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Patrick BERTHIER

Université de Nantes – L’AMo

Théophile Gautier, prédécesseur et confrère de Sarcey


Texte complet


Francisque Sarcey n’est que de seize ans le cadet de Théophile Gautier (l’un né en 1811, l’autre en 1827) ; Gautier commence à rédiger son feuilleton de théâtre, à La Presse, en juillet 1837, et seule la mort, en octobre 1872, lui fait tomber la plume des mains ; à cette date, cela fait douze ans déjà que Sarcey est lui-même critique dramatique, et les deux hommes, s’ils n’ont pas, à ma connaissance, correspondu, se rencontraient. Au tout début de 1885, Sarcey évoque sans la dater une confidence de Gautier vieillissant sur le dégoût que lui inspire désormais la rédaction de son feuilleton hebdomadaire [1]. Le 28 octobre 1872, il consacre la seconde partie de son feuilleton du Temps à Gautier, mort le 23. À propos de l’édition de son Théâtre qui vient de paraître, il évoque Giselle, « chef-d’œuvre des ballets passés, présents et futurs », dont pourtant le livret, simplement lu, ne dit rien de sa beauté – à moins d’avoir « l’imagination puissante de Gautier lui-même, qui se représentait vivantes et animées les formes idéales conçues dans le cerveau des poètes », et pour qui les « fantômes sans consistance ni éclat » de la page imprimée étaient « des réalités superbes et charmantes ». On devine Sarcey quelque peu jaloux du « don singulier [qu’avait Gautier] de les évoquer de l’ombre et de les voir distinctement, par une puissance d’hallucination qui lui était particulière », et qu’il était capable d’exercer aussi envers ses semblables, un peu comme il le raconte dans sa nouvelle d’Avatar. Sarcey précise bien sûr que Gautier n’y mettait aucune des intentions machiavéliques décrites dans cette fiction, mais qu’il avait « le don d’émigrer de son individu et de s’établir dans les sentiments, les pensées, les habitudes d’un autre, de vivre, en un mot, de sa vie […] en restant lui-même ». Et Sarcey de raconter une conversation datable de 1863 au plus tôt, puisqu’elle a eu lieu un jour qu’il avait rencontré Gautier juste après avoir lu Le Capitaine Fracasse, publié cette année-là. Il l’avait félicité de sa connaissance de l’époque décrite, et Gautier lui avait expliqué qu’il n’avait à cela aucun mérite, ayant « la faculté de [s]e transporter dans le siècle où vivent [s]es personnages ». Et ce don ne se limitait pas, à l’en croire, à l’écriture de la fiction :

Tenez ! vous, par exemple, je revêtirai votre personnalité le jour où il vous plaira. […] Vous me préviendrez un soir, après la représentation d’une œuvre qui en vaut la peine. Je me charge d’écrire votre feuilleton, tel que vous le feriez. Ce ne seront pas seulement vos formes de phrases que je vous emprunterai. Je serai vous pour un jour. Je sentirai, je jugerai, comme vous auriez fait, et si vous voulez vous en convaincre, vous écrirez votre article de votre côté, et vous verrez si je me trompe. Je n’ai qu’une crainte, c’est d’être plus vous que vous-même.

Sarcey ajoute que « jamais ce projet ne reçut d’exécution, bien qu’il fût entre nous un texte à plaisanterie, quand j’avais le plaisir de le rencontrer seul, et bonhomme, comme il était avec les gens devant qui il ne se croyait pas obliger de poser ». Tout anecdotique que soit cette notice nécrologique plutôt inhabituelle [2], elle suggère entre ces deux professionnels concurrents une estime réciproque, bien plus qu’une rivalité. Peut-être savaient-ils que leurs méthodes de travail n’étaient pas les mêmes, et qu’ils ne se gênaient pas, même si Jean-Thomas Nordmann a eu raison de me faire remarquer qu’un aspect important de leur écriture feuilletonesque faisait d’eux des proches : leur art de conteur [3].

Je n’ai nulle intention de confronter ici les deux compères ; je suis trop peu familier de la masse des feuilletons de Sarcey, dans laquelle je n’ai fait que quelques incursions analogues à ces carottes que les géologues extraient de sous-sols qu’ils espèrent ainsi connaître par analogie ou extrapolation. Je propose simplement aux vrais connaisseurs de Sarcey un double regard de Gautier sur le théâtre, en un moment où tous deux étaient en activité. Il s’agira d’abord de relire le feuilleton du Moniteur universel du 14 décembre 1863, où Gautier évoque, comme il l’a déjà fait dans des circonstances antérieures, ce que serait pour lui le théâtre idéal ; puis je placerai, face à ce théâtre rêvé, le théâtre réel, celui dont chaque lundi Gautier doit rendre compte, et j’ai choisi comme exemple, pour plusieurs raisons dont je dirai un mot, l’année 1864.

Rappelons encore, avant de poursuivre, que le feuilleton de théâtre de Gautier, qui couvre les années 1837-1872, est encore largement méconnu : pour la période qui se termine en avril 1855, celle de La Presse, on n’a longtemps disposé que de la compilation fautive, tronquée et truquée publiée chez Hetzel sous la responsabilité principale de Théophile Gautier fils, intitulée abusivement Histoire de l’art dramatique en France depuis vingt-cinq ans (6 tomes, 1858-1859). Le vrai texte des feuilletons de La Presse est en cours de publication chez Champion [4], et si nous avançons à bon rythme nous pouvons espérer commencer dans quelques années la mise au jour de la période du Moniteur (1855-1869), pour laquelle il n’existe encore aucune édition [5]. C’est une autre bonne raison d’avoir choisi ici d’attirer l’attention sur ces textes presque inconnus.

Un mot donc, d’abord, sur le feuilleton du 14 décembre 1863 [6], remarquable à cause de sa seconde partie, consacrée à la suppression annoncée du système dit des « privilèges », auquel le fonctionnement des théâtres était soumis depuis la réglementation napoléonienne des années 1806-1807 [7]. Gautier, qui espère beaucoup de cette libération, revient pour l’évoquer à l’un de ses textes de jeunesse les plus célèbres, son roman Mademoiselle de Maupin (1835). Lorsqu’on y fait allusion en histoire littéraire, c’est plutôt pour parler de sa préface, célébrée entre autres par Balzac qui félicite son jeune confrère d’être « entré, fouet en main, […] au plein cœur du journalisme [8] » ; on sait parfois moins que dans le roman lui-même, le chapitre XI est largement consacré à l’évocation semi-onirique d’un théâtre idéal, imaginé par Gautier dans l’atmosphère poétique des comédies romanesques de Shakespeare. L’écrivain tenait si fort à ce texte que dans son feuilleton du 17 décembre 1838, à propos du théâtre de la Renaissance, qui vient d’ouvrir le 8 novembre avec la création de Ruy Blas, mais dont la programmation est par ailleurs très fade, il en reprend plusieurs pages pour faire comprendre à quelle recherche de qualité les directeurs devraient se consacrer, au lieu de chercher fortune du côté du vaudeville et de l’opéra-comique [9]. Nous allons retrouver, non plus, comme en 1838, la citation, mais le souvenir de ce texte de 1835 dans le feuilleton de 1863 ; nous frayons en effet ici un terrain, le primat de la poésie et de la fantaisie, sur lequel les opinions de Gautier sont demeurées au fil des ans d’une stabilité remarquable.

