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Romuald Féret

Publics et fréquentation des salles en région parisienne (1806/1864)


Texte complet


Le théâtre vit au XIXe siècle son siècle d’or. Débordant de dynamisme, il connaît une prodigieuse activité. Plusieurs dizaines de milliers de pièces sont écrites et jouées sur les scènes parisiennes. De magnifiques salles de spectacle sont ouvertes. Les spectateurs se déplacent en masse…

Cet « âge d’or » du théâtre vaut particulièrement pour Paris, la capitale rayonnante et centralisatrice, dévoreuse de tous les talents d’une société en construction qui hésite encore entre l’Ancien Régime et la Révolution… Mais ailleurs ? Est-ce ce désert culturel si souvent déploré ou moqué d’une province qui commence aux portes de Paris ?

Au début du XIXe siècle, l’activité théâtrale dans les départements de Seine-et-Marne et de Seine-et-Oise semble moribonde. Versailles qui abrite le plus grand théâtre de la région, en dehors des salles parisiennes, ne voit passer que de très rares et médiocres troupes de comédiens-saltimbanques. Sa propriétaire, la fantasque Montansier, n’assure plus son entretien et le délabrement du bâtiment commence à inquiéter la Municipalité. Ailleurs, le tableau est encore plus sinistre. La ville royale et impériale de Fontainebleau doit ainsi se contenter d’une grange qui ne peut accueillir qu’une centaine de spectateurs. Il s’agit d’un bilan qui semble confirmer les propos d’un certain Fay [1] qui prétend en 1813 que l’art dramatique est un phénomène mineur qui ne concerne qu’un citadin sur quarante. Mais cette affirmation ne s’appuie sur aucune démonstration chiffrée, il convient donc de la vérifier.

Produire une telle évaluation soulève bien des problèmes. Dans un siècle où les statistiques tendent de plus en plus à s’imposer, l’administration n’a jamais mené une enquête sur le nombre de spectateurs par représentation. Il faut d’autres indicateurs comme les ouvertures de salles. En effet, les constructions de théâtres par des particuliers ou des municipalités se multiplient tout au long du XIXe siècle. Ce dynamisme, perceptible dès les premières années du Consulat, n’a pas échappé à l’autoritaire pouvoir consulaire puis impérial. Considéré comme un vecteur possible de la violence populaire, le théâtre ne peut pas rester libre de tout contrôle dans une société de plus en plus dominée par une bourgeoisie désireuse d’ordre.

Quand il arrive au pouvoir en 1799, Bonaparte entend mettre de l’ordre dans une activité certes foisonnante, mais souvent marquée par des faillites nombreuses. Après plusieurs années de réflexion, le gouvernement impérial fait publier en 1806 un décret qui réorganise l’ensemble du théâtre de France. Sous l’égide du ministère de l’Intérieur, se met alors progressivement en place une organisation centralisée de toute l’activité théâtrale. L’Empire est divisé en une vingtaine d’arrondissements théâtraux qui regroupent chacun un ou plusieurs départements. A la tête de ces circonscriptions se trouve un directeur de troupe ambulante qui a pour mission de desservir toutes les petites villes disposant d’une salle de spectacle. Les plus importantes localités conservent une compagnie sédentaire. Ce système repose sur un partenariat entre l’administration et le monde artistique, sur l’entente entre un préfet et un directeur de troupe théâtrale choisi par Paris.

Que l’Etat ait encadré à ce point l’ensemble de l’activité théâtrale, est une véritable aubaine pour l’historien. L’administration, que l’on surnomme parfois à raison « bureaucratie », aime la paperasse. Par conséquent, elle a laissé dans les archives nationales et départementales de très nombreux cartons qui attendent encore leur chercheur. La période du privilège théâtral peut être parfaitement étudiée. La difficulté ne tient pas à l’absence de documents, mais au contraire à leur abondance et à leur diversité. [2] Parmi tous les documents, il y a par exemple les états de recettes trimestriels.

Dans un souci de gestion et de réorganisation, l’administration impériale a exigé du directeur breveté un état trimestriel de recettes de toutes les représentations assurées par leurs troupes. Pour chaque soirée, le privilégié, sous contrôle municipal, fait figurer les pièces jouées, le produit total et les frais. Les représentations particulières comme celles qui sont données au bénéfice d’un acteur qui part en retraite font l’objet d’annotation. Grâce à ces états de recettes, il devient alors possible d’apprécier l’évolution économique du théâtre provincial en mesurant notamment la rentabilité des troupes et en évaluant l’importance des publics fréquentant les différentes salles de spectacle.

