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Christine Carrère-Saucède

État de la bibliographie relative au théâtre en province au XIXe siècle

L’auteur

Christine CARRERE-SAUCEDE, Maître de conférences à l’Université Paul Sabatier de Toulouse et membre du LERASS (Laboratoire d’Etudes et de Recherches Appliquées en Sciences Sociales, IUT Paul Sabatier), mène des recherches sur l’histoire de la vie théâtrale au XIXe siècle (avec une prédilection pour la période du privilège) dans les petites villes de provinces qui n’avaient pas de spectacle à l’année mais bénéficiaient du passage de troupes itinérantes. Elle s’attache à retracer les conditions matérielles de la représentation et s’intéresse aux spectacles non-officiels.


Texte complet


La bibliographie dont ce travail retrace la genèse se présente selon un double système d’entrées, alphabétique et géographique.

Des recherches sur la vie théâtrale dans les petites villes du Sud-Ouest sont à l’origine de ce travail qui permet de comprendre combien la réglementation contraignante mise en place par Napoléon avait été en même temps une aubaine pour les bourgs reculés qui se voyaient dotés par l’entremise de la loi d’une vie théâtrale régulière. Le dispositif législatif rigide en cours entre 1806 et 1864 impose en effet aux directeurs de troupes ambulantes de desservir la plupart des chefs-lieux de départements et parallèlement détermine une vingtaine de troupes sédentaires qui se produisent dans les grandes villes.

Ainsi jusqu’en 1864, la quasi totalité du territoire du pays est sillonnée par des troupes de théâtre certes fortement surveillées tant du point de vue du répertoire que du personnel, mais qui exercent une activité régulière. Les archives municipales, départementales ou nationales ainsi que certains fonds de musées gardent de nombreuses traces du contrôle incessant exercé par l’autorité, qu’elle soit ministérielle, préfectorale ou municipale, et le chercheur peut relativement aisément retracer ce que fut la vie théâtrale en province au XIXe siècle.

Cependant une des difficultés du travail sur la province consiste dans son étendue et dans l’éparpillement des sources. Le territoire ayant été divisé en arrondissements plus ou moins vastes, il est toujours nécessaire lorsqu’on travaille sur les petites localités de se déplacer pour consulter les archives de la totalité des villes de l’arrondissement, car elles peuvent receler des renseignements, le plus souvent administratifs, concernant d’autres théâtres. Les échanges épistolaires entre maires ou préfets sont en effet riches d’enseignements. Pour comprendre ce qu’était la vie théâtrale en province au XIXe siècle, il faut prendre en compte l’arrondissement dans son ensemble et ne pas se limiter à une petite scène, les cas de figures étant très variables d’un lieu à un autre. De la même manière, un article sur le théâtre de la Vienne pourra renseigner sur le théâtre en Dordogne ou en Corrèze, ces départements appartenant au même arrondissement [1]. Il peut également être intéressant lorsqu’on étudie le théâtre dans une ville disposant d’une troupe sédentaire, de connaître la vie théâtrale sur les scènes des autres grandes villes.

Le nombre élevé de publications relatives au sujet a de quoi surprendre, cependant la difficulté matérielle à laquelle on se heurte lorsque l’on souhaite avoir accès aux textes est réelle. Il faut s’armer de patience, qu’il s’agisse de recherche de sources d’archives ou de travaux bibliographiques.

La méthode adoptée pour rédiger cette bibliographie qui est uniquement descriptive et non critique (mais qui gagnerait à l’être) sera présentée avant une typologie des publications et un bilan géographique.

La recherche d’informations sur Internet est fructueuse, en ayant soin de ne prendre ses sources que dans des sites sûrs, le plus souvent institutionnels. J’ai procédé en utilisant les mots clefs suivants : théâtre / théâtre XIXe / théâtre histoire / théâtre province / théâtre nom de ville ou département.

