D’outre-tombe : vie et destin des œuvres posthumes

Publier les Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo, une aventure éditoriale singulière

Gwenaëlle Sifferlen


Texte intégral

« L’amour peut se mettre en plusieurs volumes, comme le génie. Quant au mien, tous les livres et toutes les bibliothèques du monde ne pourraient pas le contenir1. »
Juliette Drouet

1Julienne Gauvain, dite Juliette Drouet (1806-1883), orpheline d’origine bretonne et un temps comédienne au talent inégal2, est principalement connue pour avoir été la compagne de l’ombre de Victor Hugo. Et cependant chaque jour, avec une extraordinaire constance pendant les cinquante années que dura leur liaison (1833-1883), elle lui écrivit pour décrire précisément, avec un œil très acéré et un style fort original, son quotidien, ses états d’âme, sa relation avec son cher poète, ou encore pour développer ses idées sur des sujets légers ou plus graves, les arts, la société, l’histoire, la politique. Après sa disparition, le destinataire restitua ainsi près de 22 000 lettres à son neveu, Louis Koch.

2Cette impressionnante et exceptionnelle – en termes de volume et de durée – correspondance, dont la majeure partie est conservée à la Bibliothèque nationale de France3, était jusqu’à récemment encore peu exposée. Seules quelques centaines de lettres avaient déjà été publiées dans des recueils imprimés qui, de façon générale, avaient davantage privilégié les plus remarquables d’entre elles, par leur style plus élégant ou parce qu’elles témoignaient d’événements importants et décisifs de la vie de Victor Hugo.

3Toutefois, en 2012, à la veille du 130e anniversaire de la mort de Juliette Drouet, le Centre d’Études et de Recherche Éditer / Interpréter de l’Université de Rouen (CÉRÉdI), sous la direction de Florence Naugrette, se lança dans la formidable entreprise collective de publier l’intégralité de ces lettres dans une édition savante en ligne, au fur et à mesure de leur transcription et de leur annotation par une équipe interuniversitaire4.

4Or, l’ambitieux projet numérique, scientifique et littéraire qu’est cette publication posthume ne saurait s’affranchir d’un questionnement global sur son intérêt et sa légitimité : il suscite en effet un ensemble d’interrogations éthiques comme génétiques, mais également des réflexions sur la diffusion et la réception de la nouvelle œuvre ainsi constituée.

Genèse de l’entreprise éditoriale

5C’est, aujourd’hui encore, bien souvent par le détour hugolien que l’on chemine lentement jusqu’à Juliette Drouet. On entre dans sa correspondance en pensant redécouvrir le poète et son œuvre, et c’est en réalité l’épistolière qui en est la révélation.

6Ce fut la démarche de Florence Naugrette qui, en 2006, tandis qu’elle était sollicitée en tant que spécialiste de Hugo dans le cadre de l’exposition de la Maison Victor Hugo consacrée au bicentenaire de la naissance de Juliette Drouet, espérait trouver dans l’année qu’elle avait choisi d’étudier parmi les 50 proposées par Gérard Pouchain et Arnaud Laster – à savoir les lettres de septembre 1861-juillet 1862 précédant la parution des Misérables – « des remarques intéressantes de la première lectrice de ce roman si célèbre5 », « des traces de son travail aux côtés de Hugo6 » et « ce que [s]es lettres […] nous révèlent de la manière de travailler du grand homme7 ». La relative déception de ne pas dénicher autant de références que souhaité se mua bientôt, rapporte-t-elle alors dès ses premières interventions consacrées à l’épistolière, « en une fascination hypnotique pour les moindres détails de la vie quotidienne de Juliette et Hugo à Guernesey8 ».

7C’est en découvrant également l’ampleur de cette correspondance d’un demi-siècle, dont la chercheuse ne connaissait que les quatre anthologies publiées9, qu’elle comprit son intérêt en pressentant le potentiel documentaire de l’œuvre, et en présageant le sens, en théorie, de sa publication intégrale, en élaborant un ambitieux projet scientifique collectif.

8Selon Florence Naugrette, les sélections ponctuelles effectuées par les précédents éditeurs pour constituer des anthologies, quand bien même « toujours disponibles et très bien faites10 », « ne permett[ai]ent pas […] au public d’expérimenter la lecture continue de plusieurs mois de correspondance suivie, quotidienne, banale, où s’expriment certes toujours ces sentiments sublimes, et qui peut relater des événements marquants, mais où se disent le plus souvent les petits riens, l’attente quotidienne, les travaux et les jours11 ». C’est pourquoi la chercheuse eut l’idée, en rassemblant et collectant ce qui était dispersé, de proposer un accès totalement gratuit à la quasi-totalité de l’œuvre, afin que le public puisse choisir librement parmi les quatre manières de la parcourir : « la manière anthologique, la manière suivie, la manière savante et la manière aléatoire12 ».

9Or, la somme des écrits de Juliette Drouet était si considérable qu’elle ne permettait pas, économiquement et matériellement, d’envisager d’autre support que l’édition en ligne sur un site internet. Il était en effet évident qu’aucun éditeur traditionnel ne « se lancerait dans la publication de 22 volumes de 1 000 pages, ou de 44 volumes de 500 pages, pour publier la correspondance de quelqu’un qui n’est pas à proprement parler un écrivain ou un artiste de renom13 », souligna Florence Naugrette pour justifier sa décision.

10Dès lors, le CÉRÉdI finança l’achat à la BnF de 82 fichiers PDF ‒ au prix de 200 € environ chacun ‒ reproduisant de façon exhaustive les microfilms, tandis que la Maison Victor Hugo de la place des Vosges, sous l’impulsion de son directeur Gérard Audinet, numérisait également les lettres qu’elle conservait, dans l’idée de permettre aux transcripteurs de déchiffrer plus aisément, plus rapidement et de façon plus fiable les manuscrits.

11Après la constitution de l’équipe de recherche, le site web14 dédié à cette édition vit le jour. Il assure désormais la publication intégrale des lettres, complétée par tous les outils qu’elle requiert.

