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Sophie VANDEN ABEELE-MARCHAL

Université Paris-Sorbonne

Les Contes d’une vieille fille à ses neveux ou les métamorphoses romanesques du jour


Texte complet


Des études fondatrices ont été consacrées à l’œuvre en prose de Delphine de Girardin. Les travaux successifs de Cheryl Morgan, Margaret Milner ou Catherine Nesci pour ne citer qu’elles sont à cet égard décisifs : y ont été approfondies la question de l’influence balzacienne sur Le Lorgnon ou La Canne de Balzac, celle du genre, de l’humour et de la « stylisation comique » dans les Lettres parisiennes du vicomte de Launay ou encore, entre autres, celle de l’inscription du fantastique dans le recueil des Contes d’une vieille fille à ses neveux [1]. La place originale que l’ensemble de cette œuvre occupe dans le paysage littéraire et médiatique contemporain a ainsi été mise en lumière. La production romanesque de Delphine de Girardin apparaît aussi singulière qu’elle est peu abondante si on la compare à celle de certaines de ses contemporaines, romancières et dramaturges comme Virginie Ancelot, ou auteurs de contes comme Eugénie Foa par exemple. Le recueil de huit récits publié chez Gosselin, en 1832, a même en particulier souvent paru inclassable, semblable à une sorte d’hapax dans l’écriture girardinienne, comme dans la production contemporaine de contes écrits par des femmes. Son titre, qui semble le rattacher en effet au genre des enfantina, est dénoncé dès la préface dans laquelle la narratrice s’attache à refuser tous les prérequis narratifs du genre. Cette volte-face liminaire, en affirmant un principe d’écriture fondé sur le brouillage et l’hybridation des genres, situe de fait les récits de cette « conteuse parodique [2] » dans une actualité contemporaine de plusieurs ordres.

Ils sont associés à la veine « excentrique » romantique des premières années de la décennie 1830 qui, à partir de variations sur le modèle sternien, exprime les revendications ironiques de singularité de la part d’auteurs interrogeant les formes déterminées, les modèles médiatiques et les hiérarchies symboliques qui restructurent alors le champ littéraire [3]. Après Le Lorgnon en 1831 et avant Le Marquis de Pontanges (1835) ou La Canne de Balzac (1836), la publication de ce recueil de huit récits précède de peu celle de stances dans une veine comique, rarement citées, Qu’il est heureux d’être curé (1833). Elle s’inscrit dans un « moment littéraire » où le romanesque, et le conte en particulier, s’arrogent une indétermination générique et une liberté textuelle, destinées à leur permettre de traduire les mutations identitaires d’une société « révolutionnaire et révolutionnée », selon une formule de George Sand dans sa correspondance. À la fin de l’année 1832 [4], dans le climat d’« anarchie [5] » qui suit la crise politique de Juillet, en pleine épidémie de choléra, le choix d’un recueil de récits originaux, dévolus à des « enfants malades », n’est pas non plus sans signification. C’est par le biais d’un mécanisme satirique analogique, largement fondé sur le paradigme physiologique et zoologique très familier aux contemporains [6], que le conte en prose selon Delphine de Girardin met en scène cette actualité politique et sociale et ses troubles. Centré sur le thème de la transformation et de l’instabilité morphologiques, il invite à interpréter une réalité dont les représentations et les fictions cherchent alors leur consistance littéraire : il interroge, à tous les niveaux, les « métamorphoses du jour » à la manière de celle de Grandville et de sa série à succès de caricatures lithographiques, ces « apologues aimables qui sont à la fois la peinture vivante de nos mœurs et la satire des institutions [7] », publiés à partir l’été 1828.

La métamorphose est au cœur d’une nouvelle tardive de 1853 par le détour de laquelle on peut tenter de poser les enjeux de ce motif structurant des Contes de 1832. Ce récit qui, selon le procédé girardinien récurrent d’hybridation générique, porte un titre de proverbe dramatique, Il ne faut pas jouer avec la douleur, commence d’ailleurs par la formule caractéristique des contes : « il était une fois un séducteur qui cherchait de l’ouvrage [8]. » « Homme à bonnes fortunes [9] », le personnage principal se trouve avoir élaboré une théorie donjuanesque entièrement bâtie sur le motif de la métamorphose. Lusigny a pour cela suivi un enseignement qui lui paraît valoir tous les manuels Roret et toutes les physiologies contemporaines, puisqu’il constitue « le plus beau code de séduction que perfidie humaine puisse imaginer [10] ». L’inspirateur en est Jupiter, « doyen des séducteurs et Lovelace de l’antiquité » ; et Lusigny « connaît à fond son Jupiter » : il a étudié, interprété et « traduit » en préceptes adaptés aux mœurs contemporaines les différentes métamorphoses du « Don Juan olympien » jusqu’à en faire un « système » typologique, en tirer un « langage » et synthétiser l’ensemble dans un « tableau explicatif et comparatif [11] ». Ainsi le narrateur s’attarde-t-il à décrire longuement le principe analogique qui fonde ce système et en vertu duquel chaque métamorphose divine illustre un mode de séduction, tandis qu’à chaque amante du dieu correspond un type contemporain de femme. Dans l’aventure de Danaé, Lusigny « pens[e] que la pluie d’or [est] un symbole, et que Danaé [est] le type de la femme cupide et vaine, qui ne comprend aucun des sacrifices du cœur, mais qui connaît tous les calculs de l’intérêt ». Aussi sait-il que, face à cette catégorie de femmes, il suffit d’« hypothéqu[er] une de ses terres, [d’]emprunt[er] une somme considérable et [de] déploy[er] pendant quelques mois un luxe fabuleux ». En effet, développe-t-il, « pour les Danaé, une superbe argenterie est une séduction irrésistible, c’est la plus belle goutte de la pluie d’or [12] ». De la même façon, le cygne de Léda représente la « candeur » et les « plaintes mélodieuses » adaptées aux « romanesques beautés que la vanité ne saurait éblouir mais qu’un sentiment généreux doit toucher ». Pour elles, il ne s’agit que de se faire « vaporeux et romanesque » et de « relire les Méditations de Lamartine [13] ». Le récit de l’enlèvement d’Europe figure, quant à lui, le type de séduction adapté aux « femmes sans imagination, sans esprit et sans cœur [14] ». Quant au coucou de Junon, il explique par la fable que, pour être aimé d’une prude, « il faut être laid, pauvre et inconnu », « vieux médecin, précepteur timide ou voisin de campagne [15] ». L’allégorie de la flamme d’Égire, selon lui d’une « ingénieuse méchanceté », illustre un principe simple : « avec les femmes sottes, les femmes de Béotie, il [faut] jouer la passion ». Et ainsi de suite de l’imprudente Sémélé jusqu’à la « vertueuse Alcmène [16] ».

« Allégorie », chaque métamorphose a une fonction démonstrative, apologétique, que le disciple de Jupiter n’a pas oublié d’analyser. Ainsi les aventures galantes ont-elles leur « moralité », ou « sens allégorique », illustrée par de sentencieuses variations, tautologiques ou antiphrastiques, sur le lieu commun normatif et la morale ordinaire. Chacune de celles-ci est symbolisée par les fruits des unions métamorphiques de Jupiter – du mouvement incessant de la métamorphose naissent des « monstres nouveaux », comme l’a montré Ovide. Léda, séduite, a conçu Castor, Pollux et Hélène : « Sens allégorique : De l’harmonie naît l’union et la beauté » ; Danaé a eu Minos, Éaque et Rhadamante, les trois juges des enfers : « Sens allégorique : La justice naît de la force ». Enfin si Danaé a donné naissance à Persée, « le paladin par excellence, qui détruit les monstres, qui délivre les jeunes filles enchaînées, […] cela signifie que le désintéressement naît de la cupidité ; que du trésor amassé par l’avare viennent les secours et les bienfaits [17] ». Pourtant ce Jupiter moderne, emporté dans la mécanique burlesque de ses transformations, « qu’il a prise au sérieux [18] », comme le souligne finement le narrateur, s’y prend les pieds : une « désastreuse » fluxion dentaire « le métamorphose en ange bouffi [19] » – piteux avatar des romantiques anges déchus contemporains – et l’empêche de faire une nouvelle victime.