Une telle interrogation amène naturellement sur des liens avec des sites d’archives départementales dont on trouve la liste exhaustive sur http://www.guide-genealogie.com/guide/archives_adresses.html par exemple. Lorsque les sites existent, ils permettent seulement de savoir si une série particulière (T [2] ou R [3] par exemple) est fournie ou non. Ils sont souvent minimalistes.

Les sites d’archives municipales sont extrêmement rares dans la mesure où les fonds ont été versés la plupart du temps aux archives départementales. Cependant les grandes villes telles Toulouse ou Bordeaux possèdent de tels centres qui recèlent souvent des renseignements utiles pour notre sujet. Les adresses des archives municipales sont, en général, disponibles sur les sites des préfectures de régions qui en dressent la liste ou en lien avec les sites des municipalités. Les sites des bibliothèques municipales sont à consulter de manière systématique, surtout lorsque le fonds est en ligne, comme c’est le cas à Montpellier [4] : www.ville-montpellier.fr/bm/ ou à Marseille : http://www.lexilogos.com/bibliotheque_municipale_marseille.htm. La base bibliographique comtoise [5], très complète  : www.besancon.fr/bibli/francais/basebi.htm mérite aussi une visite. Il ne faut pas oublier les sites des bibliothèques universitaires dont on trouvera une liste à l’adresse http://www.unilim.fr/scd/sites/ busignets/lettres.htm que l’on complètera par la consultation du catalogue SUDOC [6] qui ne reprend pas forcément les travaux d’étudiants : www.sudoc.abes.fr.

Les sites des sociétés savantes recensées par le CTHS [7] (www.cths.fr) comprennent parfois des listes de sommaires de leurs publications. Ainsi, Les Annales de Normandie sont elles dépouillées sur le site Bibnor : http://www.annales-normandie.unicaen.fr/bibnor/ et les Mémoires de l’Académie des Sciences, Arts et Belles Lettres de Caen sur http://www.academiecaen-scabl.com/francais/francais.htm. Les sociétés savantes se modernisent et cherchent à gagner un nouveau public, l’outil internet est en pleine expansion et leurs sites s’enrichissent quotidiennement. 

On peut aussi, avec les mêmes mots clefs, effectuer des recherches sur Article@inist [8], banque scientifique généraliste qui donne accès aux références bibliographiques de six millions d’articles provenant de dix mille périodiques depuis 1990, on peut en outre commander les articles en ligne. THEO [9] : http://www.uhb.fr /sc_sociales/crhisco/memhou/ a l’avantage de lister les travaux d’étudiants ; la même université propose un dépouillement des périodiques régionaux sur Hermine : http://www.hermine.org/. Le fichier central des thèses de Nanterre www.fct.u-paris10.fr fournit les renseignements indispensables sur les travaux en cours.

Deux bases de données mises en ligne par le ministère de la culture (www.culture.gouv.fr/culture/bdd) permettent de localiser certains documents : la base Malraux, qui liste les fonds bibliographiques d’une petite vingtaine d’institutions et le Répertoire des arts du spectacle, « base de données sur le patrimoine des arts du spectacle en France » (http://ras.culture.fr.8080/). On pourra peut-être enrichir la recherche par une visite sur le site de la base Joconde http://www.culture.gouv.fr/documentation/joconde/fr/recherche/rech_libre.htm, catalogue des collections des musées de France.

Ces visites de sites ont été complétées par un envoi massif de courriers aux UFR d’Histoire et de Lettres, cependant le taux de retour a été insatisfaisant car les demandes n’étaient pas toujours personnalisées. Les courriers transmis aux sociétés savantes répertoriées par le CTHS (environ 150) ont connu un taux de retour exceptionnel d’environ 50 %. Les demandes écrites adressées aux centres d’archives (municipaux ou départementaux) ont reçu des réponses diverses mais se sont souvent heurtées au mauvais vouloir des conservateurs qui estimaient qu’ils n’avaient pas à effectuer des recherches à ma place. Le même courrier envoyé aux bibliothèques municipales des villes pour lesquelles rien n’avait été répertorié a souvent obtenu des réponses plus satisfaisantes, mais généralement négatives, rien n’existant sur le théâtre au XIXe siècle dans le catalogue interrogé. Enfin, certains musées ont été contactés de manière aléatoire, les réponses furent le plus souvent négatives. Certains musées cependant ont un fonds « théâtre » riche qui comporte des programmes ou des contrats d’engagement (on pense par exemple au musée Paul Dupuy à Toulouse).