Le feuilleton sur la libération des théâtres est publié en décembre 1863, alors que la fin du système des privilèges ne doit intervenir qu’en juillet 1864 ; le texte est donc prospectif, et son auteur, comme tous ses confrères, en est encore à « se demander quelle figure aura la prochaine année dramatique ». Gautier évoque d’abord les contraintes matérielles (« il faut du temps pour réunir les capitaux nécessaires, trouver un emplacement favorable, discuter un plan, élever une salle, la décorer, se procurer des ouvrages, engager et former une troupe »), et invite le « public impatient » à ne pas « espérer l’inauguration de nouveaux théâtres avant sept ou huit mois au plus tôt ». Lui-même, Gautier, se borne pour le moment à « émettre un vœu timide », ou plutôt « un souhait téméraire qui ne sera pas réalisé » : c’est que parmi tous « ces théâtres qui vont sortir de terre », il en faudrait « trois consacrés à l’art pur ». Ici, même en ménageant quelques coupures, il convient de citer plus longuement, car nous arrivons au cœur des choses :

Le premier de ces théâtres serait un temple dressé au génie humain de tous les temps et de tous les pays. Au lieu d’y jouer les seuls classiques de la France, on y représenterait les classiques de l’univers. Aucune nation ne possède en propre ses grands hommes, ils appartiennent à l’humanité. Pour ces esprits immortels, le temps n’existe pas plus que le lieu de naissance ; ils se meuvent dans la sphère sereine de l’art, toujours beaux, toujours jeunes, contemporains de tous les siècles, citoyens de tous les pays, frères de tous les hommes, car leur patrie est le monde. Ils sont les héros, les demi-dieux des multitudes anonymes, et ils brillent comme des phares au-dessus des âges évanouis. N’est-il pas singulier qu’à une époque comme la nôtre, époque de curiosité, d’investigation et de science, les chefs-d’œuvre des théâtres étrangers soient à peu près inconnus en France, du moins sous leur aspect scénique, et qu’il faille les chercher dans des traductions rares ou insuffisantes ? Croit-on qu’il n’y ait rien à apprendre avec ces œuvres qui ont passionné des peuples tout entiers ? […] Quel plaisir plus vif que celui de vivre quelques heures dans une autre civilisation, hors de notre temps et de nos mœurs, avec un grand poète antique, indou ou grec, avec Eschyle ou le roi Soudraka [10] ? […] À ce théâtre, on aurait une semaine indienne, une semaine grecque, une semaine latine, une autre anglaise ou allemande, italienne ou espagnole, où l’on déroulerait l’œuvre d’un poète tragique ou comique comme une leçon de littérature vivante, avec tout l’éclat de la mise en scène, des décors, des costumes d’une fidélité historique aussi rigoureuse que l’état de la science le permettrait. Les artistes pourraient s’y inspirer aussi bien que les littérateurs. Les traductions de ces chefs-d’œuvre se tiendraient aussi près du texte que possible et seraient faites par de jeunes poètes qu’on rétribuerait largement et pour qui ce travail deviendrait un honneur et une fortune.

Gautier demande qu’on joue sur cette scène « tout Eschyle », Sophocle, Euripide, et bien sûr Aristophane, auteur de « comédies étincelantes où la fantaisie la plus ailée voltige au-dessus de l’observation, et qui semblent avoir prévu à vingt siècles de distance tous les ridicules modernes ». Du côté indien, « La Reconnaissance de Sakountala, de Kalidasa, nous montrerait cet adorable type féminin qui enthousiasmait Goethe ; la Vasentasena, cette Marion de Lorme de l’Inde, nous apparaîtrait avec son bruissement de perles et son tintement de grelots dans l’arc-en-ciel de la poésie asiatique [11]. »

Après un mot rapide sur « les Latins » (Sénèque le Tragique, Plaute, Térence), Gautier en vient à celui qui l’enthousiasme le plus :

Ensuite arriverait Shakespeare, non seulement le Shakespeare d’Hamlet, de Macbeth, d’Othello, de Roméo et Juliette, du Roi Lear, de Jules César, mais le Shakespeare moins connu des chroniques, des comédies fantasques et des féeries. On ferait alterner les grands chefs-d’œuvre avec La Tempête, Le Songe d’une nuit d’été, Comme il vous plaira, Les Deux Gentilhommes de Vérone, Troïlus et Cressida, Le Conte d’hiver, et même avec Périclès, qu’on dit n’être pas de lui, mais qui en est bien [12].

Gautier mentionne encore Calderón et les Espagnols, et pour l’Allemagne, outre Goethe et Schiller qui « feraient le fond de notre répertoire », des auteurs méconnus comme Zacharias Werner, un de leurs contemporains. Et « que de noms se joindraient à cette liste si on l’étendait jusqu’à des temps plus voisins de nous ! Serait-ce trop présumer du public que de penser qu’un tel répertoire, formé des chefs-d’œuvre de toutes les littératures, l’intéresserait autant que les mélodrames, les féeries et les vaudevilles de ces messieurs ? » – on ne sait trop si cette pique contre les « messieurs » vise les auteurs ou ceux qui les encensent ; sans doute les deux.

Outre ce « théâtre universel, dont nous serions heureux qu’on nous prît l’idée », suggère Gautier toujours amateur de ce pluriel de fausse majesté qui fait une partie de son charme, il faudrait encore deux autres salles.

Le second théâtre serait exclusivement réservé aux poètes, aussi malheureux pour le moins que les compositeurs lyriques ; car il ne faut pas que ce bel art du langage rythmé disparaisse. On ne jouerait là que des pièces en vers, ou tout au moins d’une prose travaillée, délicate et fantasque. Le Spectacle dans un fauteuil, d’Alfred de Musset, le Théâtre de Clara Gazul, de Mérimée, seraient admis de droit, et représentés textuellement avec les changements à vue et la mise en scène indiquée.

Le titre d’Un spectacle dans un fauteuil ne désigne stricto sensu que les deux pièces en vers publiées en 1832 (La Coupe et les lèvres et À quoi rêvent les jeunes filles) et les cinq pièces en prose de 1833-1834, d’André del Sarto à Lorenzaccio, mais pour Gautier il couvre toute la production des comédies et proverbes, en remontant jusqu’à La Nuit vénitienne de 1830 ; depuis la fin de 1847, certes, le théâtre de Musset est joué au Théâtre-Français, mais dans des versions édulcorées par Musset lui-même ou, depuis sa mort, par son frère Paul, et c’est bien pourquoi Gautier demande qu’on le joue « textuellement ». Quant au Théâtre de Clara Gazul, huit pièces courtes publiées en 1825 et 1830, on commence à peine à le jouer : Gautier a tenté en vain de défendre Le Carrosse du Saint-Sacrement, créé sans succès le 13 mars 1850, et dès ses débuts de feuilletoniste il a milité pour la venue de Mérimée à la scène [13].