Dans ce texte de 1853, Delphine de Girardin associe donc subtilement le mythe et le récit de mœurs pour traiter sur le mode ludique, en décalquant en particulier les procédés de typologisation panoramique dont l’époque est friande, les motifs du mouvement des formes, de la mobilité des êtres et de la relativité des valeurs, et partant de l’illusion et des mécanismes de la crédulité. À partir du thème, destiné à faire florès, de l’Olympe travestie, est développé un élément caractéristique de son esthétique romanesque, et en particulier de celle de son recueil de 1832. S’y donne à voir en effet la façon dont elle y hybride le récit en prose. On peut aller plus loin encore : à une époque où le romantisme remet à l’honneur l’allégorie et ses figures, Delphine de Girardin met à nu les mécanismes de codification et d’interprétation de la réalité par la fiction, jusqu’à montrer comment fonctionnent les clichés de la culture et des fictions collectives du début de la monarchie de Juillet. La métamorphose, qui, selon Pierre Brunel, est au mythe ce que la métaphore, principe de translatio, est au style, constitue une sorte de paradigme narratif à partir duquel, les mettant à distance, elle les fait voir et jouer tels qu’ils prennent forme et sens : tout se joue dans ce mouvement que le récit imprime aux représentations grâce à la porosité entre le réel et le merveilleux [20], inhérente au conte auquel elle emprunte ses procédés. En travaillant sur le déplacement de la fiction vers la réalité, il s’agit sans aucun doute pour elle d’interroger autant les présupposés idéologiques des différentes formes de discours modernes que le rapport épistémologique qu’ils entretiennent désormais les uns avec les autres.

Sur le plan thématique, les huit récits de 1832 racontent littéralement les métamorphoses malheureuses de jeunes personnages, comme dans le deuxième conte, explicitement intitulé « Zoé ou la métamorphose ». Tout y part, sur le plan narratif, d’une sémiologie du corps, incessamment transformé par un mouvement qui donne le vertige. Siècle de la gastronomie, héritier en cela de la « nouvelle sensibilité alimentaire » développée au siècle précédent par les Idéologues [21], le XIXe siècle invente alors, on le sait bien, une idéologie scientifique destinée à réformer la société, dont le corps – à travers de nouvelles fictions physiologiques – et la table sont le champ d’application et offrent tout à la fois un réservoir de métaphores organicistes. Le conte enfantin joue en outre traditionnellement, il est vrai, sur un type de représentation de l’évolution du corps, à laquelle renvoie le mythe de la métamorphose : devenir autre, se nourrir et grandir, c’est bien changer de forme. Et Delphine de Girardin en réinterprète ironiquement le motif.

Dans ce recueil de Contes, elle pose la thématique ovidienne à partir d’une sémiologie du corps très contemporaine, surtout en pleine épidémie de choléra ; et celle-ci se déploie doublement : la thématique du repas manqué ou imposé, préparé dans une cuisine effrayante, celle du gourmand frustré ou autoritaire y sont associées autant à celle de l’enfance qu’à celle du corps malade. La préface, dont Margaret Milner a précisément commenté certains aspects [22], installe en effet d’emblée l’image de l’état précaire et récessif propre à la métamorphose [23] par le biais des thèmes de la maladie, de la réclusion, de l’exclusion. La narratrice s’y présente comme une « vieille tante », une ancienne vieille fille qui, même en sachant devoir n’« être pas entendue », s’adresse à ses neveux parce qu’ils sont « tristes et malades [24] ». Ses contes ne sont pourtant pas un réconfortant breuvage sucré : ils vont de pair avec la « tisane » au goût amer, avec « l’appareil qui gêne » et la maladie qui « cloue sur un lit de douleur ». S’il est pour les enfants une « bonne » nourriture, ce ne sont assurément pas ces contes, affirme-t-elle d’ailleurs : « l’air, le grand air, l’exercice, les jeux, les cris, les coups de poing même » le sont, car « après l’étude sérieuse, il faut les rires bruyants : il faut courir après avoir pensé [25] ». Les contes de la « vieille tante » évoquent toutes sortes de choses désagréables qui entravent le corps en le déformant : ils accompagnent la « fièvre, la rougeole et d’autres souffrances, quelquefois de graves accidents [26] » ; ils cortègent l’immobilité, le silence et l’incapacité, qui traduisent ce moment de suspens entre deux états qu’est la maladie, instabilité aliénante, lieu et prélude à de nouvelles transformations dont l’issue est imprédictible, rétablissement ou aggravation.

Cette double image de la maladie et de la fragilité morphologique des corps n’est pas seulement associée aux enfants mais elle caractérise également le personnage de la narratrice. Le temps de l’écriture est en effet présenté comme un temps de métamorphose, ambiguë, inachevée, incomplète : il n’est pas synonyme de développement harmonieux tel qu’on peut le supposer aux petits personnages et à leurs lecteurs recouvrant la santé ; il est au contraire associé à une thématique de l’indifférenciation, de la dilution de l’identité et de l’autorité. La « vieille tante » raconte en effet avoir commencé ces Contes « à l’époque où le sort d’une bonne vieille fille [lui] faisait envie » car « [elle] avait juré de ne jamais [se] marier [27] » ; ils sont publiés pourtant alors qu’elle « [a] renoncé au nom de vieille fille [28] » sans pour autant devenir mère. Même « bonne [29] », la vieille fille renvoie à un topos qui dit un être en mal d’identité sexuelle et de position sociale. Manque, frustration et inassouvissement de désirs sont autant de caractéristiques bien connues de ce type de personnage, mobile, insaisissable, qui dénonce le mouvement social qu’il contrarie, qu’il dévoie. Il est vrai que la narratrice raconte qu’elle est parvenue à changer de statut mais c’est en précisant qu’elle a – paradoxalement – renié un « serment ». Bien plus sa métamorphose s’est révélée incomplète : la sexualité et la maternité ne sont pas allées de pair comme si la frustration du cycle naturel d’accomplissement féminin, selon les topoï genrés de l’époque, devait demeurer – signe peut-être de bas-bleuisme ? D’ailleurs rien ne semble pouvoir aller chez elle dans le sens d’un mouvement naturel et logiquement descriptible : « vieille » et sans enfant, elle cherche à « recommencer son enfance ». Est ainsi traduite, sur le plan générique, la labilité du conte girardinien. La narratrice y élude explicitement la tradition littéraire des enfantina, en même temps qu’elle la (re)définit. Ni gouvernante ni mère, elle se refuse à endosser le rôle d’éducatrice car sa parole n’en a pas l’autorité. Ainsi tire-t-elle ses récits vers la forme du conte contemporain, produit moderne et protéiforme de la mode tel que le définit alors Jules Janin dans la préface de ses Contes fantastiques (1832) ; en somme, elle l’oriente bien vers la fantaisie excentrique. En refusant de conférer à ses récits un fondement théorique sur l’éducation – « Je n’écris point pour corriger l’enfance en masse et la guider dans une voie nouvelle [30] » –, elle ne s’inscrit pas dans la lignée des Genlis, Cottin et autres Pauline Guizot ou Amable Tastu, après Fénelon, Berquin ou Mme Leprince de Beaumont. Elle tourne même le dos aux publications périodiques pour les enfants que lance alors son mari et auxquelles collabore sa propre mère, Sophie Gay [31]. Si elle conserve pourtant quelque chose du conte pour enfants que revendique explicitement le titre du recueil, c’est la possibilité de la fantaisie pure [32] – et, partant, surtout du décalage et de l’ironie.

