Lorsqu’on évoque aujourd’hui les origines du grand mouvement de la « résurrection de l’art du XVIIIe siècle [1] » qui gagne l’ensemble de la société française, littérateurs et artistes, critiques et public, à partir des années 1830 et persiste jusqu’à la fin du Second Empire, c’est le nom des Goncourt qui vient immédiatement à l’esprit. Certes, leur Art du dix-huitième siècle reste l’un des jalons très importants du courant de la remise en valeur de l’esthétique picturale du temps de la Régence et de Louis XV. Pourtant, les Goncourt ne sont ni les seuls, ni les premiers qui se sont attachés à faire revivre la mémoire des peintres français du siècle précurseur discrédités par l’avènement du néo-classicisme de Davide et majoritairement estimés du mauvais goût par une première postérité. Quand en 1856 paraît dans L’Artiste leur premier article sur « La philosophie de Watteau », le processus de réappréciation est déjà entamé.
Selon Théophile Gautier, c’est à Arsène Houssaye qu’il incombe le rôle précurseur dans l’infléchissement du romantisme vers la redécouverte du XVIIIe siècle « tombé dans une espèce de défaveur [2] ». Houssaye lui-même n’hésite pas à se féliciter d’avoir « de bonne heure aimé le XVIIIe siècle [3] » et contribué à la réhabilitation de ses peintres méconnus au temps où « c’était hors de saison la découverte de ce monde perdu et retrouvé [4] ». On ne peut pas en effet lui refuser être l’un des premiers, chronologiquement du moins, à se lancer dans la publication d’études sur l’art du XVIIIe siècle lorsqu’en 1841, la Revue de Paris fait paraître sa monographie sur Greuze [5] et une autre sur Watteau et Lancret [6]. L’année suivante la Revue des Deux Mondes publie son article sur les Van Loo [7] et en 1843 sur « Boucher et la peinture sous Louis XV [8] ». Reproduits presque sans changement au sein des volumes [9], ces premiers textes accordent une large part à l’histoire de la vie des peintres et rappellent par là même la biographie « romancée » où la fiction l’emporte souvent sur les faits réels. L’anecdote galante et le dialogue y tiennent le lieu privilégié. L’étude de Houssaye se généralise un peu en 1844 avec trois articles sur « La Peinture au dix-huitième siècle » où il fait quasi entièrement l’économie du narré biographique. Cet aperçu général, « plutôt une légère esquisse qu’un tableau fini [10] », bien qu’il s’attarde essentiellement sur Watteau, Boucher et Greuze – les trois figures que Houssaye considère comme les plus représentatives du siècle –, aborde en abrégé un nombre plus large d’artistes. Enfin en 1860 paraît son Histoire de l’art français au dix-huitième siècle, volume qui, divisé en trois parties thématiques consacrées respectivement à la sculpture, la peinture et la musique, témoigne d’une ambition plus vaste. Quoiqu’on y retrouve les textes antérieurement publiés dans les revues, ils sont légèrement remaniés et complétés par d’autres études [11].
Malgré cette prolifération d’études, malgré l’affirmation de son goût précoce et prononcé pour le XVIIIe siècle qui ne se démentira guère au fil des années, le regard que Houssaye pose sur la peinture de ce temps n’est pas sans ambigüités. Loin d’être strictement enthousiaste et appréciatif, son discours oscille entre l’éloge et la réserve, la condescendance et le reproche, parfois dur, et relève de ce qu’on pourrait définir, en reprenant ses propres dires, un « blâme presque bienveillant [12] ».
Houssaye se garde bien de hisser la joliesse de l’art du XVIIIe siècle à la hauteur du beau absolu qui demeure, dans sa conception de la beauté dans l’art [13] une catégorie transcendante et immuable. Il établit une espèce de hiérarchie des arts où la peinture du temps de la Régence et de Louis XV est de biais reléguée au rang d’un art mineur, inférieur à « l’art sérieux » de l’école « grande et forte, qui puise sa vie dans les saintes inspirations de Dieu et de la nature », héritière de Poussin. Aux yeux du critique cette école profane, gracieuse et coquette
n’attend pas l’inspiration, […] se contente d’être jolie, de sourire, de charmer même aux dépens de la vérité et de la grandeur. Ce qu’elle cherche ce n’est pas la beauté pure et naïve où rayonne le divin sentiment : elle ne veut que séduire. […] [Elle] n’est que le mensonge de l’art [14].