Il ne reste ensuite à Gautier que quelques lignes pour parler du troisième théâtre qu’il faudrait construire, « une petite scène mignonne et charmante, une salle en treillis d’or où grimperaient des fleurs, pour y installer la commedia dell’arte », y jouer « des pièces dans le genre fiabesque où excellait Carlo Gozzi [14], et des féeries littéraires aiguisées de fines satires, en prose et en vers, capables de charmer les yeux et l’esprit ». La conclusion du feuilletoniste-poète concentre en quelques mots son idéal : « Ce serait quelque chose comme le théâtre de La Fête chez Thérèse : Watteau fournirait le vestiaire et les décors ; Ariel et Puck écriraient le canevas sous la dictée de la reine Mab [15]. »

Cela, c’est ce que voudrait Gautier. Mais, depuis qu’il rédige son feuilleton théâtral, il est le premier à savoir que ce n’est pas cela, sauf exceptions, qu’il voit sur les scènes parisiennes. Il est donc instructif de confronter au feuilleton prospectif de décembre 1863 la réalité de l’année 1864, celle du changement de régime des théâtres. Au moment du bicentenaire de la naissance de Gautier, j’ai consacré une étude à cette année du feuilleton dans un cadre différent, celui des rapports de l’écrivain, dans tous les aspects de son œuvre, avec le second Empire [16]. Je reprends ici certaines données de cet article, mais en les réorientant dans le sens qui nous intéresse, celui d’une confrontation décevante à bien des égards entre le rêve poétique et la réalité – cette réalité théâtrale que, depuis plusieurs années déjà, commente aussi Francisque Sarcey.

Disons encore, avant d’entrer un peu dans le détail, que 1864 n’est pas seulement l’année de la fin des privilèges, mais aussi celle où, après une décennie de privation, Gautier peut parler à nouveau musique, retourner aux Italiens, à l’Opéra : en juin, le poste de chroniqueur occupé au Moniteur par Pier Angelo Fiorentino sous le pseudonyme d’A. de Rovray est libéré par sa mort [17], et nous sentons le bonheur du critique à voir son horizon de spectateur retrouver l’étendue qui était la sienne dans les années 1830 et 1840 – même si par ailleurs, le ton général du feuilleton est désormais celui d’un homme las, enclin à marcher dans ses propres ornières et à parler de reprises plus que de créations.

Sur les quarante-six feuilletons de Gautier que compte l’année 1864, dix-neuf, en effet, sont voués à des reprises : sept en entier, douze partiellement. Toutefois ces chiffres incluent la Comédie-Française, dont la reprise est une tâche statutaire. La représentation des classiques y attire Gautier pour trois raisons : rareté des œuvres, qualité des interprètes, soin de la mise en scène. Au nombre des pièces peu jouées il retient Héraclius et Psyché, repris pour l’anniversaire de Corneille – en remplaçant l’analyse de l’implexe Héraclius par l’« Examen » de Corneille lui-même (13 juin) ; La Comtesse d’Escarbagnas et Mélicerte, qui ont droit à sept colonnes sur douze (4 juillet) ; ou encore La Thébaïde (27 décembre). Parmi les acteurs qu’il aime figurent Coquelin, dans Les Fourberies de Scapin, et surtout Victoria Lafontaine, en Agnès de L’École des femmes, tous deux dans le feuilleton du 8 août, huit colonnes pour elle, une pour lui ; et la jeune actrice est à nouveau louée pour sa Rosine du Barbier, le 19 décembre. Enfin la mention du soin apporté à la reprise d’un classique trouve un bel exemple dans le feuilleton du 11 juillet, largement consacré à Esther, pièce atypique et délaissée dont le lyrisme touche en Gautier le poète, même si la musique nouvelle écrite par Cohen pour les chœurs lui paraît fade.

La Comédie-Française reprend aussi des pièces récentes. Gautier avait assassiné Le Verre d’eau de Scribe lors de sa création [18] : il se borne, le 5 janvier, à signaler brièvement son retour. Le 9 mai il salue l’entrée au répertoire du Gendre de M. Poirier de Labiche, créé au Gymnase le 8 avril 1854, en faisant observer que ces personnages du temps de Louis-Philippe, revus en 1864, « prennent déjà, par certains côtés, une nuance historique, ce qui ne diminue en rien l’intérêt qu’ils inspirent ». Et la reprise d’Il ne faut jurer de rien (créé le 22 juin 1848) offre une occasion de plus à Gautier de saluer un poète qui, comme lui-même, « rêvait son spectacle idéal » (29 février). Quant aux créations, elles sont en petit nombre : Moi de Labiche (feuilleton du 28-29 mars), La Volonté, comédie de Jean du Boys (5 septembre [19]), Maître Guérin d’Augier, auteur que Gautier aime et soutient depuis ses débuts (neuf colonnes sur douze le 7 novembre).

Dans d’autres salles, Gautier privilégie les reprises de pièces qui lui ont plu en leur temps. Le 18 janvier il ne donne qu’une colonne à l’entrée au répertoire du Châtelet du Naufrage de la « Méduse », drame de Desnoyer créé à l’Ambigu le 27 avril 1839 [20] ; il est plus généreux, le 19 septembre, pour une féerie de Dennery et Clairville, Les Sept Châteaux du diable, créée à la Gaîté le 9 août 1844 [21] et reprise, aussi, au Châtelet. Et surtout, au printemps, deux feuilletons entiers sont consacrés à des reprises : celui du 23 mai, à propos de Paris la nuit, de Dupeuty et Cormon, créé le 28 juin 1842 à l’Ambigu et repris à la Gaîté, brode sur le thème du titre, mais parle brièvement de ce drame, analysé en son temps [22] ; le feuilleton du 30 mai, en revanche, permet à Gautier de s’attarder sur une œuvre spectaculaire dont il n’avait pu rendre compte à sa création puisqu’il n’était pas encore feuilletoniste : La Nonne sanglante, d’Anicet-Bourgeois et Cornu, créée Porte Saint-Martin le 17 février 1835, et remontée dans la même salle [23]. Gautier, peut-être à cause de la circonstance (une pièce romantique dont il n’a jamais parlé), n’en vient pas tout de suite à l’analyse ; un préambule de deux colonnes, consacré à contextualiser l’œuvre (en quoi était-elle possible en 1835 ?), est lui-même précédé par une entrée en matière personnelle qui rend sensible le bonheur du feuilletoniste :

Est-ce donc vrai qu’il n’y ait dans les cartons aucun drame digne d’être représenté, qu’on va chercher sous la poussière de l’oubli les vieilles pièces de 1835 ? Nous sommes loin de nous en plaindre pour notre part, car, en notre qualité d’ancienne crinière romantique, nous aimons ces grandes machines plus compliquées que des charpentes de beffroi, plus mystérieuses que des romans d’Anne Radecliffe [sic] où se promènent, une lampe à la main et un poignard au cœur, des personnages semblables à des spectres, qui jettent, lorsqu’ils se rencontrent au détour d’un corridor, des hurlements d’épouvante et de rage. Une noire eau-forte à la Piranèse, dont les ténèbres sont traversées de quelques rayons trahissant de lointaines profondeurs, des perspectives d’arcs surbaissés, des escaliers menant à des étages de caveaux, nous semblent préférables à ces grises photographies de la réalité que le théâtre actuel encadre dans son passe-partout.