Dès lors, il semble bien que la narratrice soit l’être de la métamorphose ironique. C’est ce que montre son avatar dans le dernier conte, intitulé « Le palais des vanités ». Y apparaît en effet un mendiant en guenilles, sorte de philosophe cynique à la Diogène. Assis devant un palais de cristal dont le fronton annonce que « l’on [y] obtient ce que l’on désire [33] », il s’en fait, non sans répugnance, le cicérone pour un jeune voyageur intrigué. Durant la visite, les rencontres de ceux qui ont satisfait leurs désirs, au prix de métamorphoses catastrophiques, dégrisent bien vite ce dernier. Le chat qui voulait des yeux d’émeraude a payé de sa vue l’embellissement de ses yeux. La perruche, dont les ailes sont devenues de rubis et les pattes d’or, ne peut plus s’envoler. Le dindon devenu vautour ne s’accoutume pas à dévorer une basse-cour qui, avant sa transformation, s’est toujours montrée bienveillante à son égard malgré ses ridicules. Le garçon apothicaire – et l’on voit comme les deux règnes animal et humain sont insensiblement superposés, selon un procédé traditionnel du paradigme métamorphique – ne s’habitue pas à la peau d’ours qu’il a pourtant souhaitée pour fuir les sarcasmes auxquels le stéréotype lié à sa profession l’exposait. « Tout boursouflé de sa faveur [34] », le lapin transformé en éléphant ne sait que faire de sa nouvelle trompe d’autant qu’il n’entre plus dans son terrier… La métamorphose dénature en créant des monstres désormais aussi inadaptés à la vie qu’indigestes. Traduite en termes alimentaires, la leçon se poursuit en effet lorsqu’un repas est servi aux deux visiteurs : pour luxueux, les « mets [n’en sont pas moins] si recherchés, si salés, si poivrés, si sucrés, si truffés, surtout si compliqués [qu’il est] impossible de reconnaître un seul animal [35] ». Bien plus, au moment de se coucher, le jeune homme, resté affamé après ce repas raté, rejoue La Princesse aux petits pois : les frottements de sa peau, lacérée par les paillettes d’or des riches draps de mousseline indienne, l’empêchent de s’endormir. La satisfaction des désirs semble donc bien devoir transformer la métamorphose qu’elle entraîne nécessairement en un véritable cauchemar dont elle dénonce l’illégitime et inassimilable démesure, au creux de ce qui devient expérience de la dénaturation morphologique progressivement associée à un questionnement éthique.

C’est une fois sorti de ce « palais des vanités », sommairement installé sur la paillasse du mendiant, que le jeune voyageur trouve finalement le sommeil et passe sa plus belle nuit : il y rêve paisiblement qu’il abandonne le projet d’ambassade à Constantinople qui l’a lancé au hasard des voyages, pour retourner à son étude et à sa charge de notaire à Saint-Quentin. S’il fallait en croire la « morale raisonnable », le pragmatisme réaliste bourgeois semblerait démystifier l’onirisme et le merveilleux des Mille et une nuits. Mais les rires moqueurs du mendiant, à chaque étape du déniaisement du voyageur et jusqu’au moment de son départ, constituent autant de signes de mise à distance d’une lecture normative de commande et disqualifient toute forme de fiction constituée en apologue allégorique. À ce titre, le mendiant relaie bien la « tante » de la préface : son rire démystificateur illustre ce qu’elle appelait la « petite morale entortillée » du recueil. « Morale craintive cachée, en riant, sous des torrents de plaisanterie », elle est l’expression contournée du « rire niais des gens qui ont peur », le signe de « l’humilité des pauvres qui sollicitent et qui, pour être admis quelque part, permettent qu’on s’y moque d’eux [36] ». Le rire envie, défie et défait les métamorphoses, les voue à l’échec : il les corrige en démantelant la mécanique déformante de la fiction et, parce qu’il n’émane pas de figures autorisées, celle de ses interprétations les plus immédiates et consensuelles. À ce titre, le rire du mendiant relève bien du type d’« ironie XIXe siècle » que définit Philippe Hamon lorsqu’il en fait « l’apanage des dominés, des minorités, une ruse du faible pour contrecarrer le pouvoir du fort », une forme de contre-pouvoir érigé, par la dérision, contre « les discours réalistes, autoritaires et autorisés [37] ».

D’une certaine manière, de la métamorphose Delphine semble n’exploiter que l’avers burlesque : elle détourne le mythe de croissance qui sous-tend les métamorphoses du conte d’enfance. Avec la dérive démocratique des désirs, elle dit certes le désordre des appétits mais surtout leur manipulation et les travestissements langagiers et politiques consécutifs. Les corps malades des enfants sont aussi des corps mal, peu ou trop nourris, selon un topos du conte enfantin, souvent associé à la peur de la dévoration : les repas girardiniens sont généralement manqués ou fantasmés, comme l’a montré Margareth Milner. Bien plus, c’est moins le repas que la cuisine en tant que telle qui fournit l’archisème de toutes les transformations. L’essentiel des principaux Contes se déroule moins à table que dans la cuisine, atelier de tous les avatars. Si la petite Noémi du premier récit est transformée en vilaine grosse chatte qui miaule faux, c’est qu’elle pénètre dans la cuisine d’un sorcier, laborieusement occupé depuis « soixante-treize jours soixante-treize nuits treize minutes et treize secondes [38] » à mitonner dans un poêlon magique une créature à son image – une vilaine femme – à partir du croisement des avatars successifs d’animaux variés. Étourdiment, Noémi perturbe la cuisson, enraye le mécanisme de la métamorphose et devient elle-même un « plat », raté.