La consultation des sites Internet et des réponses à ces différents courriers ont permis d’élaborer une liste de quelque quatre cents titres pour lesquels on peut tenter d’établir une typologie des publications, avant de dresser un bilan géographique qui mettra l’accent sur les lacunes des études menées jusqu’à présent.

La présentation proposée ici comprend les titres répertoriés à la fin du mois de septembre 2003 [10].

Typologie des publications

Les études sur le théâtre en province, souvent publiées localement, sont polymorphes. On peut les classer en trois grandes catégories, de qualité inégale : les travaux d’érudits locaux, les travaux d’étudiants et les études réellement scientifiques.

Travaux érudits publiés localement

Ces travaux dus à des passionnés sont publiés localement. On trouve des articles de presse parus dans les journaux à l’occasion d’événements particuliers comme une réouverture de la salle de spectacle après travaux de restauration, ou à l’occasion d’un anniversaire de l’ouverture du théâtre. Ce sont des articles souvent documentés que leur petit format rend incomplets. Les articles parus dans les bulletins municipaux comme par exemple : Paul MORIN, « Historique du théâtre municipal », Bourg-en-Bresse, bulletin municipal, no 4, 1967, p. 41-42, sont assez fréquents mais souvent lacunaires. Ces articles sont parfois complétés par des plaquettes de syndicats d’initiatives ou par des notices rédigées par les services d’archives municipales ou départementales.

Les ressources les plus nombreuses et les plus complètes proviennent de revues de sociétés savantes qu’il ne faut pas négliger, lorsqu’on étudie la vie du spectacle en province. Les articles des sociétés savantes sont de deux types qui correspondent à deux périodes chronologiques. Pour simplifier, on peut dire que jusque dans les années 1970, les publications étaient à dominante biographique, se contentant de relater des souvenirs personnels de l’auteur relativement au théâtre. D’autres sont très anecdotiques, narrant le passage d’un monstre sacré au théâtre municipal, comme Mlle George, Talma ou Rachel. Leur intérêt est donc limité sauf lorsqu’il s’agit de publication de documents d’archives dont certains ont disparu aujourd’hui. Dans la période suivante et jusqu’à aujourd’hui, les articles de sociétés savantes ont pris un tour plus objectif, plus rigoureux, plus scientifique et constituent des documents incontournables pour l’étude du sujet qui nous occupe. En outre elles publient parfois des compte-rendus de travaux de maîtrise ou de DEA. On peut lire avec profit par exemple : Alain CHAUME, « Le théâtre à Libourne », Revue historique et archéologique du Libournais et de la vallée de la Dordogne, t. LVIII, no 216, 2e trim. 1990, p. 41-56. Se procurer ces articles relève cependant parfois du défi, le plus simple étant d’en demander copie aux secrétariats des sociétés ou de passer par le site de l’INIST qui, depuis quelques années, intègre à son fonds des revues locales. Il faut citer les travaux – incontournables pour notre sujet – des membres des sociétés savantes parus dans les Actes du 115e congrès des Sociétés savantes, Avignon, 1990, publication CTHS, 1991, dont le thème était le théâtre et l’histoire des spectacles.

Il convient d’ajouter à ces travaux un certain nombre de monographies éventuellement éditées à compte d’auteur, parfois publiées en réponse à une commande municipale, par exemple : Bertrand Tillier, Le p’tit théâtre de Châteauroux, Châteauroux, Tillier, 1986, 104 p. On lira aussi avec profit certains catalogues d’expositions comme Robert Mesuret, Le Théâtre à Toulouse de 1561 à 1914 (catalogue d’exposition au musée Paul Dupuy), Toulouse, Lepic, 1972, 149 p. ou Christine Nougaret et Annie Denizart (dir.), Le Théâtre s’affiche, catalogue des affiches de théâtre, 1998, Nantes, archives municipales, 357 p. ill. (commentaires musicologiques Sylvie Clair-Ponsard, historiques Katell Cheviller).