Pour ce qui est du théâtre lyrique, c’est le 20 juin 1864 que, pour la première fois depuis neuf ans, Gautier parle d’opéra – et d’une reprise en l’occurrence, celle des Vêpres siciliennes de Verdi, dont la création à l’Opéra date du 13 juin 1855 ; il consacre à l’œuvre une colonne seulement, car ce feuilleton est ce qu’il appelle lui-même ailleurs une olla podrida [24], suite de rubriques brèves faisant le point sur un grand nombre de spectacles ou de « débuts » ; le même jour il donne deux colonnes à l’audition, au Théâtre-Lyrique, de la version française de Norma, qui lui plaît car elle lui permet de réécouter une musique dont le « pur souffle mélodique » sert la voix humaine, mais qui le déçoit dans la mesure où les chanteurs français convoqués croient chanter du Verdi, poussent leur voix, et abîment la « tendre pâleur » de Bellini [25]. Trois semaines plus tard, « pour saluer l’avènement de la liberté théâtrale » (11 juillet), Gautier retrouve cette Norma française à la Porte Saint-Martin, moins bien chantée, notamment par les hommes (« se taire sur leur compte est de la bienveillance »), moins bien montée, moins bien reçue par un public que ce genre « a paru intéresser faiblement » ; bref, pour le critique, un spectacle inutile, alors qu’il avait moins boudé la reprise, sur la même scène, du Barbier de Séville francisé jadis par Castil-Blaze, et moins dépaysé qu’on n’aurait pu le craindre « sous cette voûte retentissante encore des hurlements du drame [26] ».

Parmi les reprises lyriques du second semestre 1864 figure une autre version française, au Théâtre-Lyrique, le 27 octobre : Violetta, livret d’Édouard Duprez plaqué sur la partition de La Traviata. Gautier, qui a aimé, note que la Dame aux camélias est ainsi « revenue au berceau [de] sa langue maternelle [27] », comme déjà Norma « ne fai[sai]t que revenir à son origine », la tragédie de Soumet (feuilleton du 20 juin). Gautier parle aussi de deux opéras-comiques, Faust et Mireille, redonnés au Théâtre-Lyrique, lieu de leur création (19 septembre et 19 décembre) [28] ; du Moïse de Rossini (12 décembre) [29] ; et de trois Donizetti : Don Pasquale, jamais rechanté depuis sa création au Théâtre-Italien le 3 janvier 1843, L’Elisir d’amor et Linda di Chamouni [30]. Ce dernier opéra surtout donne à Gautier la matière d’une des jolies pages joyeuses que le beau chant sait susciter en lui : Adelina Patti, vingt et un ans, déjà connue et fêtée, se révèle ce soir-là ; l’« enfant espiègle et mutine », la « mignonne, rieuse et insouciante diva » mue soudain :

[…] nous avons assisté au plus charmant spectacle qu’il soit donné de voir : l’éclosion d’une âme ! Le papillon de lumière s’est posé sur le front de Psyché. Le bouton s’est épanoui en fleur ; l’enfant prodige est devenue sous les yeux, délicieuse métamorphose, une jeune fille rêveuse, émue, passionnée, dramatique, grande actrice en un mot. […] Le public […] a compris ce changement et senti que c’était là une soirée décisive. La petite enfant gâtée jetait sa poupée dans la coulisse, passait cantatrice accomplie [31] […].

Il faudrait faire une place à part à une artiste qui a fasciné son temps, et Gautier comme les autres : c’est l’actrice italienne Adelaide Ristori ; il l’avait déjà vue à la salle Ventadour en 1855 et 1857. Elle enthousiasme les habitués du Théâtre-Italien par le seul bel canto de son énonciation tragique et, parlant sans chanter, séduit les amateurs de roulades. En 1864 elle vient dire, au Théâtre-Lyrique cette fois, la traduction de deux tragédies françaises en italien, Médée du néo-classique Legouvé (1854) et Marie Stuart de Lebrun (1820) [32]. Le 4 juillet, il rappelle ses succès de la décennie précédente, confirme son pouvoir de fascination sur le public, et affiche sa propre admiration en disant que sa Médée « rappelle par l’énergie fiévreuse du mouvement et la fière beauté de la pose la célèbre Médée d’Eugène Delacroix » : compliment s’il en est !

Un dernier mot sur les reprises permet de revenir à la libération des théâtres. La réalité du changement ne fait pas de doute dans le domaine classique, puisque dès la levée du monopole institutionnel de la Comédie-Française se concurrencent deux Tartuffe. Gautier est plutôt pour :

Tartuffe est à la hausse. On l’a joué samedi chez Déjazet, on le jouera lundi à la Porte Saint-Martin. Pourquoi pas ? – Aujourd’hui, les chefs-d’œuvre sont à tout le monde. Une exécution même grotesque n’altère pas une comédie ou une tragédie. […] Tout ce bruit autour de l’idée est bon, dût-il tourner parfois en charivari. L’idée ne craint que le silence et l’oubli qu’il amène bien vite. (4 juillet)

La semaine suivante, ayant vu la version de la Porte Saint-Martin, il se dit séduit par le jeu de Dumaine ; il aime la manière dont « son masque ressemble à un visage et ne tombe qu’au dernier moment » ; juste avant l’entrée de l’exempt, quand Tartuffe croit triompher, il l’a trouvé magistral :

[…] lorsque toute feinte est devenue inutile, le scélérat, foulant aux pieds le domino de l’hypocrite, s’est redressé terrible, hideux, gonflé de haine et de venin, comme une reptile acculé dans un coin […]. Cet effet, où le comédien empruntait des ressources à l’acteur de mélodrame, est original et neuf.

Pour nous qui avons vu tant de Tartuffe poussés au noir, c’est moins nouveau, mais voilà fixé par le critique un instant d’histoire de l’interprétation. Hélas, Dumaine n’est entouré que « d’une manière à peu près suffisante », et « il vaut encore mieux voir Tartuffe à la Comédie-Française ». Cet « encore mieux » désabusé se prolonge dans ce que Gautier dit ensuite des Variétés, « dont [il] approuv[e] fort la sagesse » : elles « ont donné tout tranquillement, comme si le 1er juillet n’inaugurait pas une ère nouvelle, […] une petite bouffonnerie, sans prétention autre que de faire rire », autant dire un vaudeville. Au fond, le privilège avait du bon…

Il reste à parler des créations (hors Comédie-Française). Dans le domaine lyrique, sauf les versions françaises déjà signalées, elles sont rares ; peut-être est-ce pour compenser que Gautier consacre tout un feuilleton, le 7 octobre, à l’opéra de Mermet Roland à Roncevaux, dans lequel il voit un poème épique influencé par Wagner ; et en tant que membre des instances officielles, il se sent obligé de parler d’Ivanhoé, cantate de Victor Sieg qui a obtenu non seulement le prix de Rome, mais l’honneur d’une représentation à l’Opéra (feuilleton du 21 novembre).