Dans le même ordre d’idées, « L’île des marmitons » développe les enjeux idéologiques de cette « cuisine ». Peut-être inspirée du Voyage dans l’île des plaisirs de Fénelon, cette courte robinsonnade culinaire à la sauce napolitaine est située dans l’île de la reine Marmite, où le costume de marmiton est obligatoire sous peine d’« être mis en prison ou d’être massacré dans les rues » car « l’art de la cuisine [est] la base élémentaire d’un sage gouvernement [39] ». Tout y dit la cuisine : dans les modes puisque les femmes « port[ent] des chapeaux cerise garnis de chicorée, des écharpes couleur saumon ; vert-pomme, vert-bouteille ou flamme de punch ; des robes couleur d’abricot, et les manches de ces robes s’appe[llent] des manches à gigot ou bien des manches à côtes de melon [40] » ; dans le langage, réduit à un seul registre métaphorique : « tous les mots dont ils se serv[ent] [sont] des termes de cuisine, […] toutes les images de leurs discours [sont] empruntées à l’art culinaire » et les « proverbes les plus à la mode [sont] : Allonger la sauce ; ou La sauce vaut mieux que le poisson ; ou bien encore : Il n’attache pas ses chiens avec des saucisses [41]  » ; au grand mécontentement des poètes qui « seuls murmur[ent] de ce langage, qu’ils ne p[euvent] se permettre d’imiter, parce qu’il n’[est] pas du tout poétique, et que d’ailleurs il les entraîn[e] dans des périphrases sans nombre [42] ». Le jeune Césaro, fils de prince italien ruiné, a échoué sur cette île avec deux compagnons : après avoir assisté à une « revue » militaire au rythme des « cuillers d’argent frappant sur de belles casseroles bien brillantes » et des « tourne-broche valant bien la grosse canne des tambours majors européens [43] », il est chargé de préparer un repas de macaroni pour flatter la curiosité culinaire royale à l’égard d’un voyageur venu de Naples. Aidé du bout des lèvres par l’un de ses camarades d’infortune, le bien nommé « Petit-Joufflu », maussade rejeton d’un marchand de pâtes enrichi, prêt à « payer un remplaçant plutôt que de se faire marmiton [44] » alors qu’il doit au commerce de bouche sa fortune et a été la cause du naufrage, le prince Césaro accomplit sa mission non sans peine, au prix de longs essais et de terribles cauchemars – « il aperçut autour d’une table merveilleuse comme un grand repas sans convives, où des fourchettes vivantes, se jouant avec leurs compagnes, s’enlaçaient de macaronis gracieux [45] ». Cependant, à sa grande déception, il n’assiste pas au repas et ne sait que penser de la qualité de sa préparation. Il finit par apprendre que si la reine l’a goûtée et appréciée, pâtes et gourmandise sont des prétextes : la cuisine n’est qu’un instrument pour faire travailler ses sujets à la prospérité matérielle de tous et affermir son pouvoir. Elle relève ainsi d’une de ces fictions politiques habiles qui valent bien, explique ironiquement la narratrice, d’autres fictions comme celles que « des millions d’hommes ont pu se résigner à […] suivre pendant des centaines d’années » parce qu’ils « y ont trouvé quelque avantage [46] ». D’ailleurs cette fiction de la Marmite gourmande est entretenue, comme il se doit, par des légendes qui réécrivent et combinent d’anciens contes bien connus, afin de sceller dans l’imaginaire insulaire ces valeurs dominantes : ainsi les citrouilles, sur cette île, ne transportent-elles pas de pauvre orpheline métamorphosée, le temps d’un bal, en princesse, mais elles abritent, à la manière de certaine caverne orientale, des trésors volés, promesses et gages, selon la reine, de la prospérité des cultivateurs. D’où la morale « raisonnable » et immédiate de la fiction, énoncée par la reine – « s’il est peu probable que deux voleurs habitent une citrouille, il est certain qu’une terre bien cultivée donne des trésors [47] » – ; à laquelle répond la démystificatrice « morale entortillée » renvoyant dos à dos, avec ce type de discours pragmatique « bourgeois », toute forme de régime politique, du plus contemporain au plus anciennement despotique : « Ne vous moquez pas de ces marmitons avant d’avoir demandé […] quelle est l’origine des janissaires [48] » …

Motif central et signifiant, la métamorphose se donne également dans le recueil comme un principe d’écriture exploitant, on l’a entrevu, des modèles codifiés qui travaillent par définition sur la réécriture et le redoublement textuel [49] : elle confère ainsi au conte girardinien une singularité profonde et souligne la façon dont son auteur s’interroge sur la forme littéraire adaptée à la modernité bourgeoise. Ces histoires se donnent en effet à lire comme autant de petits palimpsestes qui imposent un registre transtextuel : elles associent des récits issus du réservoir traditionnel des contes ou des fables à des thèmes, des motifs ou des images qui appartiennent à l’imaginaire contemporain ; et ce procédé évalue la capacité de ces derniers à se constituer en mythes nouveaux, fondateurs et normatifs. C’est bien ici le statut de la fiction dans la construction des représentations collectives qui se trouve au cœur des Contes girardiniens. Margareth Milner, dans l’étude qu’elle leur a consacrée, propose à cet égard d’analyser la structure du recueil à partir d’une approche thématique ; on pourrait aussi voir que ce qui fait le lien de chacun des huit récits est une réflexion sur le langage et les formes de la fiction contemporaine, qui donne à lire les « métamorphoses du texte » en tant que telles. En effet Delphine de Girardin, dans cet ensemble, installe un imaginaire textuel véritablement ludique, au sein duquel elle mêle et confronte des textes de nature et d’origine différentes pour les réactualiser à l’aune des représentations contemporaines. Aucun doute que la mosaïque et la bigarrure, dans la veine excentrique de l’époque, ne disent l’instabilité des modèles d’une culture en pleine mutation sur tous les plans.

Si le conte pour enfants procède de nature par réécritures successives à partir d’un fonds culturel hérité, la conteuse, en adoptant ce type de narration, ouvre très largement le fonds dans lequel elle puise. Dès le premier conte, elle signale d’ailleurs l’insuffisance des modèles canoniques des contes de Perrault et des fables de La Fontaine – le procédé est courant et Janin n’inaugure pas autrement, au même moment, le Journal des enfants d’Émile de Girardin pour lui conférer une portée démocratique [50]. Ainsi la narratrice fait-elle de la critique de ce fonds moral le moteur principal d’une intrigue tragique puisqu’elle cause la mort du petit compagnon de pêche de l’héroïne : pour ne pas risquer d’être inadapté ou désuet, le conte moderne, tout en s’ancrant dans une tradition, ne peut que s’adapter aux nouvelles formes de représentations et en réformer la lecture. Lectrice avide et crédule de ces textes dans une édition richement illustrée offerte par son père, parti à la guerre, une « toute petite fille », vivant avec sa grand-mère « toujours triste et malade [51] », s’est forgée une image totalement fallacieuse de la réalité animale : « l’âne, par exemple, lui paraissait le plus terrible des animaux, avec ses grandes oreilles qui menacent le ciel ; le tigre, au contraire, lui semblait un joli petit animal moucheté et tacheté […] mais elle trouvait que le pigeon avait l’air fort méchant, et le papillon, avec ses longues ailes, ses gros yeux et ses antennes démesurées lui faisait une peur effroyable [52] ». Alors à ses yeux tout peut bien exister – « les ogres qui mangent les enfants, les rats qui s’invitent à dîner ; les chiens et les loups qui causent de leurs affaires, les citrouilles qui deviennent des carrosses, les ours qui se promènent dans les jardins, les bottes qui font sept lieux en sept pas » et il n’est pas jusqu’au « loup du Chaperon rouge [qui ne] lui paraissait d’autant plus probable que sa mère-grand à elle était fort laide et fort méchante et parce qu’avec son bonnet de nuit bien peu de loups auraient été mal coiffés [53] ». Au paroxysme de la crédulité, elle confond tous les règnes et les réunit en un seul, monstrueux, qui nie toute forme d’évolution : « elle croyait que les hommes étaient comme les oiseaux ; qu’il y avait de grandes espèces, mais que les enfants restaient toujours de petits hommes, comme les colibris restent toujours de petits oiseaux [54]. » Dégrisée après avoir pris son père et ses cuirassiers pour des ogres, son imagination s’égare plus parfaitement encore, dans l’autre sens : « elle douta de tout, des vérités positives » et « regarda comme autant de fables ce qu’on lui disait des prodiges de la nature [55] » – jusqu’à remettre systématiquement et tragiquement en cause toute forme d’autorité. Partie pêcher des coquillages à marée basse en Normandie avec un petit paysan, elle refuse en effet de croire au mouvement des eaux ; contre les précautions auxquelles ce dernier l’exhorte en se référant à la sagesse maternelle, elle argue :

elle te dit cela pour t’empêcher d’aller jouer au bord de la mer, parce qu’elle ne veut pas que tu tombes dans l’eau ; comme on me dit aussi, à moi que Croque-Mitaine emporte les tout petits-enfants ; mais nous autres nous ne sommes pas obligés d’y croire […] Et Croque-Mitaine ! est-ce qu’il n’est pas bien connu aussi, et pourtant tu ne l’as jamais vu ! Va, ne crois pas à tous ces mensonges ; si tu savais comme on s’est moqué de moi quand j’étais petite, et l’on avait raison : je croyais toutes sortes de folies, j’avais peur d’être mangée par des ogres, d’être changée en chatte ; je craignais toujours, quand je me mettais en colère, de voir sortir de ma bouche des crapauds et des couleuvres [56].

