souvent sarcastique, toujours décalé par rapport à la tonalité tragique. Comme par exemple dans leur entrée en scène, juste au moment où Paul Goerz apprend du Ministère la tragique contrainte (divorcer ou quitter son poste) :

PADRE. – Povero Paul ! (Risponde dalla sagoma di sinistra la voce della Madre).
MADRE. – Io il mio dovere l’ho fatto. Nessuno mi può dire niente. Gli avevo detto : « Non la sposare ». E lui non solo l’ha sposata, ma l’ha sposata per far dispetto a me, sua madre [19].
PÈRE. – Mon pauvre Paul ! (La voix de la Mère répond de la silhouette de gauche).
MERE. – Moi, j’ai fait mon devoir. Personne n’a rien à me dire. Je lui avais dit : « Ne te marie pas avec elle ». Et lui, non seulement il s’est marié avec elle, mais il l’a fait pour me contrarier, moi, sa mère.

Cloués au clichés comme le sont leurs figures immobiles sur scène, les parents opèrent une banalisation perpétuelle, où l’aura mythique est automatiquement maltraitée – ce que l’Auteur ne manque pas de souligner, lors d’une des nombreuses prises de bec : « AUTORE. – Silenzio ! Non vedete che i vostri commenti abbassano il tono della situazione [20] ? »

Les commentateurs se commentent aussi entre eux et dans ce chassé-croisé généralisé il arrive encore aux personnages de ponctuer eux-mêmes la scène. Ainsi de Roosevelt, qui s’exclame à la mort spectaculaire de Paul Goerz : « Che scena ! Pieno surrealismo. Presto un operatore e una macchina da presa [21] ! »

Toutes ces interventions diluant la tragédie d’Alceste forment une pluralité de voix sortant de la maestria musicale de Savinio, qui invente ainsi un nouveau genre de chœur, se libérant du statut civique qu’il possède chez Euripide et orchestrant selon un rythme composite une démythification de la tragédie de la vie et de la mort. Une réplique du Père :

PADRE. – Tempo ! Tempo ! Noi viviamo nel tempo. Ci tocca andare a tempo. Te lo immagini il largo di Händel e assieme una polca [22] ?
PÈRE. – Le Temps ! Le Temps ! Nous vivons dans le temps. Il nous faut garder le tempo. Est-ce que tu arrives à te figurer le largo d’Händel à côté d’une polka ?

signale parfaitement la décomposition du Temps tragique à l’aide d’un tempo mixte, mélange de haut et de bas. Car c’est bien une matière basse, comique qui est souvent véhiculée par la conceptualisation et l’ironie incessantes de ces remarques. Pensons à tel commentaire acide du personnage de la Mère envers Teresa :

MADRE. – C’è modo e modo di morire. Hai deciso di morire ? Benissimo ! Chi ti dice niente ? Ma vattene con modestia, cerca di fare meno chiasso che puoi… Invece no ! La tragedia [23] !
MÈRE. – Il y a manière et manière de mourir. Tu as décidé de mourir ? Très bien ! Qui est-ce qui va te dire quelque chose ? Mais va-t’en modestement, essaie de faire le moins de vacarme possible… Et bien non ! La tragédie ! »).

Ou encore au discours inspiré de Teresa vers la fin de la pièce, racontant son chemin vers l’oubli de soi de l’outre-tombe :

E ogni lume di me torre era un ricordo. Poi, a poco a poco, la sofferenza cominciò a sedarsi, i lumi uno a uno a spegnersi, i ricordi a svanire. E io torre mi oscuravo, mi oscuravo… Mi spensi. Ora io sono una torre buia.

qui reçoit aussitôt la pique de l’Auteur : « AUTORE. – Peggio di Eleonora Duse [24] ! »

TERESA. – Et chacune des mes lumières, de moi comme tour, était un souvenir. Puis, petit à petit, la souffrance commença à s’apaiser, les lumières à s’éteindre une par une, les souvenirs à s’évanouir. Et moi, tour, je m’obscurcissais, m’obscurcissais… Je m’éteignis. Maintenant je suis une tour obscure.
AUTEUR. – Pire qu’Eleonora Duse !