Hors du lyrique, les créations dont Gautier choisit de parler sont de gros drames, plutôt que des comédies ou des vaudevilles. Les feuilletons des 8, 15 et 23 février sont consacrés en entier à La Maison du baigneur de Maquet (Gaîté), au Fils de Charles Quint de Victor Séjour (Ambigu), et à Faustine de Louis Bouilhet (Porte Saint-Martin) ; il s’agit d’analyses narratives traditionnelles, mais la recension du drame de Séjour se transforme, vers la fin, en un souvenir personnel de l’Escorial, avec ses cigognes, son « silence de mort », et « partout le fantôme de l’ennui traînant […] ses sandales de plomb ». Longues analyses encore du Marquis de Villemer de Sand (Odéon) le 7 mars, de L’Ami des femmes de Dumas fils (Gymnase) le 14, du Capitaine Fantôme d’Anicet-Bourgeois et Féval (Porte Saint-Martin) le 4 avril, des Mohicans de Paris de Dumas père (Gaîté) et de Rocambole d’Anicet-Bourgeois, Ponson du Terrail et Blum (Ambigu) le 29 août, et d’autres encore.

Mais on est frappé de voir à quel point, face à ces « nouveautés », Gautier dérive souvent vers autre chose. Depuis les origines il aime à rappeler que le théâtre est d’abord visuel ; très tôt aussi, il acquiert et développe des stratégies répétitives, souvent par paresse ou par fatigue ; tout cela s’observe lorsqu’on parcourt l’an 1864 du feuilleton, avec en prime le poids croissant de l’âge, qui entraîne à se tourner de préférence vers le passé, comme nous le voyions déjà avec la priorité donnée aux reprises sur les créations.

Parlons d’abord de la préférence de Gautier pour les « spectacles purement oculaires [33] ». En 1864 comme depuis toujours, il aime les forains : jongleurs chinois au Cirque (18 janvier), le trapéziste Léotard (16 mai) – jusqu’à leur donner l’exclusivité : le feuilleton entier du 2 mai compare les représentations de L’Écuyer quadrumane, assurées au Cirque de l’Impératrice par un vrai singe dressé, et, aux Folies-Dramatiques, celles de Jocko ou le Singe du Brésil, drame-pantomime de Lurieu et Rochefort créé à la Porte Saint-Martin le 16 mars 1825, joué plus de deux cents fois et déjà plusieurs fois repris. Ratel, l’acteur acrobate en charge du rôle pathétique du singe en 1864, semble à Gautier inférieur à la légende de Mazurier, le créateur du rôle, et assurément tous deux le cèdent au vrai singe, comme fascination. Même si l’on quitte le cirque ou ce qui s’en rapproche, on constate que la vue l’emporte sur les autres sens dans plus d’un compte rendu ; c’est ainsi que je lis trois feuilletons consacrés, le 18 juillet, au ballet Néméa, argument de Meilhac et Halévy, musique de Minkus, chorégraphie de Saint-Léon (Opéra) ; le 1er août, à Don Quichotte, féerie de Sardou (Gymnase) ; et le 30 septembre, au Vaudeville, à une pièce fantastique de George Sand et Paul Meurice Le Drac [34], qui lui donne en outre le plaisir d’évoquer sa visite à Nohant.

Ce qui frappe ensuite dans le feuilleton de 1864, ce sont divers comportements de l’ordre ou de l’apparence de la répétition. Il s’agit une fois au moins d’une répétition pure et simple ; le 5 janvier, jour où Gautier signale avec dédain la reprise du Verre d’eau, ce qui le retient surtout, c’est l’ouverture au public du nouveau foyer et des nouveaux escaliers de la Comédie-Française, à la description desquels il consacre trois colonnes et demie. Deux mois plus tard, de retour rue de Richelieu pour écouter Voltaire au foyer, à-propos d’Amédée Rolland sur l’installation du Voltaire de Houdon au foyer du théâtre (en remplacement de Molière, ce qui fait jaser), il donne tout son feuilleton du 21 mars à l’analyse de cette œuvrette… complétée par la reprise textuelle de la description du 5 janvier, ce qui ne peut être une inadvertance.

La « répétition » est de nature différente, et les dates sont plus éloignées, dans le compte que Gautier rend, le 28 novembre, d’une reprise de Don Giovanni au Théâtre-Italien. Des quatre colonnes qu’il lui accorde, plus de deux se passent à dire en quoi et pourquoi l’opéra de Mozart, comme l’a compris Hoffmann, est une œuvre nouvelle : « Le type de don Juan a été une des plus grandes préoccupations de la critique, qui y a vu des choses que ne soupçonnaient certes ni Tirso de Molina, ni Molière. » L’ancien don Juan est un athée sadique, et « la méchanceté, chez lui, domine la sensualité ». La musique de Mozart « attendrit, idéalise, transfigure » le scélérat, qui devient capable de « volupté heureuse », et qui pourtant, comme le dit ensuite le Musset de Namouna, reste « inassouvi ». Qu’après cela l’exécution d’un tel chef-d’œuvre « laisse toujours à désirer », tant pis : il y a Adelina Patti en Zerline. Eh bien ces lignes, Gautier les avait déjà écrites autrement, selon un autre axe, lorsque le 18 janvier 1847 il avait commenté l’entrée du vrai Dom Juan en prose au répertoire de la Comédie-Française (qui, depuis sa création, n’avait jamais joué que Le Festin de pierre de Thomas Corneille) ; c’était certes Molière qui occupait le centre, non Mozart, mais l’évolution du personnage, du libertin jusqu’à l’angoissé romantique, tout y était, y compris l’hommage à Mozart et l’hommage à Musset. Et en même temps, quand on fait l’opération mentale, après les avoir relus, de placer les deux textes intégraux face à face, on voit bien que dire que Gautier se « répète » est… simplificateur.

Et même, se répète-t-il ? oui, ponctuellement ; mais souvent, l’impression de déjà vu n’est que thématique ; pour aucune des pièces dont il a déjà parlé, Gautier ne reprend en 1864 son article d’origine, comme cela lui arrive dans d’autres feuilletons des dernières années ; il s’agit plutôt de manières d’écrire, de développements de remplissage qui permettent de gagner une colonne ; un joli exemple en est donné par l’ouverture du feuilleton du 25 avril :

Si nous commencions notre article par quelques variations sur l’air du printemps ? – Cela est bien usé sans doute ; mais un pauvre diable de critique est-il, en conscience, obligé d’être plus neuf que la nature, qui, depuis un temps immémorial, recommence avec un aplomb superbe ses quatre feuilletons de l’année ? Eh quoi ! parce que nous sommes payé pour rendre des comptes des choses de théâtre, n’avons-nous plus le droit de regarder le spectacle du monde ?

Et d’énumérer « la première hirondelle », « les feuilles naissantes », les « petits cancans » des « moineaux querelleurs », bref tout ce qui ne donne pas envie d’aller au Gymnase, même pour Labiche. Nous avons lu cela vingt fois, surtout dans les années anciennes du feuilleton, et par exemple le 28 mai 1838, également en ouverture :

Ce serait bien ici la place du feuilleton champêtre que tout critique se permet au retour du beau temps. Par la croisée ouverte, nous voyons devant nous un carré de ciel d’un bleu printanier où flottent deux petits nuages blonds et floconneux cardés par une brise tranquille et tiède ; les arbres du jardin balancent gaiement leurs dentelures de feuillage [35] [etc.].