Il faut donc créer un système d’estimation. Plusieurs sources peuvent, en effet, nous permettre d’évaluer le nombre moyen de spectateurs par salle et par représentation :
- les états de recettes ;
- le nombre de places disponibles par théâtre ;
- les différents prix des places.

Il convient tout d’abord d’établir le prix moyen d’un billet par salle. Il suffit ensuite de calculer le rapport avec le montant de la recette pour une soirée. Nous obtenons de la sorte le nombre moyen de billets vendus par soirée, puis par trimestre et par saison. Ces estimations appellent plusieurs réserves sur la validité des résultats obtenus. Ce système ne regroupe que des moyennes, il n’a donc pas la prétention d’obtenir des chiffres rigoureusement exacts. Il suffit qu’un soir, une représentation ait davantage attiré des spectateurs du parterre que des balcons pour fausser le résultat. Ensuite, il faut aussi tenir compte des lacunes chronologiques et géographiques des données. La Restauration n’a ainsi fourni que peu d’états de recettes. Il en va de même pour certaines salles des départements étudiés. Néanmoins, malgré ses défauts et ses lacunes, ce système permet d’avoir une idée de la fréquentation des salles de la région parisienne.

L’étude de sources chiffrées peut au premier abord se révéler très rébarbative lorsque l’on s’intéresse à l’histoire de l’art éphémère du spectacle vivant. Mais elle réserve aussi des surprises en faisant apparaître d’émouvants instants de vie. Ces séries de nombres ont eu une toute autre importance pour ceux qui les ont écrites. Il suffit de tomber sur plusieurs recettes inférieures aux frais et se profilent aussitôt la déception des comédiens jouant devant des banquettes vides, la crainte du directeur de ne pouvoir remplir ses caisses, l’angoisse d’un lendemain fait de dettes et de gendarmes. Parfois, l’histoire d’un soir rejoint même la Grande Histoire.

En 1815, une troupe de comédiens séjourne à Melun pendant plusieurs mois. Les artistes se produisent régulièrement pendant notamment l’été, ce qui peut surprendre. La longueur de l’occupation et le nombre élevé de représentations sont inhabituels pour cette saison, les habitués désertant à cette saison la chaleur étouffante de la salle. Le mois de juin est à ce titre exemplaire.

La troupe arrive au début du mois de juin à Melun. Alors que le sort de Napoléon et l’Empire se décide dans le Nord, les spectateurs sont assez nombreux à se presser tous les soirs au théâtre. Pour beaucoup, c’est l’occasion de se réunir pendant ces heures sombres de l’histoire de France, de s’informer, d’échanger des nouvelles sur les campagnes militaires, de se rassurer aussi car on se souvient encore de l’invasion de 1814. Les Bulletins de la Grande Armée sont lus sur les planches. Les Melunais ont appris depuis peu que leur Empereur a renoué avec la victoire, qu’il vient d’écraser les Prussiens à Ligny. Le soir du 18 juin, alors que la nuit tombe sur la plaine de Waterloo, la recette atteint 431 francs, l’une des plus fortes de tout le privilège.

Deux jours plus tard, le produit ne couvre pas les frais. Le Français de Desdre et Le Diable à quatre ont attiré peu de spectateurs. Le 24 juin, Napoléon a abdiqué une nouvelle fois et les spectateurs sont encore plus rares. La fin du mois ne permet plus de pavoiser. Les recettes d’août sont aussi riches d’enseignements.

Ce mois est assez étonnant. Tout d’abord, le nombre de représentation y est anormalement élevé avec 17 soirées. Ensuite, les recettes, sans être extraordinaires, se maintiennent au dessus des frais. Le directeur en agissant ainsi a pris un risque important. Mais il est soutenu par la municipalité qui a décidé, le 7 août, de rabattre le montant du loyer à chaque fois que le produit sera insuffisant à couvrir les frais. Ce rythme soutenu est en fait imposé par les circonstances. [3] Tout d’abord, il y a à Melun une affluence inhabituelle, car le préfet a réuni les électeurs qui vont bientôt désigner la fameuse chambre introuvable. Plutôt fortunés, ces hommes ne rechignent pas à occuper les loges des salles de spectacle afin de distraire leurs soirées. Ensuite, il faut se rappeler que le théâtre de l’époque a un rôle d’information et d’éducation. Les programmations tiennent compte des circonstances. Ainsi, la meilleure recette du mois est celle du 11 août. Or la première pièce a pour titre L’Officier cosaque. La France, vaincue, est alors occupée par les alliés et les armées russes éveillent la curiosité, voire l’enthousiasme.