12Toutefois, dans la suite de notre propos, nous laisserons volontairement de côté les questions de logiciels, de métadonnées, d’encodage ou d’outillage d’exploitation, pour nous concentrer sur celles de la transcription et de la visualisation des textes, et notamment des aménagements nécessaires pour une consultation moderne fluide et efficace d’un manuscrit composé au xixe siècle.

Questions de génétique et de diffusion de l’œuvre

13Une telle entreprise, dont la visée scientifique originelle était documentaire et historiographique, est nécessairement tributaire de contraintes de production et de réalisation pratiques.

14Il s’agissait tout d’abord, pour permettre à tout public un accès non restrictif aux lettres, d’élaborer un protocole de transcription numérique. Le site propose certes dans sa présentation quelques reproductions en fac-similé garantissant le plaisir esthétique de la contemplation de l’objet-lettre et de la plume auctoriale, mais il n’était guère envisageable de reproduire la totalité d’entre elles ; en effet, la lourdeur de la consultation ainsi que la difficulté de déchiffrer l’écriture de Juliette Drouet pour qui n’y était pas accoutumé auraient pu nuire à la fluidité de la lecture et donc à la visée du projet.

15Or, toute transcription suppose d’opérer des choix. En effet, quand bien même l’édition tente de respecter au mieux l’œuvre et de ne pas dénaturer le style original et très spontané de Juliette Drouet, qui se relisait rarement et ne retravaillait pas ses textes, les modifications inhérentes au passage de l’écriture manuscrite au caractère d’imprimerie ou la modernisation inévitable d’un texte du xixe siècle imposent une certaine intervention.

16Fort heureusement, la présentation générale et les sujets abordés par l’épistolière, reflétant dans le fond et la forme de l’écriture quotidienne la régularité et la monotonie des jours, étaient plutôt constants et rapidement, après les premiers billets du début, émergea un modèle de lettre type ou ritualisé, de structure figée, qui fut ensuite reproduit durant toute sa vie.

17Marie-Laure Prévost, conservatrice des manuscrits de Hugo à la BnF, apporta son aide dans l’élaboration d’un protocole de transcription adapté car, comme le souligne Florence Naugrette, « [c]haque édition de correspondance, les spécialistes le savent, demande des solutions spécifiques, en plus des principes de méthode généraux15 ». Voici dès lors le protocole retenu pour cette édition qui a privilégié la forme chronologique dans la présentation des lettres.

18Tout d’abord, comme Juliette Drouet ponctuait très peu, et utilisait rarement les majuscules, seule la ponctuation nécessaire à la correction syntaxique minimale est restituée. Les mots qu’elle écrivait plus gros pour les mettre en valeur sont transcrits en capitales, et ceux qu’elle en soulignait sont reproduits en italique, conformément à l’usage typographique. Quand des extraits résistent à la lecture, ils sont notés [illis.] et toute information incertaine ou manquante est indiquée entre crochets, comme le millésime dans la date ou des mots oubliés ainsi rétablis lors de la transcription. Quant aux dessins dont Juliette Drouet se plaisait à agrémenter ses textes pour illustrer ses états d’âme, ils sont reproduits tels quels en dessous de la lettre.

19Toutefois, la transcription scientifique publiée sous forme numérique ne peut guère reproduire visuellement les spécificités et marques graphiques des manuscrits originaux ; elle se contente d’en mentionner l’existence et il faut pouvoir consulter directement les scans ‒ qui eux-mêmes restituent mal les éléments matériels de la lettre ‒ pour les observer.

20C’est, notamment, le cas des ratures. Certes, comme bon nombre d’épistoliers, Juliette, une fois sa lettre terminée, la déposait quasi immédiatement pour Hugo qui la récupérait dans les minutes ou les heures suivantes, et elle n’y revenait donc pas. Les quelques ratures immédiates pourraient toutefois prendre tout leur sens lorsque l’on s’intéresse au cheminement psychologique de l’épistolière, mais aussi quand on considère qu’elle s’adressait tout de même à quelqu’un et qu’elle songeait à lui plaire. Car, alors qu’il n’y aurait aucun intérêt à les mettre en scène dans un véritable journal intime, dans une correspondance ou un journal adressé, elles acquièrent une véritable fonction communicative qui peut susciter une réflexion herméneutique. C’est actuellement au transcripteur que revient le choix de signaler ou reproduire la rature pour la publication. Or, de façon générale, dans l’idée somme toute méritoire de présenter des documents visuellement propres, les traces de rature originelles sont bien souvent rendues inexistantes, graphiquement ou référentiellement, par l’alphanumérique16.

21Par ailleurs, les seules interventions ‒ plutôt rares ‒ d’une autre main sur les manuscrits originaux ont pu être des corrections de date, parfois fautives d’ailleurs, par les propriétaires successifs, pour tenter de réorganiser la cohérence chronologique du corpus. Dans le cas de cette correspondance atypique donc, alors que le processus d’écriture se confondait quasiment avec l’œuvre finie, les lettres en version unique et presque immédiatement définitive sont analysables en l’état et présentées telles quelles au public, sans réels remaniement ou transformation.

22Outre le protocole de transcription, il fallait de surcroît réfléchir à l’élaboration d’outils d’accompagnement et de documentation pertinents pour une meilleure compréhension de l’œuvre. Il s’agissait de pallier les manques du genre épistolaire – elliptique par excellence puisque les référents communs entre l’auteur et le destinataire ne sont pas systématiquement signalés –, et ainsi de la rendre accessible et/ou attractive pour le plus grand nombre.

23Tout d’abord, dans l’ensemble de la lettre, les noms ou prénoms mentionnés plusieurs fois, signalés par un astérisque simple, sont élucidés dans l’index nominum et les idiosyncrasies lexicales récurrentes, indiquées par un astérisque double, sont expliquées dans le glossaire. En revanche, certaines orthographes volontairement fautives, car Juliette Drouet inventait de nombreux néologismes, pratiquait les jeux de mots et utilisait un vocabulaire amoureux codé, sont conservées sans indication particulière.