La mer monte pourtant inexorablement pendant qu’elle parle, immobile, et emporte le petit garçon que rien ne pourra sauver.

D’ailleurs, de manière assez systématique dans ce recueil, lorsque la conteuse utilise ainsi le répertoire canonique, auquel ses références sont nombreuses – que ce soit, entre autres, la Fontaine (« La chatte métamorphosée en femme »), Grimm (« Hänsel et Gretel »), Florian, sa volière et son rossignol, ou Fénelon… –, c’est pour le subvertir, en métamorphoser en somme les composantes et le sens. Dans « Zoé ou la métamorphose », par exemple, c’est la petite fille qui est transformée en « vilaine chatte » : son « naturel ne revient pas au galop » et elle peine par conséquent à recouvrer sa forme initiale. La « fée Grignotte », personnage éponyme du cinquième conte, n’est pas une sorcière qui emprisonne et menace de manger les enfants, mais « une fée de second ordre » qui fait rire les pauvres pensionnaires d’un collège, affamés à force de ne manger que « de tristes haricots ». Le chant du rossignol de « Monsieur de Philomèle » a perdu tout lyrisme et ne dit que la vanité du chanteur. À ce répertoire ainsi réinvesti, Girardin associe une série de références, de motifs et de personnages qui le met d’autant plus à distance qu’elle relève de l’imaginaire collectif contemporain d’un lecteur de 1832 – celui qu’exploitent aussi bien la chanson, le vaudeville, le mélodrame ou la poésie et jusqu’au discours scientifique. Les sources de certains de ces contes se révèlent assez savoureuses : une chansonnette dans « La danse n’est pas ce qui me plaît » ; une page du Cours d’histoire naturelle des mammifères de Saint-Hilaire sur les chauves-souris du Timor oriental dans « Le chien volant ». Voire, ces sources peuvent être multiples et malgré leur origine fort différente dans un même conte se répondre subtilement. C’est le cas dans celui qui se compose de deux parties successives, « M. Martin de Montmartre et M. de Philomèle ». Les deux personnages, un âne et un rossignol, après avoir tenté de vivre selon leurs goûts respectifs, ne trouvent leur bonheur que dans la condition d’animaux de compagnie de petits enfants d’une famille bourgeoise. Ayant fait fortune et acquis avec un rang social une pseudo-particule, le personnage de la première partie, l’âne Martin, ne s’habitue pas aux faux-semblants de la vie mondaine, lui qui « aimait à se coucher de bonne heure comme un bon bourgeois qu’il était [57] » : après avoir tenté une vie aristocratique dans une « écurie de plaisance aux environs de Paris [58] », où il s’ennuie à mourir et souffre d’une dangereuse « maladie de langueur », il finit par renoncer à la liberté fastueuse pour servir de monture à ces remuants petits enfants. Ce personnage relève d’un imaginaire qui tient à la fois du mythe antique (comme le Midas d’Apulée, il cache ses oreilles sous un chapeau qui, ici, le rend sourd), de la sagesse populaire (qui dit la bêtise et la pauvreté de Martin et de son âne) et d’un imaginaire proprement parisien (la colline de Montmartre, ses moulins et le transport du blé sont les sujets de nombreux textes dont l’âne est le centre depuis la fin du XVIIIe siècle). Dans la seconde partie, son futur compagnon de domesticité, le personnage du rossignol Philomèle emprunte aux contes de Florian, qui reprend lui-même une longue tradition poétique, depuis Homère jusqu’à Ovide. Bien plus, aux yeux des lecteurs contemporains, il y a là, sous une forme ludique, une référence à la poésie lamartinienne dont on sait que cet oiseau figure la voix lyrique emblématique. Dans cet univers de mélanges textuels, cette poésie n’est plus que chant de basse-cour, concurrencée par les cris des coqs ; pour être écouté, son auteur doit renoncer aux espaces naturels et accepter de se donner en spectacle dans une maison bourgeoise, avec (et comme ?) un âne. Les textes et les allusions littéraires circulent donc dans ces récits : ils jouent sur le détournement des topoï du conte ; ils créent des effets de surprise et de contrastes par des associations qui minent ainsi les canons littéraires et poétiques, qu’elles semblent dénaturer. La plupart jouent en effet sur le lieu commun, le jeu de mots et l’image caricaturale auxquels le premier se prête. À ce titre, « L’île des marmitons » est très caractéristique. Les héros, parce qu’ils sont napolitains, se disent du « pays des macaroni » : selon une formule que surexploitent de nombreux vaudevilles, du Brigand napolitain à M. Pique-Assiette ou Vatel [59], associant mécaniquement lieu et cuisine, ils convoquent un univers de référence purement conventionnel et ludique et, par l’allusion, ancrent les textes dans un présent dont la forme littéraire appropriée semble devoir être la satire [60].

Cet ensemble bigarré réoriente le texte girardinien dans lequel il s’insère et qu’il participe à construire. Il transforme profondément le rapport du conte au merveilleux, érodé et émendé par ce jeu de références : les perspectives et la finalité en sont entièrement contournées. En effet, alors que dans le conte enfantin, la réalité, anhistorique, est celle des passions humaines et de leur réforme morale, elle est ici systématiquement historicisée – l’incipit du récit liminaire le dit bien, par un jeu de parenthèses : « Il y avait une fois, dans une vieille ville de France (et peut-être était-ce Paris), au fond d’une vieille rue [61] » ; dans « Le palais des vanités », la princesse Vanita ne peut faire les honneurs de son palais car elle savoure un « voyage en France », modèle en matière de vanités, en somme, tandis que la « fée-princesse » du « Chien volant », qui possède un château de province plein de pianos et de volières, est issue du très aristocratique Faubourg-Saint-Germain, « grande dame fort renommée dans Paris », pour avoir autrefois « rendu d’éminents services à ses amis » et sauvé des émigrés [62]. Les références nationales dessinent en effet un espace géographique historiquement bien défini : le système référentiel du conte girardinien n’est pas tant moral ou poétique que socio-politique ; tout y renvoie aux premières années de la monarchie de Juillet. Ainsi le conte tend-il vers la satire contemporaine, parodiant ses thèmes à la mode et ses types sociaux, de celui de l’apothicaire à celui du notaire en passant par celui du marmiton et du bonnet de coton. Dès lors, derrière l’âne, le rossignol, le vautour ou le crocodile se profilent bien les types satiriques contemporains à la manière de Grandville dans les Métamorphoses du jour. Imaginées sur le même principe que, quelques années plus tard, les Scènes de la vie privée et publique des animaux, celles-ci inaugurent une forme de satire sociale et politique fondée sur le rapport analogique entre l’homme et l’animal et, plus généralement comme ici, sur des « jeux d’ombres » anamorphiques.