Après la « tragédie », c’est à la « tragédienne » de faire les frais du jeu de massacre généralisé. Assurément : l’idée d’abaissement comique que nous avons avancé jusqu’ici rassemble très, et certainement trop, rapidement des catégories hétéroclites. Mais c’est que cette pièce-monstre savinienne se déplace sur la roue de Virgile, fluctuant entre le grotesque, le parodique, le pathétique, et s’approchant également de cet « umorismo » comme sentiment du contraire que Pirandello différenciait du comique, simple perception du contraire. Fidèle à ce mélange constitutif, nous donnerons donc pêle-mêle les exemples les plus frappants de cet enrayage comique de la machine tragique.

Le tragique désamorcé

On a déjà vu la panoplie d’objets grotesques qui occupent l’improbable Kursaal des Morts, et à cet appareil scénique on ne manquera pas d’ajouter la pompe à siphon qui fait remonter Teresa, dont on entendra d’abord le rire, comme chatouillée dans son ascension, si antithétique au silence rituel gardée par l’Alceste grecque revenue à la vie. Le corporel est envahissant dans la résurrection de la nouvelle Alceste, comparée à une « colossale extraction dentaire » [25], ou à un retour du fœtus dans le ventre maternel, pour aller jusqu’à sa variante scatologique. Et toujours dans le registre intestinal, voici les mots de Teresa elle-même : « Un’orrenda inversione. Io sono il vomito che la Morte rigetta sui vivi [26]. »

La désacralisation préside encore à un autre moment particulièrement tragique, lorsque Paul Goerz termine de lire la lettre d’adieu de sa femme :

Goerz abbassa lentamente la mano che regge la lettera. Nello sforzo di contenersi gli scappa un peto. L’Altoparlante caccia un grido altissimo, prolungato, « Ooooh ! », nel quale seppellisce quel suono tristissimo : la voce più intima dell’uomo. L’Autore fa finta di niente e domanda a Goerz :


AUTORE. – Scusi, dottore, c’è un poscritto [27] ?
Goerz baisse lentement la main qui tient la lettre. Dans l’effort de se contenir un pet lui échappe. Le Hautparleur pousse un cri très haut, prolongé, « Ooooh ! », dans lequel il ensevelit ce son tellement triste : la voix la plus intime de l’homme. L’Auteur fait comme si de rien n’était et demande à Goerz :
AUTEUR : Excusez-moi, monsieur, y a-t-il un post-scriptum ?

Le Rabelais de Bakhtine n’est vraiment pas loin. Mais l’élément qui brouille plus fortement l’aura héroïque du modèle tragique reste nécessairement ce nouvel Hercule libéral, dont la seule apparition a déjà contribué à la contamination de la pièce. Naïf et jovial (l’Auteur l’appelle « l’homme des dents », « la Bouche qui rit »), peu conscient de son rôle, il est présenté par moments comme un « grand enfant », ou comme un boy-scout hors d’âge [28] :

ROOSEVELt. – Ora so perché sono venuto qui. Lei ha ragione. Ricordo. Sentivo uno stimolo… Che aspettiamo ? Ho fretta di fare l’Ercole. (Ride. Gonfia i pettorali. Fa con le sue braccia movimenti da sollevatore di pesi). Subito sul luogo della tragedia [29].
ROOSEVELt. – Maintenant je comprends pourquoi je suis ici. Vous avez raison. Je me souviens. Je ressentais une pulsion… Qu’est-ce qu’on attend ? J’ai hâte de faire l’Hercule. (Il rit. Il gonfle ses pectoraux. Il fait des gestes d’haltérophile). Vite sur le lieu de la tragédie.

À côté du rapprochement choc entre la mort omniprésente et la caricature, il ne faudra pas oublier non plus le contraste scénique/conceptuel qui opère main dans la main avec le renversement comique. Les longues digressions qui traversent la pièce, autour des totalitarismes, de la nature suicidaire de la vieille Mitteleuropa face à l’optimisme triomphant des États-Unis, sur l’allégorie philosophique portée par le mythe d’Alceste, ont un poids tout aussi équivalent, dans la démythification, que le mélange tragicomique vu auparavant. 