24De plus, afin de permettre aux néophytes et amateurs de lire soit en continu, soit d’une façon aléatoire et exploratoire, des informations supplémentaires sont ajoutées au corps de la lettre. À la fin du texte, un cartouche permet d’identifier son lieu de conservation, sa cote, ses transcripteurs, ses éventuelles publications antérieures également développées en bibliographie ; juste en dessous, mis à part les trop nombreux accents et tirets oubliés ou fautifs, les erreurs d’orthographe involontaires sont corrigées et signalées en notes manuscriptologiques17 appelées par des lettres.

25Ensuite, les notes explicatives en bas de page, appelées par des chiffres, élucident le lexique, les circonstances biographiques et historiques, les toponymes, les citations littéraires et culturelles et les autres allusions susceptibles de poser un problème au lecteur non spécialiste. Il fallait dès lors éviter les notes encyclopédiques susceptibles de surcharger le texte au risque de le faire passer au second plan, voire de le faire disparaître sous les commentaires. Finalement, en cas d’incertitude ou d’ignorance, la mention « à élucider » indique des notes en souffrance ; dans l’impossibilité de dialoguer directement avec l’épistolière, il nous faut accepter qu’elles le demeurent peut-être à jamais.

26Par ailleurs, le site permet une lecture savante, s’adressant à un public de spécialistes, de chercheurs et de critiques, grâce à une présentation et une analyse générale, une chronologie détaillée, les notices et les actualités, des renvois ou liens vers des articles. Il autorise également désormais, comme le signale Florence Naugrette, des recherches indexées thématiques pour « retrouver dans les lettres de Juliette toutes ses allusions à la vie théâtrale de son temps, aux événements et personnalités politiques, littéraires, artistiques. […] Ce site peut être une mine pour les historiens18. »

27Il faut enfin ajouter que ces protocoles ont nécessairement connu, connaissent et connaîtront des réajustements, par l’enrichissement du corpus et l’actualisation des données et des outils, notamment grâce aux nouvelles lettres retrouvées ou aux éclairages réciproques apportés par chacun des transcripteurs. D’ailleurs, le Petit guide de l’éditeur de correspondances (xix-xxe siècles) souligne bien l’aspect toujours « incomplet et susceptible d’amélioration19 » de l’édition d’une correspondance. C’est un work in progress, ouvert et évolutif, modifiable à l’infini. C’est pourquoi, comme il serait matériellement impossible de tout reprendre, les lettres ajoutées plus récemment sont présentées dans un degré de finition supérieur.

Questions d’éthique

28Une fois clarifiée la visée scientifique de cette démarche d’édition de manuscrits, émerge la question du respect de la volonté auctoriale. En effet, une telle entreprise peut-elle se justifier éthiquement lorsque des chercheurs décident de publier longtemps après sa mort « un scripteur ordinaire » du xixe siècle, alors que les principes de la propriété littéraire et du droit d’auteur tels que nous les définissons aujourd’hui faisaient l’objet de houleux débats intellectuels et juridiques ? Juliette Drouet avait-elle elle-même envisagé la possibilité – et souhaité – que sa correspondance connaisse un tel destin posthume ?

29En réalité, la rédaction quotidienne de ce qu’elle appellera au fil du temps ses restitus20 lui est imposée par Victor Hugo dès les prémices de leur liaison, car l’amant jaloux exige de connaître dans les moindres détails les faits et gestes de la comédienne et ancienne courtisane. Or, cette dernière, soulignant régulièrement son « antipathie pour l’écriture21 », considère parfois cet exercice comme une corvée inutile, rappelant sa lassitude d’écrire des banalités répétitives. C’est d’autant plus difficile selon elle que les réponses sont rares et que le destinataire oublie régulièrement de prendre ses lettres ou de les lire.

30Cependant peu à peu, par la force de l’habitude puis par besoin de communiquer malgré tout avec l’amant absent, cette occupation devient pour Juliette, si seule à compter du « pacte » de 183922, une « chose qu’[elle] fai[t] aussi naturellement que de respirer23 », une nécessité qui lui insuffle son énergie vitale, jusqu’à se transformer enfin en plaisir réel que l’épistolière appellera sa « petite joie quotidienne24 ». Elle trouve en effet finalement trois avantages à ses restitus : exprimer ses sentiments à celui qu’elle aime, tromper sa solitude et son ennui, mais également se libérer dans un élan cathartique en parlant de « désenfler [s]on cœur trop plein de [lui]25 ». Au sein de l’espace sécurisé de la lettre qui devient, pour reprendre les mots de Volker Kapp, « une vie tout intérieure26 », ou plus encore selon Astolphe de Custine, « une action véritable, une vie dans la vie27 », elle peut mener en toute liberté une existence parallèle.

31Ainsi, tout au long des cinquante années qui la lieront à Victor Hugo, Juliette oscillera toujours entre le souhait de se libérer de cette contrainte et son besoin viscéral d’écrire, mais elle restera toujours consciente qu’elle maintient de la sorte un lien matériel indéfectible entre eux, comme pour se protéger des effets dévastateurs de ce que Florence Naugrette appelle le « vivre ensemble séparés », une relation qui jusqu’au bout, malgré sa concrétude, restera « légalement, civilement et socialement impossible, anachronique et utopique28 » dans la société du xixe siècle. C’est pourquoi elle continuera quand ils vivront quasiment ensemble pendant l’exil, puis sous le même toit dès 1873 après la mort d’Adèle Hugo cinq ans auparavant.

32Toutefois, malgré cette abondante production épistolaire, comme le fait remarquer Florence Naugrette, « à la différence de ces femmes de lettres reconnues et admises dans la bonne société, Juliette Drouet, elle, n’envisage à aucun moment de devenir une femme-auteur, de publier. Son origine sociale très modeste, et son passé d’actrice entretenue la condamnent d’ailleurs à rester dans l’ombre29 ». Par ailleurs, lettres et journaux sont alors encore considérés, ainsi que le rappelle Françoise Simonet-Tenant, comme des « écritures naturelles, à la périphérie de la sphère littéraire30 ». Et puis surtout, Juliette n’est pas sûre de la qualité de ses écrits, et elle n’en revendique pas la maternité puisqu’elle ne se considère pas, avec cette écriture intime, comme faisant ouvrage d’écrivaine.