Sans contester « le charme capricieux » des toiles de Watteau, Boucher ou Carle Van Loo, Houssaye ne peut pas s’empêcher de remarquer une certaine petitesse de leur art qu’il tente d’ailleurs de racheter par celle de l’époque. Il trouve leur grâce « un peu mondaine et un peu débraillée », leur « esprit trop petit maître [15] », leur art mignard, mais factice. C’est ainsi qu’il ne voit dans les toiles des Van Loo que « l’agonie de la grande peinture » qui relève pour lui de « la grandeur théâtrale [16] », dans celles de François Le Moine « la richesse plutôt que la grandeur et la magie plutôt que la beauté [17] ». À ses yeux, Deshays a « presque du génie » et Baudoin n’est qu’« un mauvais peintre plein de séduction » dont les miniatures à la gouache ne conviennent qu’au « boudoir de la petite-maîtresse, à la petite maison des roués [18] ». Une réserve similaire s’affiche vis-à-vis des « grivoiseries » de Fragonard aussi poétisées soient-elles « de son fin et lumineux pinceau [19] ».
Mais c’est la peinture de Boucher qui rencontre la désapprobation la plus prononcée de la part du critique. Presque aussi sévère à son égard que Diderot, qui ne l’aimait pas pour sa frivolité et son érotisme, Houssaye a beaucoup de mal à apprécier ce peintre qui représente d’après lui « le dernier mot du dévergondage et de la séduction [20] ». S’il vaut la peine d’une étude plus ou moins approfondie, s’il mérite une place dans l’histoire de la peinture française, c’est parce que le critique lui sait gré d’avoir été « le portrait le plus fidèle de son temps [21] », « une des plus saisissantes expressions de tout un siècle », l’emblème même de cette époque « folâtre, riant de tout, courant du caprice à la moquerie, s’enivrant de légers mensonges, remplaçant l’art par l’artifice, […] dédaignant la force pour la grâce, éblouissant les autres et lui-même par des couleurs factices [22] ».
L’article initial de 1843, tout comme ses reprises postérieures de 1844 et de 1860, ne réservent à Boucher que le titre d’« artiste de second ordre [23] », de « petit maître » et de « joli peintre [24] » qui « n’a jamais eu la ferveur d’un artiste sérieux [25] ». Truffé de telles étiquettes minoratives, le discours participe à donner une image péjorative de son art.
Non, cette peinture n’a pas une valeur absolue dans les annales de l’art ; c’est à peine un épisode d’un intérêt restreint, puisque c’est une dégénérescence. Entre deux époques sérieuses, cette frivole période s’efface. Le XVIIIe siècle est le fils prodigue et débraillé d’un art digne et grave. […] L’afféterie, le faux goût, ont tourmenté les types, l’esprit a gâté le naturel, et la beauté, cette loi éternelle de l’art, n’est plus désormais qu’un gracieux caprice [26].