Mais, au-delà de l’intérêt ponctuel que peut produire une telle rencontre, l’étude des états de recettes permet surtout d’apprécier l’évolution financière de théâtres sur un plus moins long terme. Pour le département de Seine-et-Oise, trois principales scènes, après Versailles, ont fourni un nombre suffisant d’états de recettes, rendant possible une véritable étude chiffrée : Saint-Germain-en-Laye, Etampes et Corbeil.

Les trois principales scènes du département en dehors de Versailles montrent une progression assez nette de la fréquentation des salles. A Saint-Germain-en-Laye, le public a doublé (+140%). Il augmente encore après la construction du théâtre de Bailly (+16%). Le taux de remplissage s’accroît ainsi de manière significative (+16 points, +23 points). Le progrès reste faible, une représentation n’attire en moyenne que 2,75% de la population de la ville.

Saint-Germain 1813 1833/1835 1835/1846
Nombre moyen de spectateurs/représentation 119 287 333
Taux de remplissage
21% 37% 60%

Etampes connaît une évolution un peu différente. En effet, à la fin du 1er Empire, la salle du Coq en pâte séduit les habitants (4% de tous les habitants) pendant la période de la foire, le taux de remplissage étant exceptionnel avec 64%. La monarchie de Juillet est plus terne, la salle a mal vieilli. Pendant le Second Empire, le taux de remplissage redevient important. Mais, la nouvelle salle, plus confortable, n’offre pas autant de places que la précédente ; par conséquent, le nombre de spectateurs en 1852 est inférieur à celui de 1813. Les représentations y sont tout de même plus régulières. L’administration a, en effet, accordé à la ville une troupe sédentaire qui occupe chaque année sept mois durant la scène étampoise.

Etampes 1813 Monarchie de Juillet Second Empire
Nombre moyen de spectateurs/représentation 321 184 316
Taux de remplissage
64% 37% 70%

Corbeil reste plus en retrait par rapport aux effectifs du public. Le taux de remplissage demeure médiocre, le nombre moyen de spectateurs ne dépasse pas 200 individus, malgré une augmentation de la fréquentation de 47,5%.

Corbeil Monarchie de Juillet Second Empire
Nombre moyen de spectateurs/représentation 127 187
Taux de remplissage
29% 33%

Les directeurs ne profitent pas véritablement de l’essor de la population de la ville dû à l’industrialisation ; seuls 2,2% des habitants se déplacent en moyenne assister aux représentations. Il est vrai aussi que la ville est assez excentrée par rapport à Versailles et que les privilégiés n’y sont pas les bienvenus, le propriétaire de l’endroit leur préférant les troupes de passage, aux talents très insuffisants.

Pour la Seine-et-Marne, trois salles ont retenu notre attention : la préfecture Melun, la ville royale et impériale de Fontainebleau et la cité de Bossuet, Meaux. Ces trois localités disposent depuis longtemps d’un petit théâtre et sont connues au début du XIXe siècle par des troupes quittant la capitale pour la province.

Le bilan de la Seine-et-Marne est, au premier abord, moins élogieux que celui du département voisin de Seine-et-Oise. Les trois principales salles de spectacle ne se remplissent guère que d’un bon tiers pendant toute la période. Fontainebleau enregistre même une stagnation. La ville demeure néanmoins pour l’ensemble de la période étudiée celle qui attire le public le plus fourni du département, mais son cadre vieillissant (la salle a été construite en 1811 dans un ancien hôtel particulier) n’attire pas davantage de spectateurs. Ceux-ci, comme le démontrent les exemples de Corbeil et d’Etampes [4], deviennent de plus en plus soucieux de l’aspect extérieur de leur théâtre et du confort intérieur ; ils boudent finalement les salles qui subissent les effets du temps.