33En effet, en dépit de ses nombreuses réflexions méta-épistolaires, lorsqu’elle mentionne le contenu de ses lettres ou commente son propre style, elle se montre fort critique. Ses productions insipides sont l’émanation concrète, estime-t-elle, d’un esprit limité. À l’ombre du grand homme et du culte qu’elle lui voue, elle se trouve stupide et grotesque et tente de masquer son complexe d’infériorité en se jugeant avec une incisive ironie, au second degré, pour se moquer d’elle-même et mettre ses effets rhétoriques à distance.

34Persuadée d’écrire des « sottises » « sans queue ni tête », victime d’« un affreux bégaiement dans les idées qui [l]’arrête au premier mot31 », elle en conclut compendieusement qu’« [elle] n’[est] pas une femme de PLUME32 ». C’est ainsi qu’elle se contente d’admirer de loin le style de Mme de Sévigné – « modèle préféré du genre épistolaire au xixe siècle33 » comme le rappelle Volker Kapp –, et se compare à elle à son grand désavantage, n’imaginant pas qu’elle puisse en être un jour un épigone : « Il y a entre mes lettres et celles de Mme de Sévigné le même rapport qu’entre mes dessins et les cartons de Raphaël34 », écrit-elle.

35Mais finalement peu lui importe, puisque son unique projet reste de signifier son amour à son Toto, même avec toute la maladresse du monde. Se jugeant « pauvre, d’esprit, mais honnête, de cœur35 », elle souhaite être la meilleure amante possible, et non la meilleure écrivaine. Aussi l’épistolière se justifie-t-elle par une pirouette audacieuse et quasi épiphanique, qui file adroitement l’analogie entre ses capacités propres et celles de son cher poète, sans distinction qualitative : « L’amour peut se mettre en plusieurs volumes, comme le génie. Quant au mien, tous les livres et toutes les bibliothèques du monde ne pourraient pas le contenir36 ». On découvre dès lors que Juliette, malgré le peu d’estime qu’elle avait pour ses écrits, avait tout de même le sentiment de participer à quelque chose de plus grand, qui la dépassait elle comme Victor Hugo, en accomplissant une œuvre monumentale, qu’elle n’envisageait pas littéraire, mais amoureuse. Elle eut en effet une parole quasi prémonitoire lorsqu’elle affirma avec fierté : « Je t’aime, c’est par là seulement que je veux aller à la postérité37 » ; « Il me semble, toute modestie mise à part, que mon œuvre ne sera pas inférieure à la vôtre38. »

36Par ailleurs, elle sait bien qu’elle laisse son empreinte d’une tout autre façon. En effet, Victor Hugo réutilise parfois dans ses œuvres des extraits de ses restitus, tantôt avec sa bénédiction, tantôt à son insu39 ; il lui demande également de raconter des souvenirs qui lui serviront pour certains épisodes de ses romans. Elle tient en outre pour lui des journaux de leurs voyages, rédige des comptes rendus de recherches ou d’événements auxquels elle a assisté et prend des notes concernant des personnalités de leur époque. Elle est enfin surtout elle-même le matériau premier, par son passé, ses aventures et sa personnalité, de certains personnages hugoliens emblématiques40.

37Et cependant là encore, comme le souligne Florence Naugrette, « elle se conçoit auprès de lui comme une collaboratrice, un soutien moral, mais à aucun moment l’idée qu’elle puisse être auteur elle-même ne lui traverse l’esprit41 ». Sa lettre du 9 septembre 1847, le jour où elle remet au poète ses souvenirs de couvent pour Les Misérables, l’atteste :

Oui, MONSIEUR, oui, j’ai fini mon MANUSCRIT, oui, j’ai la générosité de vous donner le fruit de mon travail, sans hésiter et sans marchander. Faites-vous de la CÉLÉBRITÉ avec, faites-vous-en de la gloire et de la fortune, je ne m’y oppose pas. Je vous le DONNE42.

38Ainsi, Juliette Drouet ne rêvait guère de survivance littéraire, que ce soit par ses restitus ou sa contribution occasionnelle au grand œuvre hugolien. Comment dès lors justifier l’édition posthume de sa correspondance – légalement autorisée par le délai de prescription –, alors que, d’une part, tel n’était pas le souhait de l’auteur qui n’avait pas laissé de commentaires ou de directives en ce sens, et d’autre part qu’il s’agit de la relation scrupuleuse d’une vie de couple, dévoilée de la sorte dans tous ses aspects les plus intimes ?

39Sans doute parce que tel fut en réalité le souhait du destinataire, Victor Hugo, qui conserva précieusement toutes ces lettres – signe de l’importance et de la valeur qu’il leur accordait – puis les transmit in extenso à l’héritier et légataire universel de Juliette Drouet, manifestement dans l’idée de laisser à sa famille légitime la possibilité de les rendre publiques. Pour sa part, bien que l’épistolière n’évoquât quasiment jamais la postérité de ses lettres, elle était malgré tout consciente que, non seulement Hugo les archivait, mais encore qu’elles étaient un témoignage exceptionnel de la longue vie de couple atypique d’un écrivain et homme politique majeur de l’histoire française, et donc qu’un jour peut-être, pour toutes ces raisons, après leur disparition à tous deux, elles seraient lues par d’autres.

40Qui pourrait affirmer, d’ailleurs, que n’ont jamais eu lieu à ce sujet, entre les deux amants, des conversations privées, murmures volatils dont le papier n’a pas gardé la trace ?