La perspective est la même : celle d’un désenchantement qui empêche toute tragédie. Car c’est une impossibilité profonde du tragique que Savinio interroge avec sa pièce hybride, qui s’insère dans ce qu’on pourrait sans faute indiquer en termes hégéliens par une sécularisation du divin. En 1946, Savinio appose une note à l’entrée « Drame » de sa Nouvelle Encyclopédie, écrite avant la guerre :

Ces considérations sur le défaut de dramatisme de notre temps, ont été écrites avant la guerre de 1939-1945. On le sent bien. Nous connaîtrons par la suite la cruauté, l’atrocité, l’horreur totales. Pourtant, ces éléments suffisaient-ils à créer le drame ? Il s’agissait d’une cruauté, d’une atrocité, d’une horreur qui explosaient infiniment haut, dans l’épouvantable nuit de ces six années de guerre, une pyrotechnie démesurée du mal, qui toutefois se concentrait en une voix unique et « sans réplique », donc sans drame. Notre impossibilité de dramatisme naît d’une raison « cosmique » : de l’effacement de Dieu. L’interminable conflit entre l’homme et Dieu (ou ses sous-produits) est aux origines du drame (…) Le vrai est simplement ceci : qu’il n’y a plus de drame depuis que Dieu a disparu Ajouterais-je que je me réjouis profondément de cette disparition définitive [30] ?

Représentations de l’irreprésentable tragique

Cette impossibilité se voit soulignée d’une manière décidément frappante par le fiasco de la première représentation de l’Alcesti. C’est un jeune mais déjà affirmé Giorgio Strehler qui mettra en scène l’Alcesti di Samuele au Théâtre Piccolo de Milan en juin 1950, du vivant de Savinio, lequel s’occupera du décor, assistera aux répétitions, suivra de près le choix des acteurs et les mises en forme de son texte [31]. Le « teatro tutto di parola », théâtre entièrement parlé, de Savinio, malgré les nombreuses coupes par lesquelles il acceptera de l’alléger, est très accueilli par un public encore rétif à des acquis avant-gardistes déjà tardifs. Et c’est surtout lors de la représentation de l’au-delà du deuxième acte, où Savinio et Strehler plongent la scène et la salle dans l’obscurité totale, que les spectateurs se déchaineront dans une profusion de bruits, sifflements et interruptions qui durera jusqu’à la fin. Les comptes rendus sont pour la plupart tout aussi implacables. Ainsi que l’écrira Dino Buzzati : « Laisser le public dans le noir, et donc dans un état d’impunité et d’anonymat, à une première de Savinio, c’est ouvrir la porte aux pires instincts [32]… ».

Notre auteur réagira selon son aplomb habituel, et se demandera entre autres : « Ce fut vraiment la pièce qui ne marcha pas, ou ce fut le public [33] ? » Quant à Strehler, l’Alcesti marquera de façon plus que significative un tournant essentiel de sa poétique, qui, d’une angoisse existentialiste, virera décidément vers un engagement politique plus prononcé [34]. Toujours est-il que les représentations n’iront pas au-delà de onze soirées.

Il faudra attendre presque cinquante ans pour que l’Alcesti di Samuele revienne sur les planches du théâtre romain Argentina, mis en scène par Luca Ronconi, en avril 1998, pour la saison théâtrale 98-99 du Teatro di Roma, dont il quittait la direction pour prendre celle du… Piccolo Teatro de Milan.

Le spectacle, que Ronconi a probablement pensé en gardant en mémoire l’insuccès de son célèbre prédécesseur, fut alors accueilli très favorablement [35]. Le franc succès qu’il connut n’est d’ailleurs pas seulement dû, de notre point de vue, à la présence d’un public plus mûr, certainement bien disposé à l’égard du metteur en scène, qui est déjà largement connu et apprécié à cette époque. C’est plutôt le geste de mise en scène qu’il opère qui est à l’origine de cette réception heureuse.