Travaux d’étudiants

Un deuxième ensemble d’études est constitué par des travaux d’étudiants. En effet, à partir de 1990 un nombre grandissant de directeurs de recherche ont incité leurs étudiants à s’intéresser à la vie du spectacle en province. La première maîtrise recensée, sur Le théâtre de Lille en 1848, en 1953, fut suivie en 1972 par une maîtrise portant sur la vie théâtrale dans le dixième arrondissement, sujet très novateur. Il faut noter que Rouen a fortement contribué à la connaissance de la vie théâtrale en province depuis 1996 avec les nombreux travaux encadrés par Claude Millet et Florence Naugrette. Ces travaux – maîtrise et DEA pour la plupart – sont soutenus régulièrement dans diverses universités dont Rouen depuis 1985. Le graphique suivant montre une accélération régulière des soutenances de DEA et de thèses depuis 1987, même si les maîtrises restent les plus nombreuses.

L’histoire du théâtre est une matière polymorphe que l’on peut aborder suivant de nombreux points de vue, ce qui fait sa richesse et sa difficulté. Lorsqu’on examine les études sur le théâtre en province au XIXe siècle, on s’aperçoit que les travaux relèvent de matières sensiblement différentes :

L’histoire et les lettres sont les plus grands pourvoyeurs d’études, puis viennent loin derrière la musicologie et l’histoire de l’art. La diversité des sections universitaires dans lesquelles les travaux d’étudiants s’inscrivent traduit la difficulté qu’éprouve l’histoire du théâtre à se situer dans un domaine unique. Partie intégrante de l’histoire culturelle, l’histoire du théâtre est une discipline complexe qui se nourrit de connaissances en littérature, en histoire, en histoire de l’art, en économie, en droit, en musicologie, en sociologie.

Si les thèses proposent des études exhaustives du sujet (on pense aux travaux de Christiane Jeanselme pour Aix en Provence, de Marie Claire Le Moigne-Mussat pour Rennes, et, dans une moindre mesure, à celle de Hassan Nouiti pour Bordeaux), les maîtrises et DEA n’examinent souvent qu’un aspect de la question : une saison dramatique particulière (1848, 1851-52), la critique dramatique (Rennes et Toulouse), la musique et le répertoire lyrique, la sociabilité. Il manque une étude globale qui embrasserait les divers aspects du sujet en ne laissant pas de côté le répertoire, comme c’est trop souvent le cas dans les études d’histoire, ou qui n’omettrait pas de s’intéresser au public, comme le font parfois les étudiants de lettres. Les enseignants devraient également envisager, dans certains cas, des directions doubles, qui permettraient à l’étudiant d’envisager le sujet dans sa globalité.

Travaux scientifiques

On s’aperçoit qu’ils partent dans toutes les directions : le théâtre a été étudié aussi bien par des littéraires, que des historiens, des économistes, des juristes, des musicologues ou des historiens de l’art. Ces travaux se répartissent en quatre grandes catégories.

D’abord les recueils d’articles scientifiques, actes de colloques ou journées d’études (dont nous savons qu’ils paraissent 2 ou 3 ans après les rencontres et qui touchent à toutes les disciplines). Un premier exemple, relève de recherches en architecture : Victor Louis et le siècle des théâtres : scénographie, mise en scène et architecture théâtrale aux XVIIIe et XIXe siècles, actes du colloque tenu à Bordeaux les 8-9-10 mai 1982, Éd. CNRS. Un autre exemple se situe dans le domaine de la musicologie : La musique dans le midi de la France. t. II : XIXe siècle, Actes des rencontres de Villecroze (16 au 18 mai 1996, réunis par François Lesure), Paris, Klincksieck, 1997. Un dernier exemple, historique cette fois, les actes du colloque de Vizille Les Arts de la scène et la Révolution française (sous la direction de Philippe Bourdin et Gérard Loubinoux), Presses Universitaires Blaise-Pascal, 2003.