Ces détours et retards ne sont pas une simple ruse d’auteur paresseux ; bien au contraire, Gautier y laisse fleurir une poésie trop rare sous le lustre. J’aime à le croire, en tout cas, pour le feuilleton du 25 avril 1864, qui se clôt, au sortir du Gymnase, sur une évocation du clair de lune faisant clairement écho à l’incipit : « La nature aussi donnait son spectacle que personne ne regardait, car il n’est pas besoin pour le voir de louer des loges et des stalles […]. »

Un aspect particulier de l’art de ne pas parler de ce dont on est censé parler mérite, pour 1864, un regard : c’est carrément l’esquive, en lieu et place de compte rendu. La façon de faire est variable. Le 15 août, après avoir parlé de La Liberté des théâtres, « salmigondis en quatorze tableaux [36] » des Variétés, où les frères Cogniard et Clairville auraient pu, selon lui, dire des choses plus drôles sur la disparition des privilèges, Gautier se donne le plaisir de parler durant les deux autres tiers de Mademoiselle Cléopâtre, le dernier roman de son ami Arsène Houssaye. Le 28 mars, il avait procédé autrement : arguant comme il l’a souvent fait (et comme c’est en effet souvent vrai) de la simultanéité de plusieurs pièces données le même soir, il n’en choisit qu’une, La Jeunesse du roi Henri, drame de Ponson du Terrail, « quitte à parler des autres dans [son] prochain feuilleton » ; mais le 4 avril, il ne parle encore que d’une seule des trois pièces qui restent (c’est Le Capitaine Fantôme déjà mentionné) : les deux dernières passent à la trappe. Troisième cas enfin, beaucoup plus savoureux, le 21 novembre. Ce feuilleton, selon l’usage, commence par afficher son sommaire : la cantate de Sieg, à l’Opéra ; L’Elisir d’amore, aux Italiens ; et L’Ouvrière de Londres, d’Hostein, à l’Ambigu. La cantate occupe une colonne et demie, l’opéra de Donizetti une demie ; les quatre colonnes restantes vont à Hostein. Son drame est tiré d’un roman de miss Braddon, traduit en français sous le titre Les Réprouvés, et publié dans le Journal pour tous, dont « les numéros [sont] là rangés bien en ordre sur notre table ». Une colonne sur le roman anglais en général amène Gautier à avouer qu’au lieu de lire « ce tas énorme », il a lu Taine – sur la littérature anglaise, il est vrai ; mais enfin il n’a pas lu miss Braddon. « Mais puisque nous avons entamé notre confession, il faut la faire complète. Si nous n’avons pas lu le roman, en revanche [sic] nous n’avons pas vu la pièce, nous en demandons bien pardon à M. Hostein. » Il reste plus de deux colonnes à remplir et Gautier les remplit, avec une aisance de plume dont l’esprit de fausse contrition me ravit, en racontant pourquoi il n’a pas vu L’Ouvrière de Londres : lors de la création de ce drame, le vendredi précédent 11 novembre, il était au Vaudeville pour voir celle de La Jeunesse de Mirabeau, de son ami Langlé ; il en est rentré « fort tard », et donc le samedi « il n’était pas sage d’aller au théâtre », car « il fallait bien garder un peu de fraîcheur pour parler des amours de Sophie […] et du futur grand tribun [37] ». Sont venus ensuite le dimanche, jour sacré de la « correction des épreuves » ; le lundi, « instant de trêve » légitime du travailleur ; le mardi soir, pour l’apprécier aux lumières, il est allé voir l’exposition Delacroix boulevard des Italiens, ce qui « ne mène pas à l’Ambigu-Comique ». Le mercredi, il pleuvait, le rhume guettait, et il fallait s’en guérir avant d’accueillir chez soi, le jeudi, le cercle habituel des amis amateurs « de littérature et de musique ». Enfin le vendredi 18, impossible d’aller voir L’Ouvrière de Londres, on donnait à l’Opéra la cantate de Victor Sieg, « et nous avons l’honneur de faire partie du conseil supérieur d’enseignement pour les beaux-arts » : il fallait y être ; « mais samedi, nous fûmes véritablement criminel » : un dîner d’amis, « arrangé depuis longtemps », a occupé « le dernier jour où il fût possible de voir le drame de M. Hostein ». Les analyses des journaux concurrents sont confuses, et l’ami qui s’était offert à raconter la pièce, étant d’abord allé au concert écouter Pasdeloup dans Schumann, est arrivé alors qu’il n’y avait plus que dix lignes libres sur le dernier feuillet ; elles seront consacrées à son avis, selon lequel la pièce « est bien posée, bien conduite, intéressante au plus degré »… « et nous n’avons pas de peine à le croire ». Signé : Théophile Gautier. Superbe, non ?

Il serait malaisé de conclure : je n’ai même pas abordé tous les aspects envisageables de cette année 1864. Je voudrais clore le propos sur un autre thème : celui de la vieillesse. Gautier n’a que cinquante-trois ans, mais nous le savons las. S’il se retourne si volontiers vers les pièces de sa jeunesse et vers les souvenirs, n’est-ce pas parce qu’il sent le poids de l’âge, et de cette santé désormais mauvaise ? Deux des feuilletons de 1864 le feraient croire.

Un mot d’abord sur un drame d’Ernest Plouvier créé à l’Ambigu, Le Comte de Saulles. La moitié du feuilleton du 11 avril est, sans surprise, consacrée à l’analyse de l’intrigue. Puis viennent, concernant l’acteur principal, deux colonnes dont voici le tuf :

Ce que nous n’avons pas dit pour ne pas interrompre notre analyse, c’est que le rôle de M. le comte de Saulles est joué par Frédérick, […] le Frédérick de Lucrèce Borgia, de Ruy Blas, du Joueur [38], de Don César de Bazan, de Kean […] ; Frédérick, le plus sublime comédien des temps modernes, à la fois terrible et bouffon, nature shakespearienne, réunissant tous les contrastes, capable de porter tour à tour la pourpre et le haillon, l’épée et la marotte […]. – Nous autres qui commençons à vieillir, nous l’avons vu jeune, flamboyant et superbe, remuant la scène d’un seul geste, d’un froncement de sourcil, soulevant toute la foule avec une parole […]. Qu’il était merveilleux surtout lorsqu’il avait pour partenaire, en quelque scène de fascination, de terreur ou d’amour, cette admirable Dorval, qu’on ne remplacera pas plus qu’on ne remplacera Frédérick.
Ils étaient les acteurs d’une époque passionnée jusqu’au délire, et ils ont suffi à tout ce mouvement, à toute cette fièvre, à toute cette flamme. Dorval en est tombée en cendres [39], mais Frédérick persiste toujours, et quand il entre dans un drame, voilà que ce drame se met à vivre, à palpiter, à pleurer et à faire pleurer. Un orage y gronde avec éclair et tonnerres. C’est Frédérick qui passe : des mots s’illuminent soudain, des trouées éblouissantes pénètrent jusqu’au fond de l’âme ; tout le cœur se découvre et se révèle dans un soupir, dans une inflexion de voix, dans un geste brusque et découragé. […] Maintenant on vous dira peut-être que Frédérick a vieilli ; […] n’en croyez rien : le fourreau est peut-être usé, mais la lame brille toujours étincelante et pure, et le Frédérick d’autrefois revient à travers le Frédérick d’aujourd’hui, toujours ardent, toujours jeune, toujours reconnaissable.