Réception de l’œuvre

41Certes, ces dernières années ont vu l’exhumation et la publication de nombreux journaux personnels, archives ou correspondances. Celle de Juliette Drouet à Victor Hugo a bénéficié de cet effet de mode contemporain, mais, dans son cas, demeure la question des enjeux de la diffusion intégrale d’un corpus presque totalement inconnu ne répondant guère aux standards académiques, d’un auteur marginal depuis longtemps disparu. Il ne s’agit pas en outre d’un laboratoire expérimental ; l’on ne peut en effet y trouver aucun indice sur la genèse et la création d’un ouvrage de référence, ce ne sont ni les tâtonnements d’un talent en formation, ni un volumineux fragment à insérer dans un grand œuvre plus ambitieux pour une contribution importante à l’histoire littéraire. Il ne saurait enfin être question d’une réhabilitation ou d’une redécouverte, quand bien même l’œuvre était-elle adressée à l’un des plus grands écrivains français. Son édition n’a été permise que par les technologies et techniques modernes que sont la numérisation et l’Internet qui autorisent une diffusion de grande ampleur.

42Il restait donc à espérer que cette publication posthume atteigne, au-delà de son ambition scientifique et quantitative – avec la réalisation d’une prouesse volumétrique –, son objectif qualitatif : susciter la curiosité de découvrir un tel ovni épistolier, et le faire considérer comme une œuvre. En effet, cette véritable masse textuelle présente toutes sortes d’intérêts, qu’un certain nombre de publications et recherches récentes se sont employées à souligner.

43Elle permet tout d’abord une meilleure connaissance biographique de Victor Hugo, de Juliette Drouet et de leur entourage dans les plus petits détails du quotidien. Elle présente également un fort intérêt historique et documentaire car elle fournit un témoignage précieux sur le xixe siècle : arts, sciences, société, politique, condition féminine, liens sentimentaux, valeurs, etc. Cette correspondance apparaît ainsi comme une véritable analyse d’une époque par une femme que Florence Naugrette a appelée « une historienne des mœurs qui s’ignore, une sociologue sans le savoir43 ».

44Enfin, elle suscite un certain nombre d’interrogations, sur la noblesse des genres épistolaire et diaristique d’une part ‒ en lien avec leur catégorisation a priori et traditionnellement genrée ‒, d’autre part sur la pertinence d’une exploration, plus spécifiquement, des lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo comme objet littéraire alors que, à l’ombre de la production écrasante et diversifiée de l’écrivain qui l’éclipse totalement, l’épistolière apparaît souvent seulement comme la prolifique maîtresse d’un grand homme. Il convient dès lors de justifier la publication posthume de l’œuvre, non pas pour en redécouvrir une autre, mais pour elle-même, en faisant valoir son originalité générique et son caractère formellement et thématiquement novateur.

45Christine Planté a analysé ce que l’on a pu appeler le mythe de l’épistolaire féminin, que La Bruyère formulait déjà dans Les Caractères : « Ce sexe va plus loin que le nôtre dans ce genre d’écrire », tandis que Françoise Simonet-Tenant, en ce qui concerne spécifiquement le journal adressé, juge pertinent de « se poser la question d’une forme “genrée”44 », car les exemples étaient majoritairement féminins.

46Or, à première vue, deux éléments font de la correspondance de Juliette Drouet une déclinaison très ordinaire du genre. Tout d’abord, il s’envisage nécessairement sous l’angle de l’attente de l’aimé que « lettres et journaux sont là pour remplir […] et […] combler de mots45 », postulat que Juliette résume à sa manière : « Je suis destinée à t’attendre et à t’attendre toujours46. » Par ailleurs, le second aspect qui semble marquer l’écriture des femmes concerne la présence de l’autre qui, selon Geneviève Haroche Bouzinac, « jouerait […] un rôle notable dans le journal féminin qu’il ne possède pas dans les journaux masculins », ces derniers étant plutôt « autocentrés » tandis que les premiers seraient « relationnels », « à ce point de jonction extrême entre l’intériorité et le partage47 ». La répartition sociale des rôles explique cet écart : on réserve aux femmes la sphère domestique et privée, et « [d]ans cette perspective, l’autre masculin est l’indispensable médiateur avec le monde extérieur ». C’est pourquoi l’expression du moi féminin ne saurait se passer d’un regard et d’une caution masculins, constat qui trouve une incarnation extrême dans la relation qu’ont pu entretenir Juliette Drouet et Victor Hugo et l’état de dépendance financière, affective et intellectuelle dans lequel le second a pu maintenir la première.

47Toutefois, si dans les années 1840 la maîtresse passe en effet son temps à attendre l’amant, s’il est celui qui lui permet de garder contact avec le monde, sa production, sur un demi-siècle, évolue à mesure qu’elle retrouve une certaine liberté, que la lecture masculine s’estompe et qu’ensuite la présence du compagnon s’accentue jusqu’à devenir permanente auprès d’elle. C’est alors que Juliette peut finalement faire de ses lettres « le lieu d’expression d’un moi véritablement intime48 », libéré de toute scrutation tutélaire, et que sa correspondance connaît un phénomène progressif d’hybridation jusqu’à devenir – et c’est son premier intérêt littéraire – un journal épistolaire.

48On peut envisager en outre la visée pédagogique de ce journal adressé. Au xixe siècle, on encourageait l’écriture diaristique pour les femmes comme une pratique éducative à but tout autant stylistique qu’introspectif, et parfois même imposée par l’école, la mère, etc., ce que Philippe Lejeune explique ainsi : « Le journal intime […] est en fait l’intériorisation d’une technique d’éducation49 ». Françoise Simonet-Tenant rappelle de surcroît la visée éthique de la tenue d’un journal, puisqu’« il s’agit de contrôler les écarts et d’enregistrer les progrès de son âme50 ». L’exigence de Victor Hugo participe dès lors de son entreprise d’éducation vis-à-vis de Juliette pour la purifier de son ancienne vie dissolue, dans la perspective de son édification morale principalement. Cela lui permet de suivre pas à pas, de surveiller voire de contrôler l’évolution et la transformation psychologiques de sa créature par cet exercice d’aspect confessionnel. Il n’est pas anodin que l’épistolière ait d’ailleurs choisi elle-même l’appellation de « restitus », c’est-à-dire un examen de conscience écrit dans son emploi rare du vocabulaire religieux, pour qualifier ses lettres quotidiennes.