Les tableaux de Boucher ne possèdent pas les qualités qui font la grande peinture parce qu’ils représentent l’irréalité flagrante. Selon Houssaye, ce peintre de Vénus et des amours joufflus, des nymphes et des naïades « passa toujours à côté de la nature [27] » : « à côté de la créature humaine telle que Dieu l’a faite » et « à côté du paysage tel qu’il s’épanouit au soleil [28] ». Dans ses réalisations tout est mensonge, artifice, simulacre. « Paysages d’opéra, figures d’opéra, sentiments d’opéra, voilà presque Boucher [29] », juge-t-il un peu durement le premier peintre du roi [30]. L’inspiration religieuse manque aussi à ce « menteur par excellence [31] », à cet « artiste sans foi [32] », profane et mythologique, dont le tempérament correspond d’ailleurs parfaitement à son siècle. Ainsi, les Saints de Boucher « n’iront jamais dans le paradis [33] », son Christ burlesque est drôlement théâtral et sa Descente de Croix fait penser aux descentes de la Courtille. Quasi antithèse du grand art par son incapacité à peindre d’après nature, par le peu de vérité et de noblesse de sa peinture, par le manque d’inspiration religieuse, aux yeux de Houssaye, Boucher est également dépourvu, en comparaison avec Watteau et Rubens, de « l’esprit étincelant du peintre des Fêtes galantes, [et de] la touche splendide du grand coloriste flamand [34] ».
En pointant les défauts qui font de Boucher un peintre de second ordre, Houssaye ne veut pas toutefois lui ôter le mérite « d’une certaine grâce coquette, d’une certaine magie de couleur, enfin d’un certain charme inconnu jusqu’à là [35] ». Le critique confesse que la grâce maniérée de son œuvre attire l’œil, qu’elle « amuse », « distrait » et « charme » le spectateur, l’« éblouit aux dépens de la raison, du goût et de l’art [36] ». Il est vrai que cet éblouissement devant les tableaux de Boucher s’avère passager, que ce « charme qui plaît de prime-abord », qui séduit de « première vue » est éphémère et s’éclipse quand on s’en éloigne. Il n’en est pas moins vrai cependant que « son individualité subsiste, on la regarde encore même qu’on ne l’accepte plus [37] ».
Ces réserves faites, Houssaye regrette toutefois de ne pas voir Boucher dans la Grande Galerie du Louvre, mais relégué dans une de ses salles « mal éclairée[s], celle du bord de l’eau [38] » où se trouvent exilés ses deux Amours pastorales. En manifestant à plusieurs reprises sa lassitude vis-à-vis de la peinture mythologique de Boucher, Houssaye se montre plus bienveillant pour ses idylles bucoliques qui mettent en scène des bergers et des bergères. C’est ainsi qu’il consacre une longue description à la pastorale intitulée le Panier fleuri qui illustre parfaitement, selon lui, « son esprit amoureux, sa grâce factice, son paysage qui soupire et qui sourit [39] ».
À la différence de Boucher, dont la peinture détournée de la nature s’oppose à l’esthétique de la vérité, un des grands principes de la conception du beau idéal, Watteau tout « enchanteur » qu’il était « a bien saisi le secret de la nature [40] ». Particulièrement sensible au charme magique de ses « jolis chefs-d’œuvre mignons », de ses « décamérons adorables [41] », Houssaye le proclame « le plus coquet et le plus doux, le plus fin et le plus souriant de tous les peintres du XVIIIe siècle [42] ». Les toiles de Lancret, « presque les contes de Grécourt en peinture, moins le trait licencieux [43] », sont également reconnues par le critique comme dignes d’intérêt. Pourtant, il n’est que « l’ombre » de Watteau, que son « écho [44] » certes bien moins poétique.
Peu audacieux dans ses jugements esthétiques de l’art de Watteau qui « franchement original, séduit et offense tour à tour », Houssaye remarque que son paysage « rappelle autant l’Opéra que la nature ». Hésitant, il est toutefois amené à reconnaître que l’harmonie de cette alliance de « la magie de l’art et celle de la vérité […] arrive à créer un poëme qui nous séduit et nous fait croire que le mensonge c’est la vérité [45] ». Cette conception toute moderne de la peinture de Watteau, appréhendée comme « la nature vue par la poésie », « par un prisme [46] », témoigne d’une précocité certaine du jugement. Elle connaîtra un formidable retentissement chez Gautier et les Goncourt qui n’hésiteront pas à leur tour à admirer dans les toiles du peintre des fêtes galantes « la nature vue à travers l’opéra [47] » et « l’hymen de la Nature et de l’Opéra [48] », signature poétique du style particulier, de l’originalité picturale incontestable.