La tension émotionnelle qui parcourt ce texte est sensible ; ce Frédérick sexagénaire parle du temps qui passe au cadet qui l’admire – et que Dorval, trop tôt partie, lui soit associée dans l’éloge de Gautier ne dit que mieux la nature du regard qu’il porte vers sa propre jeunesse.

Des indices plus personnels encore affleurent dans le feuilleton du 6 juin. Il y est question d’une plate comédie d’Alphonse Delaunay créée à la Comédie-Française : un colonel « au teint bronzé par les soleils d’Afrique, de Crimée et d’Italie [mais] dont les teintes grises décolorent les cheveux vers les tempes » s’est épris d’une jeunesse « dont il serait aisément le père », et se tue plutôt que de faire son malheur. Le titre de l’œuvre, Adieu, paniers !, paraît au feuilletoniste aussi « triste et mélancolique » que son complément familier, vendanges sont faites, qui lui inspire une rêverie d’autant plus remarquable que, par exception, il y abandonne son fameux « nous » au profit non pas du « je », sans doute indécent, mais d’un pudique « on » :

[…] on entend la jeunesse s’éloigner avec des cris joyeux, des rires et des baisers, emportant les corbeilles pleines, et vous laisser là tout seul, n’ayant au bras qu’un panier vide. « Trop tard ! » est un mot que vous jettent volontiers au nez la fortune, l’occasion et la femme lorsqu’on ne les a pas saisies au bon moment. […] Ceux qui ont dépassé de quelques bordées le cap dangereux de la cinquantaine se font de ces illusions, quelque raisonnables qu’ils soient sous les autres rapports. Il est bien difficile de s’avouer qu’on n’est plus fait pour être aimé. Y a-t-il un jour fixé pour cela, une date fatale et précise ? Si vous avez quelque doute sur ce point délicat, interrogez La Bruyère, il vous répondra : « Consultez les yeux d’une jeune femme, vous y lirez votre arrêt [40]. »

Coquetterie ? espoir de se faire démentir ? non : le 19 décembre, Gautier prend à nouveau prétexte du titre d’une comédie pour varier le même thème ; cette fois, c’est Le Cheveu blanc, d’Octave Feuillet, créé au Gymnase le 16 mars 1860, et qui entre au répertoire de la Comédie-Française : dans cette pièce, originale en cela, l’épouse ne détecte pas son premier cheveu blanc à elle, mais celui de son mari. Jusqu’à cette « grave et triste » découverte, c’était la jeunesse. « Rien ne vous distinguait des gens moins âgés […] qu’une vigueur un peu plus enveloppée d’embonpoint. » Mais ce « cheveu pâle, brin du fuseau de la Parque », c’est « le premier fil de votre linceul, un lilas blanc de cimetière, le flocon de neige avant-coureur de l’hiver, l’argent dont on brodera votre drap funèbre ». Le retour de ce « vous » de connivence me fait dire qu’ici encore, la confidence n’est pas impersonnelle.

À cette date, Sarcey n’est pas encore quadragénaire, et ces soucis ne sont pas les siens, je suppose. J’ai simplement voulu montrer comment, chez son aîné, se croisent le rêve et la réalité du théâtre, tous deux perçus à travers le temps qui passe. Le Gautier feuilletoniste de 1864 est à la tâche pour la vingt-huitième saison ; il est toujours celui qu’émerveille le théâtre, et qui voit en lui « le lieu attrayant de la civilisation moderne », le lieu « où l’esprit oublie les tristesses de l’existence, où le corps se repose de ses fatigues » ; « un centre étincelant et joyeux », « monde magique qu’animent les créations des poètes », bref un univers propre à « vous disposer à la vie idéale [41] ». Mais comme la vie, la vraie, « n’est qu’un désastre perpétuel [42] », aller au théâtre ne peut être au mieux qu’une compensation fantasmatique.

Notes

[1Voir les « Notes de la semaine » des Annales politiques et littéraires du 4 janvier 1885, évoquées par Spoelberch de Lovenjoul dans son Histoire des œuvres de Théophile Gautier, Paris, Charpentier, 1887, et Genève, Slatkine Reprints, 1968, t. II, p. 503.

[2Léon Rubio, à l’époque, va jusqu’à parler d’un « grotesque feuilleton » (La Renaissance littéraire et artistique, 2 novembre 1872, p. 217).

[3Je fais ici écho à une de ses interventions orales au cours de notre journée d’études.

[4Théophile Gautier, Critique théâtrale, édition critique dirigée par Patrick Berthier dans le cadre de la publication des Œuvres complètes supervisée par Alain Montandon ; cinq volumes ont été publiés de 2007 à 2014, couvrant les années 1835 à 1845, le tome VI (1846-juin 1847) est sous presse.

[5On doit donc pour le moment recourir au microfilm très médiocre, souvent à la limite de la lisibilité, de la BnF, car le Moniteur n’est pas numérisé pour cette période. On peut aussi, hors BnF naturellement, consulter ce journal en édition papier ; la collection conservée à la Bibliothèque de l’Institut, notamment, est dans un état remarquable.

[6On peut lire ce feuilleton dans une anthologie annotée d’articles de Gautier que j’ai récemment publiée (Gautier journaliste, Paris, Flammarion, coll. « GF », 2011, p. 318-323 pour le passage dont je vais parler ; je réutiliserai ici une partie de mon annotation).

[7Je me permets de renvoyer, pour une mise au point récente sur le sujet, à l’analyse que je viens de faire de ces décrets dans mon ouvrage Le Théâtre en France de 1791 à 1828, Paris, Champion, 2014, p. 221-229.

[8Préface d’Un grand homme de province à Paris (1839), deuxième partie d’Illusions perdues, dans La Comédie humaine, sous la direction de Pierre-Georges Castex, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », t. V, 1977, p. 113.

[9Voir Gautier, Critique théâtrale, op. cit., t. I, 2007, p. 737-742. François Brunet a tout à fait raison de voir dans ces pages un « credo dramatique » (p. 737, n. 2).

[10Auteur du Chariot d’enfant, drame sanskrit adapté par Nerval et Méry en 1850. Le Moniteur imprime par ailleurs « Kachyle », coquille que je corrige ici, faute de l’avoir fait en 2011 (voir Gautier journaliste, op. cit., p. 319).

[11Goethe avait écrit Der Gott und die Bajadere, Indische Legende (1797), d’où Scribe avait tiré le livret de l’opéra-ballet d’Auber Le Dieu et la Bayadère (Opéra, 13 octobre 1830), qui tirait son pouvoir de séduction d’un rôle dansé créé par Marie Taglioni. Gautier avait pu voir aussi, en 1838, les bayadères venues se produire aux Variétés, et leur avait consacré deux feuilletons enthousiastes (La Presse des 20 et 27 août 1838, Critique théâtrale, op. cit., t. I, p. 587-603). Le drame de Kalidasa est un autre chef-d’œuvre médiéval indien, dont Gautier avait tiré plus récemment l’argument de son ballet Sacountala (Opéra, 14 juillet 1858).