49Or, c’est un projet plutôt précurseur puisque l’essor des publications des journaux personnels ‒ et donc des modèles ‒ se fait principalement dans la seconde moitié du xixe siècle. Juliette Drouet apprend dès lors quasiment toute seule puisqu’elle n’a lu que Mme de Sévigné, et sa correspondance puise également en cela toute son originalité et sa légitimité.

50Finalement, Florence Naugrette s’est posé la question essentielle qui forme la clef de voûte de cette monumentale entreprise éditoriale, et donc la pertinence de son analyse critique : « un journal épistolaire peut-il être considéré comme de la littérature51 ? » D’aucuns jugeraient que non sans hésitation, et argueraient en outre que dans le cas de Juliette Drouet qui n’était pas écrivaine mais scripteur ordinaire, qui n’écrivait que pour raconter ses journées à un amant soupçonneux, qui sous-estimait ses compétences stylistiques, qui n’envisageait pas de publication, cette idée ne viendrait guère à l’esprit. Si les intérêts documentaire et biographique de cette correspondance ne sont plus à prouver, l’intérêt purement littéraire reste donc à démontrer. Or, selon Florence Naugrette, c’est « “à partir de” notre point de vue de tiers-lecteur, et par l’usage que nous en faisons, que nous constituons nous-mêmes ce corpus en littérature52 ». Ainsi, c’est le regard et le sentiment du lecteur, seul juge, qui en donnant un sens (aux deux acceptions, herméneutique et esthétique, du terme) transforment un texte en œuvre d’art.

51L’équipe de recherche chargée de cette édition a désormais montré l’intérêt et l’unicité d’un style « Juju » jaillissant et coloré, la pertinence de ses réflexions, l’intelligence de ses choix narratifs ou descriptifs, l’originalité de cette sorte de carnet de bord ou journal de voyage intime illustré, autant de qualités qui justifient indubitablement les efforts engagés pour sa reconnaissance posthume. Et c’est surtout avec toutes les incertitudes et tensions sur lesquelles reste le lecteur, qui entretiennent un ensemble de mystères et un questionnement demeurant à la fin d’une restitus, que peut se constituer un appétit littéraire dans ce besoin de s’emparer d’une autre lettre à peine terminée la précédente.

52En définitive, chacun est libre d’accorder ses lettres de noblesse à cette correspondance, mais s’il le fait, il peut en même temps ressentir, puisque tel n’était peut-être pas le choix proclamé de Juliette Drouet, une impression mitigée : cette satisfaction peut se doubler en effet d’un sentiment d’indécence en violant ainsi l’intimité de cinquante années de deux amants disparus.

53Dans ce journal épistolaire écrit il y a deux siècles, on peut être touché aujourd’hui par l’universalité de sentiments que tous les amants peuvent comprendre, mais surtout par les efforts sans cesse renouvelés d’une femme, d’une force mentale exceptionnelle, pour combattre ses souffrances corporelles et morales, ses humiliations, pour se relever inlassablement et pour se maintenir à la hauteur, physiquement et intellectuellement, de son grand poète. Et elle écrivait encore et encore, mue par l’auto-conviction que cet amour-là, le moteur et « l’œuvre » ‒ selon ses mots ‒ de sa vie, en valait la peine.

54Or, ce que Juliette Drouet ignorait, c’est que l’on pourrait trouver un jour à ses lettres un tout autre intérêt. Certes, à première vue, comme le spécifie Françoise Simonet-Tenant, « […] une fois de plus on loue la femme qui écrit lorsque cette dernière, pense-t-on, ne semble pas avoir conscience d’être un auteur et d’avoir fait une œuvre53 ». Consécration réductrice naturellement, et cependant peu importe lorsque le résultat est le même : investir enfin sa correspondance d’une réelle qualité littéraire qui puisse émouvoir des lecteurs du xxie siècle.

55Victor Hugo ne s’y était pas trompé d’ailleurs qui, rassemblant déjà les premiers billets de son amante, lui écrivait dès le début de leur relation, prenant ainsi un engagement admirable ad vitam æternam : « […] Si mon nom vit, votre nom vivra. […] Soyez tranquille. On vous rendra toute justice un jour54. » De la sorte, tout d’abord, il lui rend tout ce qu’il lui doit, d’une part la stabilité et le dévouement amoureux inconditionnel qui lui ont inspiré ces quelques mots très évocateurs en 1867 : « Nous avons dix-sept ans d’exil et trente-quatre ans d’amour, juste le double. Et grâce à l’amour, ô mon doux ange, il n’y a pas eu d’exil. Tu as été pour moi une patrie55 » ; d’autre part la préservation de ses manuscrits et même sa propre vie qu’à l’occasion de sa fuite elle a sauvée, comme un « ange gardien56 », « avec quelle admirable intelligence, avec quel zèle, avec quelle héroïque bravoure57 ». Il lui renouvelle ensuite, éternellement, sa confiance absolue en laissant la possibilité de publier un jour sans filtre cette biographie parfois redoutable de leur couple. Il s’amende enfin de l’ascèse rédemptrice qu’il lui a imposée et se rachète à son tour en lui rendant la place dont il la jugeait ‒ et dont elle était ‒ digne.

56« Quel bonheur !!! », se serait sans doute écriée Juliette si elle avait su que, tout comme elle avait fini par acquérir une certaine respectabilité sociale auprès de Victor Hugo à la fin de son existence, elle parviendrait au xxie siècle à arracher d’outre-tombe à une critique littéraire, peu tendre à l’égard des « maîtresses de grands hommes », une certaine respectabilité auctoriale, et à devenir finalement au-delà de toutes ses vies – non plus Julienne Gauvain, non plus Mlle Juliette, non plus Juju, certes pas Mme Hugo – mais bien Juliette Drouet, épistolière.