Fontainebleau 1813 Second Empire
Nombre moyen de spectateurs/représentation 190 187
Taux de remplissage
34% 34%

Melun présente un bilan légèrement meilleur. Le taux de remplissage progresse de 7 points et le nombre moyen de spectateurs de 25%, mais à partir de la monarchie de Juillet le nombre de spectateurs n’évolue plus. Comme pour Fontainebleau, la préfecture ne dispose pas d’un théâtre répondant aux goûts de plus en plus exigeants du public, celui-ci se plaint ainsi régulièrement du manque de chauffage en hiver.

Melun 1815 Monarchie de Juillet Second Empire
Nombre moyen de spectateurs/représentation 143 179 174
Taux de remplissage
31% 38% 37,7%

Seule la ville de Meaux affiche une centaine de spectateurs en plus (+89%) et une progression de 12,5 points pour le taux de remplissage. Cette progression doit beaucoup au théâtre construit à la fin de la monarchie de Juillet. Les Meldois ont su se mobiliser massivement et obtenir de la Municipalité les fonds nécessaires à son édification. Satisfaits de leur démarche et de leur nouvelle salle, les habitants ont alors pris l’habitude d’assister plus nombreux et plus régulièrement aux représentations.

Meaux 1814 Second Empire
Nombre moyen de spectateurs/représentation 112 212
Taux de remplissage
25% 37,5%

Cette progression du taux de remplissage semble timide et confirmerait l’hypothèse de Fay. Cependant il est un autre indicateur qui doit impérativement être pris en compte : le nombre de représentations. Or celui-ci augmente singulièrement. Vers 1856, Belfort-Devaux offre en moyenne de 130 à 150 soirées par an. Le nombre total de spectateurs devient alors intéressant : près de 25000 spectateurs pour les estimations les plus basses, soit l’équivalent de la population de ces trois villes réunies contre 6000 vers la fin du Premier Empire et plus de 300% d’augmentation. La progression est identique pour la Seine-et-Oise : vers 1855, le privilégié Sorant, propose en moyenne deux représentations par semaine… Il occupe ainsi chaque année une centaine de fois la scène de Saint-Germain-en-Laye, soit un ensemble de plus de 30000 spectateurs contre moins de 3000 quarante ans plus tôt. La hausse est proche de 1000% !

Au cours des dernières années du privilège théâtral, l’équilibre est enfin atteint. La valse annuelle des brevetés cesse. Le dernier directeur de Seine-et-Oise, Sorant, reste en poste seize ans et celui de Seine-et-Marne, Belfort-Devaux, neuf ans. Oeuvrant comme de véritables chefs d’entreprise, ces deux hommes gèrent leurs affaires au mieux : ils offrent un spectacle correct, bien que sans prétention, limitent les coûts de production, gagnent un peu d’aisance, séduisent les autorités locales par leur respect global des termes de leurs brevets, fidélisent un public plus nombreux grâce à la mise en scène de nombreuses nouveautés parisiennes et conquièrent même les élites qui les accueillent comme de véritables notables respectés et écoutés.

Belfort-Devaux détient le privilège de Seine-et-Marne de 1855 à 1864. Pendant ces années, ce directeur a su régulièrement se concilier les bonnes grâces de la critique dramatique qui l’encense régulièrement. Si la fiabilité des journalistes peut être parfois mise à mal, le doute n’est guère permis quand le public se déplace régulièrement en nombre : « Attirées par le charme du spectacle de ce soir et par la galanterie que fait aux dames M. Belfort-Devaux si toutes les personnes qui se présentent peuvent entrer et trouver place, nous nous engageons à l’aller dire… à Rome. » [5] ou « Bien qu’il y eut du monde même sur la scène, il a fallu –chose inouïe- refuser du monde au contrôle, et des grappes humaines surplombant le cintre, comme aux défunts théâtres du Boulevard, menaçaient d’écraser un public heureusement trop absorbé par ce qui se passait sur la scène pour se préoccuper d’un danger plus apparent que réel. » [6] Les états de recettes viennent confirmer ces assertions.