Viennent ensuite les articles de revues spécialisées comme la Revue d’Histoire du Théâtre ou Monumental ou même les Vieilles maisons françaises. Les publications des CRDP [11] sont aussi précieuses (c’est là qu’ont paru les études novatrices de Jean Nattiez sur la Picardie). Exemple : Christian GOUBAULT, La musique, les acteurs et le public au Théâtre des Arts de Rouen, 1776-1914, Rouen, C.R.D.P., 1979. Les chapitres d’ouvrages plus généraux, notamment dans des livres d’histoire retraçant la vie quotidienne au XIXe siècle dans une ville ou une région donnée contiennent parfois de maigres renseignements sur la vie des spectacles. Exemple : François PRIEUR, chap. « Les théâtres », Encyclopédie départementale des Bouches du Rhône, t. VI, La vie intellectuelle, Marseille, 1914, p. 778-789.

Dernier type de publications, les monographies sur la vie du spectacle dans un monument particulier. Il s’agit souvent de « beaux livres » illustrés de photographies, plans et fac simile de documents d’archives. Exemple : Alex et Janine BEGÈS, Mémoires d’un Théâtre, Opéra, Théâtre, Musique et Divertissements, Béziers, Société de musicologie du Languedoc, 1987, 318 p. ou des monographies sur la vie des spectacles dans une ville comme René PLISNIER, Le Théâtre à Mons au XIXe siècle, Société des Bibliophiles, Mons, 2001, 348 p. Un exemple magistral de ce type de travaux : Marie-Claire LE MOIGNE-MUSSAT, Musique et Société à Rennes aux XVIIIe et XIXe siècles, préf. de Jean MONGRÉDIEN, Genève, Minkoff, 1988, (la vie musicale dans les provinces françaises, 7), 446 p. Il s’agit de la publication d’un doctorat : Marie-Claire, LE MOIGNE-MUSSAT, La vie musicale en province : musique et société à Rennes aux XVIIIe et XIXe siècles, thèse de doctorat d’état, musicologie, université Paris IV-Sorbonne, 1986.

Ce panorama des directions dans lesquelles chercher les éléments bibliographiques relatifs à la vie du spectacle au XIXe siècle révèle donc l’éclatement des recherches.

Difficulté d’accès à ces documents

Il peut être difficile d’accéder à ces documents dont certains sont des tapuscrits qu’il faut demander à l’auteur (c’est le cas du travail de Daniel DESHAYES pour Lisieux), ou à la structure commanditaire (Christine ROGER et Claude PAILLET, Les théâtres à l’italienne de la région Rhône-Alpes, étude réalisée pour la DRAC (CRMH [12]), de la région Rhône-Alpes, Lyon, s.d.)

Les travaux d’étudiants sont difficiles d’accès. Un certain nombre d’entre eux ont disparu des bibliothèques ou n’y ont jamais été déposés (certains étudiants refusant de déposer leurs travaux par crainte d’être pillés). C’est le cas des travaux suivants, jusqu’à ce jour introuvables :

– Bernard FONTOVA, La Vie théâtrale et la critique dramatique à Toulouse sous le Second Empire, mémoire de D.E.S., 1966. (Non répertorié à la bibliothèque d’études méridionales de Toulouse).

– KOLTZ, Le Théâtre à Marseille et ses comédiens de 1815 à 1929, thèse de doctorat de 3e cycle, Université Aix-Marseille, 1977 (demandé en PIB, cet ouvrage est resté introuvable).

Ces disparitions sont réellement problématiques, puisque les sujets sont en quelque sorte gelés, mais que le résultat des recherches n’est pas communicable.