À l’occasion, l’Alcesti est en effet dédoublée en une pièce théâtrale et une pièce radiophonique que la troisième chaîne de la Radio Nationale Italienne diffuse dans les mêmes jours que la représentation.

À l’écoute de l’enregistrement radiophonique de la lecture théâtrale dirigée par Ronconi [36], et il est dès lors particulièrement intéressant de suivre les découpages textuels très nets du metteur en scène. Celui-ci fait en effet basculer du côté de la voix radiophonique toutes les digressions politiques et philosophiques de la pièce ; tous les longs monologues de l’Auteur sur le théâtre ou sur la politique, ou encore les passages copieux où Teresa/Alceste aborde le savoir de la noluntas. Et Ronconi de garder pour la scène ce qu’on pourrait désigner comme une sorte de squelette parodique. Les quelques images, ou descriptions d’images, qu’il est possible de récupérer du spectacle (dont il n’existe pas de vidéo entière à notre connaissance), sont d’ailleurs plus que significatives à ce propos. Téléphone géant, portraits géants des parents ou de Teresa, figure onirique d’un homme à la tête de Haut-parleur, minimalisation du cadre scénique : c’est grâce à des choix foncièrement stylistiques de mise en scène qu’est maintenue la valeur conceptuelle conférée à la pièce par les nombreux passages théoriques qui se virent effacés du spectacle théâtral.

Ce faisant, le metteur en scène arrive à toucher, nous semble-t-il, l’un des nœuds les plus significatifs de la démarche savinienne. Si Alcesti représente en effet parfaitement la singularité la plus évidente du théâtre de Savinio – sa littérarité –, nul ne niera par ailleurs le potentiel théâtral de la parole savinienne - question sur laquelle l’auteur lui-même revient maintes fois. Or l’idée de Ronconi demeure justement dans l’attribution à la parole d’Alcesti d’un lieu théâtral hors la scène, répartition paradoxale qui garde intacte l’ambivalence au cœur du geste de Savinio, tout en lui donnant une forte résonance.

Ronconi applique un critère à la fois simplificateur et complexe, en faisant plus que discriminer les contenus hauts et bas, scéniques ou conceptuels, qui fonctionneraient l’un sans l’autre. Il invente plutôt deux lieux parallèles – ainsi qu’il le dira lors d’un interview : « j’ai joué sur les deux lignes du texte [37] ». De cette manière, il gère mieux que Strehler l’impossibilité de la représentation. Et il le fait grâce à : une bipolarité, qui prend toute sa force de la nécessaire cohabitation des deux événements, et qui s’adapte donc aux degrés et aux registres de cette Alcesti oscillant sans cesse entre tragique et comique, véritable pièce-monstre dans la mesure où son objet est monstrueux : une tragédie sans catharsis qui surgit de notre temps.

Car, pour Savinio, le théâtre, dont le fil rouge traversera presque régulièrement les digressions multiples et variées de son œuvre plurielle, est l’art collectif qui recouvre le plus la fonction de pousser l’intellectuel vers l’impur de la contemporanéité pour s’y mesurer :

Tra le forme d’espressione, il Teatro è una delle più impure. (…) A Quito, capitale dell’Equador, i tram portano sul tetto una « giardiniera » sulla quale via via dalle finestre vuotano le immondizie. Alla fine della corsa, il tram scarica, assieme coi passeggeri, la sozzura.
Le forme d’arte collettive portano sottane a strascico, raccattano polvere e ogni sorta d’impurità. In ultimo il carro di Tespi diventa carro della nettezza urbana [38].
Parmi les formes d’expression, le Théâtre est une des plus impures. (…) À Quito, capitale de l’Équateur, les trams portent sur leur toit une « jardinière » sur laquelle au fur et à mesure on vide la poubelle des fenêtres. En fin de course, le tram décharge, avec les passagers, son ordure.
Les formes d’art collectives portent des jupons à traîne, ramassent de la poussière et toute sorte d’impureté. En dernier lieu, le char de Thespis devient le char du service de voirie.

Quelle image meilleure que celle de cette superposition pour réfléchir, dans le temps qui est le nôtre, sur le mélange traditionnel du tragique et comique composant la scène ?