Notes

1 17 février 1841 [Gwenaëlle Sifferlen / Florence Naugrette]. Juliette Drouet, Lettres à Victor Hugo, www.juliettedrouet.org, Université de Rouen (CÉRÉdI), édition collective en cours, sous la direction de Florence Naugrette, site ouvert en septembre 2012, ISSN : 2271-8923. Les citations des lettres renvoient à ce site. On note entre crochets le nom du transcripteur suivi de son éventuel assistant.

2 Sous le nom de Mlle Juliette.

3 Près de 17 000 lettres appartenant à l’origine au peintre Louis Icart et acquises en 1969. Les autres se trouvent à la Maison Victor Hugo à Paris, dans des musées, d’autres bibliothèques françaises et américaines, des collections particulières, ou bien sont mentionnées dans des catalogues de vente.

4 L’équipe de recherche comprend une quarantaine de collaborateurs, sous la direction de Florence Naugrette (entre-temps affectée à l’Université Paris-Sorbonne), avec le concours scientifique de Jean-Marc Hovasse (CNRS / ITEM), Gérard Pouchain (Université de Rouen, CÉRÉdI), Guy Rosa (Université Paris 7-Denis Diderot, CERILAC), Chantal Brière (Université Paris 7-Denis Diderot, CERILAC), Françoise Simonet-Tenant (Université de Rouen, CÉRÉdI), Nicole Savy (Musée d’Orsay), et la participation de chercheurs, spécialistes, professeurs de Lettres, doctorants et étudiants de Master.

5 Florence Naugrette, « Florence Naugrette nous parle de Juliette Drouet et de l’écriture des femmes au xixe siècle », entretien avec la revue Litterama du 9 novembre 2012.

6 Florence Naugrette, « Les lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo à l’époque de la publication des Misérables (septembre 1861-juillet 1862) », communication au Groupe Hugo le 8 janvier 2008.

7 Florence Naugrette, entretien avec la revue Litterama, art. cité.

8 Florence Naugrette, « Les lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo […] », 8 janvier 2008, art. cité.

9 Louis Guimbaud, Victor Hugo et Juliette Drouet, d’après les lettres inédites de Juliette Drouet à Victor Hugo et avec un choix de lettres, Auguste Blaizot, Paris, 1914 ; Paul Souchon, Mille et une lettres d’amour à Victor Hugo, Paris, Gallimard, 1951 / Paris, Gallimard, coll. « L’imaginaire », 2002 ; Jean Gaudon et Evelyn Blewer, Lettres à Victor Hugo, nouvelle édition revue et augmentée, Paris, Fayard, 2001 ; Gérard Pouchain, Cinquante ans de lettres d’amour (1833-1883). Lettres de l’anniversaire, Rennes, Ouest-France, 2005. On peut ajouter l’édition chronologique publiée sous la direction de Jean Massin, Correspondance de Juliette Drouet et Victor Hugo, dans les Œuvres complètes de Victor Hugo, Paris, Le Club français du livre, 1967-1970.

10 Florence Naugrette, entretien avec la revue Litterama, art. cité.

11 Florence Naugrette, « Les lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo à l’époque […] », art. cité.

12 Florence Naugrette, entretien avec la revue Litterama, art. cité.

13 Ibid.

14 Le site a été conçu et réalisé par Tony Gheeraert (Université de Rouen, CÉRÉdI) et Thibaut Guichard (Université de Rouen, IRIHS), et il est administré par Hélène Hôte (Université de Rouen, CÉRÉdI).

15 Florence Naugrette, entretien avec la revue Litterama, art. cité. Voir par exemple L’Édition numérique de correspondances. Guide méthodologique, réalisé au sein du groupe Correspondance du consortium Cahier. Version 1.2. Janvier 2018. Licence CC BY-NC-SA.

16 Ces remarques reprennent les conclusions de mon intervention à l’ITEM du 10 juin 2017 pour un séminaire du groupe « Autobiographie et correspondance » : « Les ratures de Juliette Drouet : étude d’un corpus de lettres à Victor Hugo ».

17 Qui concernent spécifiquement le manuscrit.

18 Florence Naugrette, entretien avec la revue Litterama, art. cité.

19 Bernard Duchatelet, Louis Le Guillou, Petit guide de l’éditeur de correspondances (xix-xxe siècles), Brest, Centre brestois du Greco 53 du CNRS, 1986, p. 16.

20 Le sens que donne Juliette Drouet à ce mot latin tardif rare (venu de « restitutus », et signifiant « restitué ») est plus proche de son emploi dans le vocabulaire de la confession religieuse, où il désigne un examen de conscience écrit. Elle l’emploie tantôt au masculin, tantôt au féminin.

21 12 février 1841 [Gwenaëlle Sifferlen / Florence Naugrette].

22 Par ce pacte officieux, Juliette Drouet accepte d’interrompre sa carrière théâtrale et de se consacrer exclusivement à Victor Hugo : elle ne sort plus sans lui, lui fait chaque jour le récit détaillé de ses journées, attend son aval pour recevoir ses amis ou lire son courrier et ne consulte que les journaux qu’il lui apporte. En échange, il s’engage à ne jamais l’abandonner à et subvenir à tous ses besoins ainsi qu’à ceux de sa fille Claire, qu’elle a eue en 1826 avec le sculpteur James Pradier.

23 26 août 1841 [Gwenaëlle Sifferlen / Florence Naugrette].

24 5 septembre 1841 [Gwenaëlle Sifferlen / Florence Naugrette].

25 25 juin 1841 [Gwenaëlle Sifferlen / Florence Naugrette].

26 Volker Kapp, « Deux problèmes de l’art épistolaire au xixe siècle : besoin de communication et exigence stylistique », Cahiers de l’Association internationale des études françaises, 1987, no 39, p. 175-190.

27 Marquis Astolphe de Custine, Lettres, lettre à Rahel Varnhagen d’Ense le lundi 9 septembre 1816, Genève, Édition Slatkine Reprints, coll. « Ressources », no 52, 1979, p. 50.