Pour revenir une dernière fois à « L’île des marmitons », le sujet de la reine Marmite, le marmiton, porte le bonnet de coton. Emblème de cette île et de son peuple, sa fonction est de révéler, dans les termes d’une analyse très connotée, la capacité de chacun aux yeux de la souveraine – car « avec tout l’extérieur d’une marmite, cette princesse avait le regard d’un aigle » :

La reine apercevait-elle un bonnet de coton placé sans soin et de travers : – Voilà un mauvais sujet, se disait-elle.
Le bonnet était-il, au contraire posé coquettement un peu sur l’oreille : – Voilà un garçon soigneux et intelligent, se disait-elle, et alors elle lui confiait des fonctions importantes.
Ceux qui portaient leur bonnet tout en arrière, la mèche sur le cou, n’étaient jamais employés par la reine, en effet c’étaient toujours des niais, de francs imbéciles. Les élégants, les dandys du pays posaient leurs bonnets de coton de manière tout à faire particulière, mais encore ils en faisaient légèrement friser la mèche ; ils allaient même jusqu’à en faire friser la pointe, les uns en soie, les autres en perles ou en or, ce qui leur donnait l’air fort ridicule et prétentieux ; de plus cela était contraire à la loi, mais la reine tolérait cette infraction, parce qu’elle les entraînait dans de folles dépenses, et que cela faisait aller le commerce.
Ceux qui enfonçaient leur bonnet presque sur les yeux étaient des gens graves et soupçonneux, dont on faisait des maîtres d’écoles, des douaniers ou des ambassadeurs.
Les jeunes gens qui portaient ledit bonnet tout à fait sur l’oreille, comme s’il allait tomber, étaient des tapageurs, querelleurs, de mauvaises têtes ; on en faisait des soldats ; et les jours de grands périls, ils faisaient des miracles. Ailleurs on en aurait fait des magistrats, et ils auraient sans doute perdu le pays ; le tout est de connaître à quoi chacun est bon [63].

On le sait bien, dans ces années-là, le bonnet de coton, tel que le représente déjà Grandville, c’est le bourgeois, qui a son commerçant rue Saint-Denis, celui que fuit Paturot : celui qui « est simple, niais et rococo, [qui] juge les arts en épicier, est juste milieu, trembleur et caporal dans sa légion, [qui] croit aux programmes, lit Le Constitutionnel, et vote pour les ventrus », selon la légende d’une estampe de 1831. Et la forme, elle-même « ventrue », de la reine Marmite tient beaucoup de celle de la poire de Charles Philipon – selon un paradigme morphologique de la caricature contemporaine qui culminera en 1834 avec le « ventre législatif » de Daumier. Règne des « pâtissiers qui montent la garde », l’île sur laquelle elle règne a tout de la monarchie de Louis-Philippe avec sa garde nationale :

Césaro regardait tout cela sans trop s’étonner ; […] et d’ailleurs, il se rappelait avoir entendu raconter que, dans un pays pas très-éloigné du sien, tous les habitants étaient contraints, à certains jours de se vêtir en militaires, quels que fussent leur goût, leur profession ; que ces jours-là, chaque citoyen (excepté pourtant les militaires) était obligé d’être soldat, avec fusil, giberne et sac sur le dos. Ah ! il n’y avait pas à dire, il fallait être guerrier, fussiez-vous colleur cordonnier, confiseur, pâtissier. Césaro trouvait donc très simple, puisqu’il y avait un pays où les pâtissiers montaient la garde, qu’il y en eût un aussi où les marmitons fissent la guerre [64].

La description de son Conseil, accoutumé à « mitonne[r] quelque nouvel impôt […] dur à digérer [65] », poursuit l’analogie, tirant décidément le conte vers la fantaisie satirique : le vicomte des Fourneaux est ministre-cuisinier d’État au département de l’intérieur ; l’amiral Turbot, ministre-cuisinier d’État au département de la marée ; le général Lardoire, ministre de la guerre ; le marquis de la Crémaillère, ministre des finances. Les réseaux de métaphores, culinaires et animales, déploient ici toute leur saveur ironique : brodant sur le thème de la métamorphose organiciste, Delphine de Girardin se montre ici très finement consciente du lien intrinsèque qui existe dans la satire contemporaine entre le texte et l’image. D’une part, on le sait bien, en effet, le thème culinaire nourrit alors très largement des jeux de mots similaires puisque la presse « charivarique » contemporaine surnomme Louis-Philippe « le grand Poulot » ou Camille de Montalivet, le « marmiton-civet », devenu, quelques mois plus tard, « chef des marmitons de la royauté citoyenne » et « cordon bleu » par la décoration de l’ordre du Saint-Esprit – de même le gouvernement de Juillet est régulièrement appelé « la grande cuisine du Palais Royal », dont les ministres sont « les marmitons ». L’image, d’autre part, les prolonge : Grandville, posant un rapport analogique similaire entre plats et êtres humains, vient de publier chez Aubert douze lithographies sous le titre La Carte vivante du restaurateur. En outre, la représentation de Louis-Philippe en Gargantua par Daumier, parue dans La Caricature du 15 décembre 1831, pourrait être un double, à peine plus monstrueux, de cette reine Marmite de Delphine de Girardin – et le Petit-Joufflu, un avatar du fils de M. Prudhomme d’Henry Monnier, cet « illustre type du bourgeois de Paris », selon la formule balzacienne.

Par l’ironie et la satire, le conte selon Delphine de Girardin semble donc destiné à mettre en perspective la portée idéologique des discours contemporains, qu’il absorbe, hybride et, de fait, met à distance. On peut prolonger un peu la réflexion. Parce que la « conteuse parodique » part de l’une des formes narratives les plus figées dans sa fonction démonstrative, ses images et ses scénarios stéréotypés, il semblerait que, au-delà de la représentation satirique de l’instabilité de la réalité socio-politique au lendemain de la révolution de Juillet, au-delà des mécanismes littéraires de l’allusion par hybridation des textes que permet la liberté générique du conte moderne, ce puisse être la puissance renouvelée de signification de la fiction romanesque et de sa fonction socio-politique dans le nouveau partage des savoirs – et des pouvoirs – qui l’intéressent. Cela apparaît en particulier lorsque le merveilleux de la fiction est confronté au réalisme positif de la science contemporaine et à son démon du « système » taxinomique et panoramique.

Dans ce siècle, où toute chose est analysée, commentée, discutée, épluchée, disséquée, une merveille […] n’est pas une merveille, c’est une monstruosité ! Or toute monstruosité appartient de droit à la secte éplucheuse qu’on appelle savants, gens d’esprit, gens d’affaires, etc. [66]