Les ouvrages publiés sont parfois épuisés et ne sont pas toujours accessibles dans le cadre du service de prêt entre bibliothèques. Ils sont parfois localisés dans des dépôts d’archives qui ne participent pas au PIB, d’où l’obligation pour le chercheur de se rendre sur place pour prendre connaissance de l’ouvrage. C’est le cas pour les travaux de Romain LEFEUVRE sur « Théâtre et spectacles à Laval (XVIIe - XXe siècles) [13] » qui ne se trouvent qu’aux Archives Départementales et dont on ne peut obtenir de copie ou pour l’ouvrage de référence sur le théâtre de Pézenas [14].

Paradoxalement, c’est à Paris que l’on aura le plus facilement accès à cette documentation, grâce aux bibliothèques Gaston Baty à Censier, de la Comédie Française, de l’Opéra, de l’Arsenal, et aux autres sites de la B.N.F.

Bilan

Le premier bilan que l’on peut tirer de cette bibliographie concerne d’abord la profusion relative des écrits sur la vie du spectacle puisqu’on recense à ce jour environ quatre cents titres. Un tiers de ces études portent sur les grandes villes (métropoles régionales telles que Toulouse, Bordeaux, Marseille ou Rouen) qui sont proportion-nellement les plus étudiées, et la moitié (environ cent quatre-vingts) portent sur des villes petites ou moyennes, comme Eu ou Elbeuf. Très rares restent les études globales sur des départements (une quinzaine) ou des arrondissements (moins de dix). Il semble que c’est cette direction que devraient emprunter les études à venir. J’ai la conviction, pour avoir étudié le phénomène dans certains départements ruraux du Sud-Ouest de la France, que nous avons encore des éléments à découvrir concernant les spectacles dans les petites villes et villages au XIXe siècle.

On peut tenter de tirer un premier bilan à propos des dix-huit villes [15] autorisées à posséder un théâtre sédentaire par l’ordonnance de 1824.

Document 3 : études sur les scènes sédentaires (ordonnance de 1824)

Certaines, ont été du point de vue de la vie théâtrale bien étudiées : il s’agit de Montpellier (grâce à l’ouvrage de Jourda), de Perpignan (grâce à l’ouvrage de Tisseyre), de Rouen (dont l’étude systématique est en cours) et de Nantes.

D’autres n’ont été étudiées que partiellement : Bordeaux, Marseille, Toulouse, Brest [16], Metz, Versailles et Lille. Des études sont en cours sur Lyon.

Sur certaines villes, tout reste à faire, ou bien les études existantes, qui datent, seraient à actualiser : Boulogne, Calais, Le Havre, Nancy, Strasbourg, Toulon.

Quant aux études sur les villes qui ne possédaient pas de troupe sédentaire, et sur la vie théâtrale dans les arrondissements, elles sont très hétérogènes : certains départements ont été correctement étudiés (par exemple les Pyrénées Atlantiques, le Puy de Dôme ou le Finistère) alors que d’autres, nombreux, mériteraient une étude complémentaire, c’est le cas des départements de l’Ain, de l’Aisne, de l’Aube, de l’Aude, de la Charente, du Gard, du Lot, de la Lozère, de la Haute-Marne, de la Meuse, de la Nièvre, de la Saône-et-Loire, du Tarn-et-Garonne et du Vaucluse. Sur la Corse, aucune étude n’a été menée sur la période du privilège ; la Vienne n’a été étudiée que du point de vue architectural. Certains départements n’ont fait l’objet d’aucune étude : l’Ardèche, l’Ariège, le Cantal, la Drôme [17], les Hautes-Alpes, les Landes, la Nièvre, la Haute-Saône et la Vendée. Ce recensement rapide et peut-être lacunaire montre combien l’étude de la vie théâtrale en province a été négligée jusqu’à aujourd’hui, il faut donc envisager de mener une étude globale, au moins pour la période du privilège (1806-1864). Cette étude synthétique ne pourra être menée correctement que si, au préalable, la totalité du territoire a fait l’objet d’études ponctuelles.