À part ces quelques intuitions esthétiques au devenir incontestable, l’étude sur Watteau, admiré par Houssaye pour « la magie de la couleur » et « la grâce de l’esprit [49] », reste assez générale et tributaire de la vision héritée du siècle précurseur. Aucune description plus ou moins détaillée ne vient appuyer l’appréciation du mode d’expression, élégant et raffiné, de Watteau, fondée sur la contemplation des gravures [50]. Tout en faisant référence à l’œuvre des plus variés [51] de ce peintre de « la grâce et de la galanterie » qui « a deviné son siècle [52] » qui le résume le mieux, Houssaye cite à peine quelques-uns de ses tableaux dont L’Enchanteur, le Charme de la vie, l’Escarpolette, les Jeux de l’Amour [53] . Même le célèbre Pèlerinage à Cythère [54] n’est que hâtivement évoqué comme une « féérie » pleine « de feu, d’esprit, de grâce, mais surtout de charme, d’attrait, d’enchantement [55] ».
Quel que soit l’attrait qu’exerce sur Houssaye le « génie aimable [56] » de l’inventeur des fêtes galantes, il lui reproche d’être peintre de la surface. Selon Houssaye, le regard de Watteau « séduit par le trait et la couleur, n’est pas descendu jusqu’à l’âme » et ne sait pas deviner « une larme dévorée » « sous chaque sourire de Margot [57] ». Ses toiles, écrit-il, sont « la surface du XVIIIe siècle ; esprit, grâce, fantaisie, laisser-aller, coquetterie, fraicheur chiffonnée [58] ». Une autre critique injuste concerne le manque de « pensée [59] ». C’est par là que Watteau s’avère différent, sinon inférieur, à Poussin dont le « paysage rappelle Dieu par sa grandeur » et où la présence d’un tombeau en plein nature [60] exprime la brièveté de la vie et invite à une réflexion sur la fragilité éphémère du temps et du bonheur humain. Ce dernier reproche disparaît en 1860 lorsque la monographie « Watteau » est incluse, sous forme remaniée, dans l’Histoire de l’art français au dix-huitième siècle. Tout porte à croire que ces modifications sont motivées par les remarques de Théodore de Banville qui blâme Houssaye de ne pas reconnaître en Watteau un grand peintre et réclame pour l’artiste « contre les arrêts de l’écrivain [61] ».
Si « Watteau séduit les yeux et parle à l’imagination, Greuze séduit les yeux et parle au cœur [62] ». Cet artiste, qui tout en faisant partie du XVIIIe siècle se trouve si différent des peintres des fêtes galantes, est peut-être le plus apprécié par Houssaye. L’art de ce « poète du coin du feu » qui « savait trouver merveilleusement l’expression des passions bourgeoises, le sentiment et la fraicheur de la famille [63] » semble répondre le mieux à son goût esthétique personnel à tel point qu’il lui consacre un sonnet. Houssaye poète confesse aimer « mieux l’idéal de sa Cruche cassée / Qu’un chaudron de Chardin, chef-d’œuvre sans pensée [64] ». Non qu’il conteste « la candeur chiffonnée [65] » des peintures de Greuze, « les airs de la volupté » qui réveillent dans le spectateur « un sentiment plus profane qu’austère [66] ». Il admet que la Cruche cassée unit « le sourire de la candeur au regard de la volupté [67] » et que la « pudeur » et le « repentir » de la Sainte Marie égyptienne sont teintés de cette même volupté. Et pourtant, la « parure des larmes » des toiles mélodramatiques de Greuze en fait, aux yeux du critique, le quasi sauveur de la peinture française du XVIIIe siècle, et agrée à Houssaye mieux que les « jolis dévergondages de l’art » de Watteau, Boucher, Fragonard, Baudoin, Lancret, « ce clinquant vieilli qui déshonorait la peinture [68] ».