Notes

[1André Breton, Anthologie de l’humour noir, Paris, Jean-Jacques Pauvert, 1966, p. 367.

[2Pour le théâtre de La Scala de Milan, Savinio s’occupe en 1948 des décors d’Oedipus Rex de Cocteau-Stravinsky, en 1949 des Contes d’Hoffmann d’Offenbach et de L’oiseau de feu de Stravinsky. Pour le Théâtre Piccolo de Milan, il sera décorateur, en 1949-1950, de la pièce dont il est question ici, l’Alcesti di Samuele. En 1950, ce sera une autre de ses pièces, l’Orfeo Vedovo, qu’il décorera pour le théâtre Eliseo de Rome. Et enfin, pour le Mai Musical Florentin, en 1952, à quelques mois de sa mort, il fera les décors pour l’Armida de Rossini.

[3Les comptes rendus sur le théâtre de notre auteur sont rassemblés dans Alberto Savinio, Palchetti romani, Milan, Adelphi, 1982 ; les comptes rendus sur la musique figurent dans Alberto Savinio, Scatola sonora, Turin, Einaudi, 1977 (1955).

[4À ce propos, nous signalons Tinterri, Alessandro, « Alberto Savinio e il Teatro d’Arte di Luigi Pirandello », dans Teatro Archivio, n° 3, 1980.

[5D’autres pièces sont écrites pendant cette phase de retour au théâtre de Savinio : La famiglia Mastinu de 1949, ou encore Emma B., vedova Giocasta également de 1949. Sur les activités de Savinio liées au théâtre nous signalons l’ouvrage de Valentino, Luca, L’arte impura. Percorsi e tematiche del teatro di Alberto Savinio, Rome, Bulzoni, « Biblioteca di cultura », 1991, 260 p.

[6Savinio, Alberto, Scatola sonora, Turin, Einaudi, 1977, pp. 404-405, ici dans la traduction française de René de Ceccaty dans Savinio, Alberto, La boîte à musique, Paris, Fayard, 1989, p. 423-424.

[7C’est Phèdre, dans Le Banquet de Platon, qui raconte l’histoire d’Alceste : « Ce n’est que parmi les amants qu’on sait mourir l’un pour l’autre. Et non seulement des hommes, mais des femmes même ont donné leur vie pour sauver ce qu’elles aimaient ; témoin Alceste, fille de Pélias : dans toute la Grèce il ne se trouva qu’elle qui voulût mourir pour son époux, quoiqu’il eût son père et sa mère. L’amour de l’amante surpassa de si loin leur amitié, qu’elle les déclara, pour ainsi dire, des étrangers à l’égard de leur fils ; il semblait qu’ils ne fussent ses proches que de nom. Et, quoiqu’il se soit fait dans le monde beaucoup de belles actions, il n’en est qu’un très petit nombre qui aient racheté des enfers ceux qui y étaient descendus ; mais celle d’Alceste a paru si belle aux dieux et aux hommes, qu’elle a mérité une récompense qui n’a été accordée qu’à un très petit nombre. Les dieux, séduits par son courage, lui rendirent avec l’âme de son époux la sienne propre : tant il vrai qu’un amour noble et généreux se fait estimer des dieux mêmes ! » (Platon, Le Banquet, Clermont-Ferrand, Éditions Paléo, « la Bibliothèque de l’Antiquité », traduction de Victor Cousin, revue par N. Desgrugillers-Billard, 2008, p. 16.

[8Savinio, Alberto, Alcesti di Samuele e atti unici, Milan, Adelphi, p. 26. La pièce de Savinio n’a pas de traduction publiée. Nous la citerons en italien dans le texte, mais proposerons, selon les cas, en note et entre parenthèses, ou après la citation, notre traduction des citations choisies. Par ailleurs, nous indiquerons les traductions existantes des autres ouvrages cités de Savinio. Un récit similaire figure aussi dans Savinio, Alberto, « Alcesti seconda », dans Scritti dispersi (1943-1952), Milan, Bompiani, 1989, p. 397-400.