{{}} Recettes Estimation du nombre de spectateurs Gains
1855 21028,45 17523 9139,65
1856 47455,15 39545 21791,85
1857 59666,30 49721 27915,29
1858 49839,50 41532 23445,85
1859 50585,25 42154 21474,85
1860 24939,50 20782 8259,90
1861 47299 39415 16476,30
1862
24967,30 20805 7732,15

Les recettes de la troupe brevetée de Belfort-Devaux sont toujours restées largement supérieures aux frais. Sur les huit bilans annuels conservés aux archives, cinq dépassent 40 000 francs. Trois années seulement sont inférieures à 30 000 francs, encore que 1855 et 1862 ne peuvent être véritablement pris en compte, des trimestres d’états de recettes faisant défaut. Mais, même dans cette situation, les gains affichés demeurent suffisants pour faire face à tous les coûts de production d’une troupe.

Certaines années sont cependant plus difficiles que d’autres. Belfort-Devaux doit ainsi faire face à un tassement de ses rentrées d’argent à partir de 1860. Il perd cette saison-là 11.500 francs par rapport à l’exercice de 1859. Mais, il n’est pas question de faillite. Belfort-Devaux ne touche pas aux réserves fournies par les bénéfices précédents, les gains de cette année permettant le versement des appointements. Belfort-Devaux paie ses acteurs avec honnêteté et régularité ; il est vrai qu’en tant que gestionnaire prudent, il n’offre pas à ses employés des salaires mirifiques (entre 80 et 200 francs/mois, le directeur compris). Contrairement à tous ses prédécesseurs, le coût de sa masse salariale ne dépasse pas 38 % de tous ses frais. Il peut alors faire face avec plus de sérénité à cette passagère baisse de la fréquentation théâtrale. La fin du privilège ne met pas un terme à la carrière de Belfort-Devaux ; à soixante-douze ans, il devient le premier directeur du théâtre de Fontainebleau. Il occupe encore ce poste quand la mort vient le surprendre trois ans plus tard.

L’entreprise théâtrale est donc devenue moins périlleuse pendant le Second Empire. Belfort-Devaux et son collègue Sorant ont donc profité d’une fréquentation théâtrale plus fournie. Il y a donc bel et bien un essor de l’activité théâtrale. Celui-ci ne s’explique ni par un accroissement démographique, ni par une urbanisation importante, mais plutôt par un élargissement des élites de notables locaux, par une plus grande aisance des populations et par l’exacerbation de patriotisme local. [7]

Loin d’être un carcan étatique empêchant tout développement du théâtre, le privilège a au contraire permis de maintenir dans tous les départements des troupes locales. Lorsqu’en 1864, la pratique de l’art dramatique retrouve sa liberté, le nombre de faillite augmente et bon nombre de théâtres municipaux ne survivent que difficilement.

Notes

[1Fay (Etienne), Plan d’une organisation générale de tous les théâtres de l’Empire, Paris, A. Bailleul, 1813.

[2Les Archives départementales de Seine-et-Marne et de Seine-et-Oise regroupent ainsi plusieurs dizaines de cartons sur le privilège, plusieurs centaines de liasses et plusieurs milliers de documents.

[3A Versailles, alors que la ville reçoit une garnison prussienne, Robillon a reçu l’ordre de jouer tous les soirs.

[4Les villes de Meaux et d’Etampes se sont dotées de belles salles de spectacle à la demande pressante de leurs habitants.

[5L’Abeille de Fontainebleau du 29 mars 1857.

[6L’Abeille de Fontainebleau du 19 octobre 1862.

[7Lentement, mais sûrement, un modèle culturel parisien, donc urbain, s’est diffusé. Repris par les bourgeoisies locales, il impose le théâtre comme un lieu de représentation, de sociabilité incontournable, indispensable. Il faut se doter d’un bel édifice de spectacle pour ne pas être confondu avec d’indécrottables provinciaux. Les populations mobilisent les énergies, lancent des souscriptions, multiplient les interventions auprès des municipalités et obtiennent ce fameux théâtre civilisateur. Cet allant, doublé de nombreuses initiatives individuelles ou publiques, aboutit à la construction d’un important réseau de salles de spectacle dans toute la France.


Pour citer l'article:

Romuald Féret, « Publics et fréquentation des salles en région parisienne (1806/1864) » in Le Public de province au XIXe siècle, Actes de la Journée d’étude organisée le 21 février 2007 par Sophie-Anne Leterrier à l’Université d’Artois (Arras).
(c) Publications numériques du CÉRÉdI, "Actes de colloques et journées d'étude (ISSN 1775-4054)", n° 2, 2009.

URL: http://ceredi.labos.univ-rouen.fr/public/?publics-et-frequentation-des.html

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