[12Cette tragédie longtemps contestée est de 1608-1609.

[13Voir, pour le Carrosse, les feuilletons de La Presse des 11 et 18 mars 1850, et pour une vue générale de la haute estime dans laquelle Gautier tient Mérimée dramaturge, mon article « Gautier feuilletoniste de théâtre face à Mérimée », dans Cahiers Mérimée, no 2, [juillet] 2010, p. 117-130.

[14L’adjectif « fiabesque » (de l’italien fiaba, fable) sert à qualifier un genre de comédie féerique opposé au réalisme de Goldoni, et dont Carlo Gozzi (1720-1806) est le représentant privilégié ; il est notamment l’auteur de L’Amour des trois oranges et de Turandot, qui inspirèrent Prokofiev et Puccini.

[15Ariel, de La Tempête, Puck, le lutin du Songe d’une nuit d’été, et Mab, reine des songes évoquée par Mercutio dans Roméo et Juliette, s’unissent dans l’imagination de Gautier à Watteau, dont le poème de Victor Hugo « La fête chez Thérèse » rappelle en effet la touche galante (Les Contemplations, I, xxii).

[16Voir « Une lecture du feuilleton théâtral de 1864 », dans Théophile Gautier et le second Empire, sous la direction d’Anne Geisler-Szmulewicz et Martine Lavaud, Lucie Éditions, [mai] 2013, p. 129-141.

[17À La Presse Gautier rendait compte des spectacles lyriques et chorégraphiques, et aussi d’une partie des nombreux concerts de la saison hivernale, mais lors de son arrivée au Moniteur il avait dû se priver de cette partie de son activité critique car Fiorentino, son aîné de cinq ans, occupait la place et jouissait d’un grand renom.

[18Voir le feuilleton du 23 novembre 1840, Critique théâtrale, op. cit., t. II, 2008, p. 685-695.

[19Gautier consacre sept colonnes sur douze à cette œuvre tombée dans l’oubli, et dix lignes seulement à la reprise de son propre Pierrot posthume au Vaudeville (« Les liens de famille qui nous rattachent à Pierrot posthume ne nous permettent pas d’en parler avec grands détails »).

[20Il en avait rendu compte le 6 mai (Critique théâtrale, op. cit., t. II, p. 154-157).

[21Compte rendu de Gautier le 12 août (ibid., t. IV, 2012, p. 907-909).

[22Compte rendu le 13 juillet (ibid., t. III, 2010, p. 502-506).

[23J’ai étudié cette œuvre dans mon article « Un (mélo)drame exemplaire : La Nonne sanglante (1835) », dans Mélodrames et romans noirs, 1750-1890, sous la direction de Simone Bernard-Griffiths et Jean Sgard, Toulouse, Presses universitaires du Mirail, 2000, p. 365-379.

[24« Pot-pourri ». Cette expression culinaire espagnole sert notamment de titre au feuilleton de La Presse du 29 avril 1844 (voir Critique théâtrale, t. IV, p. 726 et n. 1).

[25Cette version française de Norma, due à Étienne Monnier, avait été créée à La Haye en 1839, donnée à Nîmes en 1840, Lyon en décembre 1841, à Metz, Strasbourg, Nancy, à Bruxelles le 18 mars 1842, mais n’avait, semble-t-il, encore jamais été chantée à Paris.

[26Feuilleton du 4 juillet. Cette mise en opéra-comique (donc avec du texte parlé au lieu de récitatifs) du Barbiere di Siviglia rossinien créé à Rome en février 1816, avait été « essayée » à Lyon le 19 septembre 1821 avant d’être donnée à l’Odéon le 6 mai 1824.

[27Feuilleton du 31 octobre (je restitue la préposition, qui manque dans le texte du Moniteur).

[28Ces œuvres de Gounod ont été créées toutes deux un 19 mars, 1859 pour Faust, 1864 pour Mireille.

[29Cette version en français du Mosè de 1818 avait, elle, été supervisée par Rossini lui-même, et créée à l’Opéra de Paris le 26 mars 1827.

[30Feuilletons des 12 septembre, 21 novembre et 27 décembre 1864. Gautier a loué Don Pasquale le 9 janvier 1843 (Critique théâtrale, t. IV, p. 21-24). L’Elisir, autre opéra-bouffe, n’a pas été créé à Paris mais à la Scala de Milan (12 mai 1832) ; Gautier a parlé de la création française le 21 janvier 1839 (ibid., t. II, p. 26-29). Linda, créé à Vienne le 19 mai 1842 et au Théâtre-Italien le 17 novembre, est commenté par Gautier le 23 novembre (ibid., t. III, p. 625-628).

[31En outre, pour le fidèle du feuilleton, l’opéra italien dont la reprise en 1864 est le plus passionnante, c’est Don Giovanni, dont je parle plus loin.

[32Dont Gautier avait commenté la reprise par Rachel (28 décembre 1840, voir Critique théâtrale, t. II, p. 714-719).

[33Expression employée le 8 novembre 1841 à propos du Cirque-Olympique (Critique théâtrale, t. III, p. 256), et placée par Olivier Bara en sous-titre du numéro d’Orages qu’il a dirigé (Boulevard du Crime : le temps des spectacles oculaires, Orages, no 4, mars 2005).

[34Il ne s’agit pas de la rivière iséroise mais d’une légende provençale.

[35Critique théâtrale, t. I, p. 500. Cf. mon article « Théophile Gautier paysagiste… de théâtre », dans Art de lire, art de vivre, sous la direction de Myriam Watthée-Delmotte, volume de mélanges offerts à Georges Jacques, Paris, L’Harmattan, 2008, p. 9-21.

[36Sic, création le 10 août.

[37Presque tout le feuilleton du 14 novembre est en effet consacré à cette pièce.

[38Trente ans ou la Vie d’un joueur, le drame de Ducange (1827).

[39Marie Dorval est morte en 1849, à cinquante et un ans. Voir son éloge nécrologique par Gautier dans La Presse du 28-29 mai 1849 (Critique théâtrale, t. VIII, à paraître).

[40Gautier cite de mémoire et inexactement ; La Bruyère écrit : « Un homme qui serait en peine de connaître s’il change, s’il commence à vieillir, peut consulter les yeux d’une jeune femme qu’il aborde, et le ton dont elle lui parle ; il apprendra ce qu’il craint de savoir » (Les Caractères, « Des femmes », § 64).

[41Ensemble de fragments empruntés au début du feuilleton du 21 mars.

[42Feuilleton du 19 décembre.


Pour citer l'article:

Patrick BERTHIER, « Théophile Gautier, prédécesseur et confrère de Sarcey » in Francisque Sarcey : un critique dramatique à contre-courant de l’histoire du théâtre ?, Actes de la journée d’étude organisée à l’Université de Rouen en janvier 2014, publiés par Marianne Bouchardon.
(c) Publications numériques du CÉRÉdI, "Actes de colloques et journées d'étude (ISSN 1775-4054)", n° 12, 2015.

URL: http://ceredi.labos.univ-rouen.fr/public/?theophile-gautier-predecesseur-et.html

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