[9Savinio, Alberto, Alcesti di Samuele e atti unici, op. cit., p. 72.

[10Savinio, Alberto, Alcesti di Samuele e atti unici, op. cit., p. 28. Pour la référence à Jean Cocteau, il s’agit de Les Mariés de la Tour Eiffel de 1921.

[11Fin de Partie est de 1957, Happy Days de 1961 (la pièce devient Oh les Beaux Jours en 1963).

[12Savinio, Alberto, Alcesti di Samuele e atti unici, op. cit., p. 28.

[13Nous pensons notamment à la partie « L’intérieur, la trace » de Paris Capitale du xixe siècle, où figure la réflexion sur la trace ou l’empreinte sur l’intérieur de la part de celui qui l’occupe [Benjamin, Walter, Paris capitale du xixe siècle, Paris, Cerf, « Passages », 2006, p. 230sqq] et dont la perspective pourrait parfaitement être appliquée aux nombreuses occurrences des meubles ou objets portant la trace des personnes, et notamment des parents, qui parsèment l’œuvre de Savinio, que ce soit dans la pièce que nous sommes en train de commenter, ou que ce soit dans la nouvelle « Casa La Vita », ou encore dans « Il signor Münster ». Sans vouloir ici approfondir cette correspondance particulière, nous nous contentons de la mettre en avant comme un pivot possible d’une réflexion spécifique sur le traitement temporel chez Savinio à travers ces présences du passé.

[14Cette proximité est signalée dans : Tramuta, Marie-José, « Le « Kursaal des morts » dans Alcesti di Samuele d’Alberto Savinio », dans Transalpina, n° 5, « La mort à l’œuvre : représentations et mises en intrigue de la mort en littérature » (sous la direction de Mariella Colin), Caen, Presses Universitaires de Caen, 2001, p. 115-127.

[15Savinio, Alberto, Nuova Enciclopedia, Milan, Adelphi, 1977, p. 123 ; ici dans la traduction de Nino Frank dans Savinio, Alberto, Encyclopédie nouvelle, Paris, Gallimard, « nrf », 1980, p. 140. Sur la question de la descente aux enfers, dans une perspective parodique, le chapitre que Gilda Policastro consacre à l’Alcesti savinienne est fondamental : Policastro, Gilda, « La catabasi in scena : Alcesti di Samuele di Alberto Savinio », dans In luoghi ulteriori : catabasi e parodia da Leopardi al Novecento, Pise-Rome, Giardini Editori e Stampatori, 2005, p. 71-86.

[16Savinio, Alberto, Alcesti di Samuele e atti unici, op. cit., p. 61. (« Moi aussi maintenant je peux m’appeler artiste. Une grande œuvre. […] Un mot à l’oreille : dans mon sacrifice sublime, je n’arrive pas à déterminer ce qui revient à l’héroïsme et ce qui est de la vanité… »).

[17Nous renvoyons à la belle étude sur l’Alcesti savinienne de Cascetta, Annamaria, « L’Alcesti di Samuele di Alberto Savinio : una tragedia moderna », dans Luigi Belloni-Guido Milanese-Antonietta Porro (dir.), Studia classica Iohanni Tarditi oblata, vol. II, Milan, Vita&Pensiero, 1995, p. 1405-1446.

[18Savinio, Alberto, Alcesti di Samuele e atti unici, op. cit., p. 71 sqq.

[19Ibid., p. 31.

[20Ibid., p. 46. (« Auteur. – Chut ! Vous ne voyez pas que vos commentaires abaissent le ton de la situation ! »).

[21Ibid., p. 178. (« Roosevelt. – Quelle scène ! Du pur surréalisme. Vite, un opérateur et une caméra ! »).

[22Ibid., p. 40.

[23Ibid., p. 115.

[24Ibid., p. 173.

[25Ibid., p. 163.

[26Ibid., p. 166. (« Teresa. – Un renversement horrible. Je suis le vomi que la Mort rejette sur les vivants »). Même optique pour la remarque du Directeur du Kursaal des Morts : « Parole, frasi, idee di quell’altro mondo, continuano a ritornare su come rutti. Esser stati vivi è peggio che aver mangiato aglio » (« Mots, phrases, idées de cet autre monde, continuent à remonter comme des rots. Avoir été vivants, c’est pire qu’avoir mangé de l’ail »), ibid., p. 121.