28 Florence Naugrette, « Les lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo à l’époque […] », art. cité.

29 Florence Naugrette, entretien avec la revue Litterama du 9 novembre 2012, art. cité.

30 Françoise Simonet-Tenant, Journal personnel et correspondance (1785-1939) ou les affinités électives, Louvain, Éditions Bruylant Academia, coll. « Au cœur des textes », 2009, p. 67.

31 20 novembre 1841 [Gwenaëlle Sifferlen / Florence Naugrette].

32 10 juillet 1841 [Gwenaëlle Sifferlen / Florence Naugrette].

33 Volker Kapp, « Deux problèmes de l’art épistolaire au xixe siècle […] », art. cité, p. 175-190.

34 13 mars 1840 [Chantal Brière].

35 17 octobre 1846 [Gwenaëlle Sifferlen / Florence Naugrette].

36 17 février 1841 [Gwenaëlle Sifferlen / Florence Naugrette].

37 Lettre de 1834 [Jeanne Stranart / Florence Naugrette].

38 Citée par Anthéa Sogno dans son spectacle Victor Hugo, mon amour ou « Aimer c’est plus que vivre », mise en scène de Jacques Décombe, créée en 2007 puis présenté à la Comédie Bastille en 2012 à l’occasion du 150e anniversaire des Misérables.

39 Florence Naugrette, « Une lettre de Juliette Drouet, source du poème de Victor Hugo “Paroles dans l’ombre” (Les Contemplations) », « Correspondances d’écrivains et histoire littéraire », Revue d’Histoire Littéraire de la France, 2012-4, p. 949-954. En confrontant la date d’envoi d’une lettre du 2 novembre 1846 et celle, effective, de la composition du poème, c’est-à-dire le lendemain même, on constate que l’écrivain a repris la plupart des termes employés par Juliette en les transposant de la prose à la versification. Mais aucune allusion à cet emprunt ne se retrouve dans les lettres ultérieures, ce qui tendrait à prouver qu’il ne lui a pas donné à lire ou à copier son poème.

40 Par exemple la Tisbe dans Angelo, Tyran de Padoue, fille du peuple, orpheline puis entretenue, que Juliette aurait tant aimé jouer en 1835 qu’elle en avait appris le rôle par cœur : « […] je crois me rappeler que j’ai posé pour l’amour, la jalousie et le dévouement de la pauvre Tisbe », écrit-elle le 9 juillet 1841 [Gwenaëlle Sifferlen / Florence Naugrette].

41 Florence Naugrette, entretien avec la revue Litterama du 9 novembre 2012, art. cité.

42 9 septembre 1847 [Florence Naugrette / Nicole Savy].

43 Florence Naugrette, « Juliette Drouet sociologue ? », Romantisme, vol. 175, no 1, 2017, p. 17-28, p. 28.

44 Françoise Simonet-Tenant, « L’écriture féminine au xixe siècle en France : modèles et influences », Ipotesi, Revista de Estudos literảrios, volume 13, no 2, Universidade Federal de Juiz de Fora, jul./dez. 2009, p. 21-30. En ligne : http://www.ufjf.br/revistaipotesi/files/2009/10/l%C3%A8criture-f%C3%A9minine.pdf, consulté le 12 avril 2018.

45 Ibid.

46 1er janvier 1841 [Gwenaëlle Sifferlen / Florence Naugrette].

47 Entretien de Geneviève Haroche Bouzinac par Françoise Simonet-Tenant pour la revue Épistolaire, dans sa version actualisée de l’entretien paru dans La Faute à Rousseau, « Correspondances », no 34, octobre 2003. En ligne : http://www.epistolaire.org, consulté le 17 mai 2018.

48 Françoise Simonet-Tenant, « L’écriture féminine au xixe siècle en France : modèles et influences », art. cité.

49 Florence Rochefort et Gabrielle Houbre, « Témoignage : Philippe LEJEUNE », CLIO. Histoire, femmes et sociétés. En ligne : https://clio.revues.org/438, consulté le 17 avril 2018.

50 Françoise Simonet-Tenant, « L’écriture féminine au xixe siècle en France : modèles et influences », art. cité.

51 Florence Naugrette, « Éditer les 22 000 lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo : un journal épistolaire peut-il être considéré comme de la littérature ? », conférence au CELLF du 9 avril 2015.

52 Ibid.

53 Françoise Simonet-Tenant, « L’écriture féminine au xixe siècle en France : modèles et influences », art. cité.

54 Lettre de Hugo à Juliette, après le 7 novembre 1833, jour de la première de Marie Tudor.

55 Lettre de Hugo à Juliette, 31 décembre 1867, envoyée le 1er janvier 1868 (éditée par Jean Gaudon dans Victor Hugo, Lettres à Juliette Drouet, Paris, Pauvert et Silène-Har / Po, 1985, p. 249).

56 Titre d’un chapitre de Juliette Drouet ou « la dépaysée », de Gérard Pouchain et Robert Sabourin, Paris, Fayard, 1992, p. 403, en référence à une lettre d’Anatole de La Forge à Juliette le 19 octobre 1879 : « C’est vous, l’ange gardien du foyer de notre grand génie Victor Hugo que je veux remercier pour ma pauvre petite nièce et pour moi. »

57 Témoignage de Hugo sur une épreuve de La Légende des siècles, datée du 1er janvier 1860.

Pour citer ce document

Gwenaëlle Sifferlen, « Publier les Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo, une aventure éditoriale singulière » dans D’outre-tombe : vie et destin des œuvres posthumes,

Actes du colloque organisé à l’Université de Rouen Normandie en juin 2018, publiés par Aurélien d’Avout et Alex Pepino

© Publications numériques du CÉRÉdI, « Actes de colloques et journées d’étude », n° 25, 2020

URL : http://publis-shs.univ-rouen.fr/ceredi/index.php?id=866.

Quelques mots à propos de :  Gwenaëlle Sifferlen

Université de Bourgogne