Houssaye n’hésite pas à louer les qualités plastiques, picturales de sa peinture, même si ses éloges ne vont pas sans restriction. Tout en blâmant l’artiste pour sa « négligence du dessin », le critique se montre satisfait de sa couleur, qui sans être « solide », « ne pèche guère çà et là que par trop de blanc et de rose » et flatte sa composition qui plaît à l’œil par « l’agencement pittoresque des figures [69] ». Cette bienveillance ne l’empêche pas toutefois de remarquer le manque de « simplicité » remplacée chez Greuze par le « goût pour la manière [70] » et le caractère théâtral des gestes et des attitudes de ses personnages-« acteurs » qui « ont beau prendre des airs naturels, ils posent toujours un peu [71] ». Quoique, selon Houssaye, les figures de Greuze ne sont pas plus vraies que celles de Boucher, ce peintre « voit bien la nature » qu’il « cultive [72] ».
Sans avoir le style du peintre d’histoire, sans être « un grand peintre » Greuze est toutefois « un peintre original [73] ». Cette originalité réside dans l’élément romanesque de sa peinture qui se fait remarquer par le caractère mélodramatique, comparable au drame bourgeois de Diderot et à l’idylle de Gessner. Ainsi, diffèrent en cela Gautier [74] et les frères Goncourt [75] qui s’opposent nettement au moralisme romanesque de l’œuvre de Greuze, dans son goût pour la philosophie de ce « poète dramatique [76] ».
S’il n’est pas vain de s’attarder sur les peintres du XVIIIe siècle que Houssaye choisit de privilégier, c’est qu’il faut voir dans ses études artistiques un effort sincère et profond pour appréhender leur originalité : « une des plus saisissantes expressions » du siècle dans le cas de Boucher, la magie picturale de la nature vue par « le prisme » de la poésie dans celui de Watteau et la « parure des larmes » de Greuze, qui fut, selon le critique, « le peintre le plus original du XVIIIe siècle [77] » après l’inventeur des fêtes galantes.
Certes, on peut reprocher aux textes de Houssaye le manque de matériau, de confrontation directe avec les tableaux comme c’était le cas de Gautier par exemple dont les critiques artistiques sont l’écho de contemplations sur place, de visites des expositions rétrospectives et des collections publiques et particulières [78]. Les études de Houssaye, au contraire, invoquent quasi exclusivement l’œuvre gravée des peintres. Ce qui du reste n’est pas étonnant. Dans les années 1840 où paraissent ses premiers articles sur les peintres du XVIIIe siècle, leurs toiles, confinées pour la plupart dans les collections particulières, n’étaient accessibles au large public que par le biais de la gravure. Le musée impérial de Paris ne possédait qu’un tableau de Largillierre, un de Watteau, trois de Fragonard, cinq de Prud’hon, sept de Boucher, neuf de Chardin et quarante et un de Vernet [79]. La première occasion où le public parisien a pu voir les œuvres de ces peintres longuement oubliés ne date que de 1860, l’année de l’exposition rétrospective des tableaux de l’Ancienne école française à la Galerie Martinet, au boulevard des Italiens, organisée par Francis Petit à l’initiative de Philippe Burty [80]. Quant au Louvre, il faut attendre le grand événement de l’ouverture de la salle La Caze le 15 mars 1870.
On ne saurait toutefois ni contester la prééminence chronologique des écrits de Houssaye dans le regain d’intérêt pour l’esthétique picturale du XVIIIe siècle, ni sous-estimer sa contribution de « critique de bonne foi [81] » à la réappréciation du patrimoine artistique. Ses études, les premières à exhumer de l’oubli ces artistes méconnus et négligés, marquent un tournant dans l’appréhension de la peinture française du siècle passé et influencent la sensibilité et la perspective des contemporains qui adapteront à volonté ses idées et ses critères d’appréciation. C’est ainsi que la notion du « joli », appliquée à la peinture de la Régence et de Louis XV en général et à celle de Boucher en particulier, sera reprise par les Goncourt pour qui le « joli c’est l’âme du temps, et c’est le génie de Boucher [82] » et par Gautier pour qui le « joli » se distingue du beau absolu de la Grèce ancienne et la Renaissance italienne.