[27Ibid., p. 57.

[28Ibid., p. 75 et p. 133. Nous signalons l’article de Savinio « Ercole, oggi », contenu dans : Savinio, Alberto, Scritti dispersi, op. cit., p. 631-633. Le Président des États-Unis y apparaît dans une « série ininterrompue » de héros qui, d’Orion, va jusqu’à son frère le plus humilié : l’Hercule de foire.

[29Ibid., p. 99.

[30Savinio, Alberto, Nuova Enciclopedia, op. cit., p. 127 ; ici dans Savinio, Alberto, Encyclopédie nouvelle, op. cit., p. 144-145.

[31À ce propos, nous signalons l’appareil de notes d’Alcesti di Samuele aux soins d’Alessandro Tinterri, où l’on peut suivre également les passages cruciaux de la correspondance de Savinio autour du spectacle, ainsi que les archives en ligne du Théâtre Piccolo de Milan, qui contiennent l’affiche du spectacle ainsi que des photos des répétitions, où figurent Savinio, sa femme Maria Morino et Strehler, mais aussi les acteurs.

[32Dino Buzzati, « Bufera al Piccolo Teatro per l’« Alcesti » di Savinio : ma se ci fosse stato meno buio il pubblico avrebbe rumoreggiato tanto ? », dans Bis, 17 juin 1950.

[33Alberto Savinio, « Non iniziare di venerdì. La superstizione è un ostacolo e come tale lo si può « girare » », dans Il Corriere della Sera, 20 septembre 1950.

[34À ce propos, Claudio Meldolesi est plus qu’explicite. Dans une analyse de l’évolution de la mise en scène strehlerienne, il indique le poids que le « lynchage » qui suivit les représentations de l’Alcesti a pu avoir sur le changement de route du directeur du Piccolo. Modification que Meldolesi mesure en termes biographiques, là où Strehler quitte la « nébuleuse pseudo-surréaliste de Cocteau-Joppolo-Savinio » si importante pour son apprentissage ; en termes plus généraux, là où il abandonne le nœud féérique/clownerie si essentiel pour son théâtre ; en termes structuraux, puisque la perte du pilier d’expérimentation modifia profondément la construction de la mise en scène strehlerienne [Meldolesi, Claudio, Fondamenti del teatro italiano. La generazione dei registi, Florence, Sansoni, 1984, p. 324sqq].

[35Signalons, parmi les nombreux articles de l’époque : Franco Cordelli, « Ronconi saluta Roma con gli eroi di Savinio », dans Il Corriere della Sera, 15 avril 1999, p. 35.

[36Tous nos remerciements vont à Francesca Maria Cadin et Matteo Chiocchi de Rai Teche, et tout particulièrement à Laura Marano de la rédaction de « Le Storie » de Rai3, pour leur aide précieuse à la consultation de l’enregistrement en question.

[37Emilia Costantini, « Alcesti diventa ebrea », dans Il Corriere della Sera, 1er novembre 1998, p. 53.

[38Alberto Savinio, « Il Teatro è fantasia », dans Scenario, février 1938, p. 55.


Pour citer l'article:

Giorgia BONGIORNO, « L’Alcesti di Samuele d’Alberto Savinio. La scène comique d’une tragédie impossible » in Tragique et comique liés, dans le théâtre, de l’Antiquité à nos jours (du texte à la mise en scène), Actes du colloque organisé à l’Université de Rouen en avril 2012 : publication par Milagros Torres (ÉRIAC) et Ariane Ferry (CÉRÉdI) avec la collaboration de Sofía Moncó Taracena et Daniel Lecler.
(c) Publications numériques du CÉRÉdI, "Actes de colloques et journées d'étude (ISSN 1775-4054)", n° 7, 2012.

URL: http://ceredi.labos.univ-rouen.fr/public/?l-alcesti-di-samuele-d-alberto.html

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