lit-on dans l’avant-dernier conte du « Chien volant ». « Peu de gouvernements, d’actions, de choses de personnes, de chiens survivent à la dissection. Qui dit analyser dit tuer [67] », y poursuit le personnage de la fée-princesse, avant de se livrer à un éloge de la faculté perdue d’étonnement et d’émerveillement : à travers ce discours est défiée la promotion, depuis le XVIIIe siècle, de la méthode rationnelle de décomposition systématique de la réalité par l’analyse, dont la science, de la mathématique à la médecine en passant par les sciences naturelles, fait alors son miel pour s’ériger, au nom du progrès de l’esprit humain, en modèle explicatif général, libéral, de l’homme et de la société [68]. La leçon du conte est d’ailleurs violente, qui donne en effet le mot de la fin à Geoffroy Saint-Hilaire. Le personnage principal en est un jeune garçon que son caractère indécis, et par là perméable au merveilleux, a rendu incapable de choisir entre un oiseau et un chien pour récompense de ses résultats scolaires : il s’est alors vu offrir une créature hybride, à la fois « gros chien à longues oreilles, quasi caniche, quasi bichon, quasi barbet », « mal fait, presque bossu [69] » sur terre mais doté d’ailes qui le transforment, aussitôt dans les airs, en « phénix [70] ». Grâce à ce « condor [71] » majestueux et puissant, la pointe du dôme des Invalides est devenue à chaque voyage « une aiguille anglaise à tête d’or », les tours de Notre-Dame, « deux bâtons de cire noire à cacheter [72] » – et tout a été comblé en lui par l’animal merveilleux, à commencer par la très symbolique absence du père. Pourtant cet animal prodigieux, que le garçon n’a pas su préserver de la jalouse curiosité environnante, tombe malencontreusement entre les mains du célèbre naturaliste : il fait alors l’objet d’un rapport minutieux, publié dans la presse, sur la « construction bizarre » de ses différents membres, avant que son cadavre ne rejoigne les rangs des espèces tératologiques du Museum d’histoire naturelle – ainsi se trouve explicitée la référence du titre à une espèce de chauve-souris identifiée et décrite par le naturaliste quelques années auparavant [73].

Si le conte, avec l’aventure, tourne court, c’est qu’à la puissance poétique de la métamorphose est opposé un principe positif et démystifiant : celui de la loi scientifique moderne de réduction analogique du vivant organique à une unité de composition évolutive. Par là est mise en récit, pour être confrontée à la fiction, l’actualité scientifique contemporaine : la publication de cette loi du vivant, au printemps 1830, a en effet été le sujet de l’une des toutes premières polémiques médiatisées de l’Académie des sciences [74], quelque temps avant que ne paraissent les Contes. Celle-ci a violemment opposé le secrétaire perpétuel pour les sciences physiques, le baron Cuvier, à Geoffroy Saint-Hilaire. Ce que ce dernier défend alors, à partir de ce principe unitaire, est l’un des enjeux philosophiques et anthropologiques cruciaux de l’époque selon lequel « la nature a formé les êtres vivants selon un plan unique […] le même dans son principe vari[e] de mille manières dans toutes ses parties accessoires, les formes dérivant toutes les unes des autres et changeant de proportion [75] ». Et cette théorie libérale de l’évolution des espèces constitue un arrière-plan essentiel du débat idéologique et politique contemporain : il est au cœur de ce qui oppose les tenants du « mouvement » aux partisans de la « résistance », qu’à travers le motif de la métamorphose problématise en somme le recueil de Delphine, en arrière-plan de la satire de la monarchie bourgeoise.

Comme la « vieille tante » de la préface, ces Contes peuvent donc se lire comme les produits ludiques des « métamorphoses » de la prose contemporaine : petits « monstres littéraires », représentatifs de la fantaisie excentrique des années 1830, ils constituent un éloge malicieux de ces récits contemporains qui, échappant à la forme des genres constitués, par associations et hybridations, se prêtent à des lectures ludiques et à des interprétations potentiellement démultipliées, déjouent les valeurs collectives imposées par les fictions autorisées qu’elles parodient, contournent et détournent.

Refusant le discours rationaliste positif et bourgeois, leur auteur traduit ainsi ses interrogations sur l’utopie contemporaine du mouvement et ses enjeux, politiques et esthétiques, « maladie du siècle » à laquelle l’ironie et la satire offrent un premier remède compensatoire, peut-être dilatoire en 1832. À ce titre ces huit récits semblent bien relever de petites « fables politiques », telles que l’on peut les concevoir à partir de la définition qu’en a récemment proposé Éléonore Reverzy [76] : en situant ces récits dans un espace narratif qui est l’espace public contemporain, avec ses thèmes, ses images et même ses nouveaux modes de médiatisation, en donnant à voir la façon dont elle compose avec les mécanismes complexes de l’analogie, de l’allégorie et de la polyphonie à travers le thème de la métamorphose, en revendiquant même l’invention pure, Delphine de Girardin illustre autant qu’elle l’interroge le rapport du texte à l’idéologie. D’un point de vue thématique, l’éparpillement et l’indifférenciation des corps et des formes semblent démontrer l’instabilité des formes nouvelles de pouvoir. Sur le plan formel, ce qui se joue peut-être derrière la façon dont elle investit explicitement ce mythe de la métamorphose traduit finement le fait qu’alors « les questions politiques se posent [...] en termes d’esthétique », par un mouvement qui de la poésie, aristocratique, conduit à la prose, démocratique. Tocqueville, on le sait, analysera toutes les composantes de l’univers intellectuel que traduit ce passage [77].

Notes

[1Cheryl Morgan, « Alone of all her sex ? Delphine de Girardin’s Humor », Dix-Neuf, no 7, octobre 2006, p. 89-111 ; Margaret Milner, « Fantastic Taste. Delphine de Girardin’s Contes d’une vieille fille à ses neveux  », ibid., p. 68-88 ; Catherine Nesci, Le Flâneur et les Flâneuses. Les femmes et la ville à l’époque romantique, Grenoble, ELLUG, 2007, III, « Delphine excentrique. Portrait du feuilletoniste en chiffonnière », p. 169-238.

[2L’expression est de Catherine Nesci, ibid., p. 191.

[3« C’est justement dans le collage des divers genres littéraires et la stylisation comique que Delphine de Girardin marque son appartenance au récit excentrique du premier XIXe siècle » (Catherine Nesci, op. cit., p. 186). Catherine Nesci s’appuie sur l’étude fondatrice de Daniel Sangsue, Le Récit excentrique (José Corti, 1983) et renvoie à Leila Ezdinli, « La Canne de M. de Balzac. Parody at the Intersection of Politics and Literature », L’Esprit créateur, vol. 23, no 3, automne 1993, p. 95-103.

[4La première édition des Contes est annoncée dans le numéro du 29 décembre 1832 (no 52) de la Bibliographie de la France (Pillot aîné, p. 751, no 6375 : deux volumes in-8o, impr. Crapelet, chez Charles Gosselin).

[5Guizot, Mémoires pour servir à l’histoire de mon temps, t. 2, Michel Lévy frères, 1859 [2e éd.], p. 197.

[6Voir Régine Borderie, « Le propre de l’homme : ses figurations animales dans les portraits de la Comédie humaine », dans La Comédie animale : le bestiaire balzacien, actes de la journée d’études du GIRB, juin 2009, en ligne : http://www.balzacorama.univ-paris-diderot.fr/bestiaire.html.

[7Achille Comte, « Préface », Les Métamorphoses du jour, Paris, Garnier, 1869, p. XX.

[8Mme Émile de Girardin, Œuvres complètes, t. 3, Nouvelles et contes, Paris, Henri Plon, 1860, p. 195.

[9Ibid.

[10Ibid., p. 196.

[11Ibid.

[12Ibid., p. 200.

[13Ibid., p. 197.

[14Ibid.

[15Ibid., p. 198

[16Ibid., p. 199.

[17Ibid., p. 200-201.

[18Ibid., p. 200.

[19Ibid., p. 257.

[20Sur le traitement du merveilleux dans ce recueil, voir l’article cité de Margaret Milner.

[21E. Reverzy et B. Marquer (dir.), La Cuisine de l’œuvre au XIXe siècle. Regards d’artistes et d’écrivains, Strasbourg, Presses universitaires de Strasbourg, 2013, « Préface », p. 6-8.

[22Margaret Milner, art. cité, p. 70-71.

[23Voir F. Py « Le surréalisme et les métamorphoses : pour une mythologie moderne », dans Métamorphoses, Mélusine, no XXV, L’Âge d’homme, 2006, p. 9.

[24Mme Émile de Girardin, Œuvres complètes, éd. citée, t. 3, Contes d’une vieille tante à ses neveux, « Préface », p. 268.

[25Ibid.

[26Ibid.

[27Ibid., p. 267.

[28Ibid.

[29On notera le jeu de mots qui met à distance ironiquement les multiples recueils contemporains de Contes de ma bonne. – Sur ce type bien connu de la vieille fille, voir par exemple, Geneviève Sicotte, « Femmes seules chez Zola : entre le stéréotype et l’archétype », dans Lucie Joubert et Annette Haynard (dir.), La Vieille Fille. Lectures d’un personnage, Montréal, Triptyque, 2000, p. 16 sqq.

[30Mme Émile de Girardin, Œuvres complètes, éd. citée, t. 3, Contes d’une vieille tante à ses neveux, « Préface », p. 268.

[31Sophie Gay donne en effet un texte au Journal des enfants dès le troisième numéro, en octobre 1832 ; elle est citée dans le prospectus du Musée des familles, auquel elle collabore régulièrement en 1833-1834.

[32Voir Bénédicte Monicat, Devoirs d’écritures : modèles d’histoires pour filles et littérature pour fille au XIXe siècle, Lyon, Presses universitaires de Lyon, 2006, p. 155.

[33Mme Émile de Girardin, Œuvres complètes, éd. citée, t. 3, Contes d’une vieille tante à ses neveux, p. 401.

[34Ibid., p. 409.

[35Ibid., p. 405.

[36Ibid., p. 268.

[37Voir Philippe Hamon, L’Ironie littéraire. Essai sur les formes obliques de l’écriture, Paris, Hachette, 1996, p. 18.

[38Mme Émile de Girardin, Œuvres complètes, éd. citée, t. 3, Contes d’une vieille tante à ses neveux, p. 308.

[39Ibid., p. 289.

[40Ibid., p. 293-294.

[41Ibid., p. 293.

[42Ibid., p. 294.

[43Ibid., p. 290.

[44Ibid., p. 289.

[45Ibid., p. 300.

[46Ibid., p. 306.

[47Ibid., p. 302.

[48Ibid., p. 306

[49Voir Francis Marcoin qui signale qu’au XIXe siècle, la littérature enfantine et en particulier le conte, véritable phénomène éditorial, relèvent encore plus largement d’un « gigantesque chantier de réécriture » (« La fiction pour enfants au XIXe siècle », dans J. Glénisson et S. Le Men (dir.), Le Livre de jeunesse et d’enfance en France, Bordeaux, Société des bibliophiles de Guyenne, 1994, p. 127).

[50Janin, « A nos enfants », Journal des enfants, no 1, août 1831, p. 1-3 : « ne vous attendez pas à trouver toujours dans votre journal les contes délicieux de votre nourrice et de votre bonne, des histoires d’ogres et de revenants qui font peur, les aventures de Peau d’Âne, du Petit Poucet [ ; il s’agira de] vous parler de vos semblables, qui existent et qui ont besoin de vous, et non pas de fées et d’ogres, qui n’ont jamais existé que dans l’imagination de vos nourrices[, de vous raconter non des histoires mais l’histoire] plus utile et plus vraie. » Il est d’ailleurs écrit « non par un ami vieux et morose et qui radote quelquefois, mais un ami jeune, longtemps dévoué et qui vous suivra dans toutes les fortunes, non pas une bonne nourrice qui fait des contes, mais des historiens amusants, simples, véridiques, et qui vous diront ce qui est arrivé avant vous, et ce qui arrive en même temps que vous ; enfin, si, par malheur, vous avez lu des livres intitulés : Contes à mon petit enfant, Contes à ma fille et autres Contes, où vous ne voyiez que des enfants très riches, soyez tranquilles, nous ne vous ferons pas de ces contes-là ».

[51Mme Émile de Girardin, Œuvres complètes, éd. citée, t. 3, Contes d’une vieille tante à ses neveux, p. 269.

[52Ibid., p. 271.

[53Ibid., p. 272.

[54Ibid., p. 277.

[55Ibid., p. 280.

[56Ibid., p. 350.

[57Ibid., p. 355.

[58Ibid., p. 335.

[59Le Brigand napolitain, vaudeville en deux actes (Théâtre du vaudeville, 25 septembre 1829) ; M. Pique-assiette, comédie-vaudeville en un acte (Théâtre des Variétés, 18 mai 1824) ; Vatel ou le Petit-Fils d’un grand-homme, comédie-vaudeville en un acte de Scribe (Théâtre de Madame, 18 janvier 1825) sont trois exemples de cette période.

[60L’idée est assez courante pour définir la littérature d’après Juillet : elle est exprimée dans la préface des Iambes d’Auguste Barbier, parus chez Canel et Guyot à la fin de 1832. Vigny, dans Stello, au même moment, la reprend en exaltant la faculté poétique de l’indignation face à l’injustice contemporaine.

[61Mme Émile de Girardin, Œuvres complètes, éd. citée, t. 3, Contes d’une vieille tante à ses neveux, p. 269.

[62Ibid., p. 369.

[63Ibid., p. 291.

[64Ibid.

[65Ibid., p. 293.

[66Ibid., p. 383.

[67Ibid., p. 384.

[68Voir Jean Starobinski, « Le partage des savoirs », dans Le Jardin de l’esprit, éd. M. Porret et F. Rosset, Genève, Droz, 1995, p. 199-216.

[69Mme Émile de Girardin, Œuvres complètes, éd. citée, t. 3, Contes d’une vieille tante à ses neveux, p. 376.

[70Ibid., p. 377.

[71Ibid.

[72Ibid., p. 380-381.

[73Geoffroy Saint-Hilaire, « Sur les chauves-souris frugivores », Cours d’histoire naturelle des mammifères, Pichon et Didier, 1829, p. 14 : « La tête est conique, d’où le nom de chien volant » ; la description en est déjà donnée en 1803, dans son Catalogue des mammifères du Museum d’histoire naturelle.

[74Après avoir mis au point avec Cuvier une classification des mammifères en 1795, Geoffroy Saint-Hilaire s’est opposé à lui sur cette question de « philosophie zoologique ». Sur la médiatisation de la polémique technique et philosophique entre les deux académiciens, voir Bruno Belhoste, « Arago, les journalistes et l’Académie des sciences dans les années 1830 », dans Patrick Harismendy (dir.), La France des années 1830 et l’esprit de réforme, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2006, p. 254-258.

[75Voir Isidore Saint-Hilaire, Vie, travaux et doctrines scientifiques d’Étienne Geoffroy Saint-Hilaire, 1847.

[76Éléonore Reverzy, Les Fables du politique des Lumières à nos jours, éd. R. Fonkua, P. Hartmann, É. Reverzy, Strasbourg, Presses universitaires de Strasbourg, 2012, p. 9-18.

[77Ibid., p. 15.


Pour citer l'article:

Sophie VANDEN ABEELE-MARCHAL, « Les Contes d’une vieille fille à ses neveux ou les métamorphoses romanesques du jour » in Delphine de Girardin et son temps, Actes de la journée d’étude organisée à l’Université de Rouen en juin 2015, publiés par Françoise Court-Perez.
(c) Publications numériques du CÉRÉdI, "Actes de colloques et journées d'étude (ISSN 1775-4054)", n° 15, 2016.

URL: http://ceredi.labos.univ-rouen.fr/public/?les-contes-d-une-vieille-fille-a.html

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