Texte écrit pour être représenté et transposé par des acteurs devant des spectateurs dans un lieu approprié, le théâtre a un statut particulier et ambigu. Il est à la fois texte et spectacle, lettre et action mais aussi lieu de représentation. Cette richesse de l’art dramatique se retrouve dans les diverses directions dans lesquelles la vie du théâtre en province au XIXe siècle a été étudiée. La multiplicité de points de vue est représentative de la fertilité du terrain d’étude mais aussi de sa difficulté. Sujet protéiforme, il rassemble des savoirs divers relatifs à l’histoire, à l’histoire littéraire, à la musique, aux beaux arts, au droit, à l’économie, à la sociologie. L’histoire du théâtre, outre l’étude littéraire à laquelle elle s’est longtemps résumée, doit prendre en compte les conditions matérielles de la représentation ; elle doit intégrer l’étude des théâtres non officiels, des théâtres qui existent malgré l’interdiction napoléonienne, elle doit s’intéresser à toutes les formes de spectacles, même à celles qui paraissent désuètes comme le théâtre privé, le théâtre d’amateurs, et doit s’ouvrir aux petits spectacles qui souvent étaient les seuls à avoir lieu dans les bourgs reculés. Cette étude ne doit pas négliger l’autre composante de la salle de spectacle, le public. Qui était-il ? Que voulait-il ? Que savait-il des spectacles des grandes villes et de Paris en particulier ? L’étude de la réception ne doit pas être oubliée, pas plus que celle de la critique dramatique. Ainsi, les idées de transversalité, de pluridisciplinarité, d’interdisciplinarité doivent être au cœur des études d’histoire du théâtre puisque le théâtre résulte du croisement de diverses démarches artistiques.

L’étude de l’histoire du théâtre en province ne doit pas négliger l’apport des nouvelles technologies. Nous devons œuvrer ensemble pour mettre à la disposition de la communauté scientifique des bases de données systématiques concernant les acteurs et les troupes, les répertoires, les itinéraires, les salles. Le dépouillement régulier et exhaustif des archives de tout type doit être entrepris afin de permettre à terme d’avoir une vision d’ensemble de ces spectacles qui, s’ils n’étaient pas aussi novateurs et riches que les spectacles parisiens, n’en constituaient pas moins la majorité des spectacles joués sur le territoire national. La réhabilitation du théâtre provincial entreprise par les études universitaires depuis une quinzaine d’années a ouvert la voie, il faut continuer pour aboutir à une vision complète du sujet.

Notes

[1Le 13e arrondissement en 1824 comprend la Haute Vienne, la Vienne, la Dordogne, la Charente et la Corrèze.

[2« Instruction publique, sciences et arts ».

[3« Guerre et affaires militaires ».

[4Bibliothèque municipale à vocation régionale.

[5Besançon.

[6Système universitaire de documentation.

[7Comité des Travaux Historiques et Scientifiques.

[8Institut National d’Information Scientifique et Technique, rattaché au CNRS, adresse : http://services.inist.fr/cgi-bin/public/

[9Travaux d’étudiants sur l’histoire de l’Ouest français mis en ligne par le centre de ressources informatiques de l’université Rennes 2 Haute-Bretagne.

[10Cette bibliographie s’est enrichie au fur et à mesure des publications sur le sujet.

[11Centres Régionaux de Documentation Pédagogique.

[12Conservation régionale des monuments historiques.

[13Bulletin de la Commission historique et archéologique de la Mayenne, 1960 (no 69) : p. 34-57 ; 1961 (no 70) : p. 17-35 ; 1964 (no 4), p. 3-24 ; 1965 (no 8) : p. 10-25 ; 1966 (no 12) : p. 8-30 ; 1967 (no 16) : p. 83-89 ; 1968 (no 20) : p. 93-106 ; 1969 (no 24) : p. 103-127.

[14Myriam Demore, Jean Nougaret, Marie Oddon, Les grandes Heures d’un petit théâtre, 1992, Pézenas, Association Galope, 125 p.

[15D’autres grandes villes ont, par la suite été autorisées à posséder une – ou parfois deux – scènes sédentaires : Reims, Rennes, Aix en Provence par exemple.

[16Surtout du point de vue musical.

[17Seuls sont répertoriés deux articles de journaux pour ce département.


Pour citer l'article:

Christine Carrère-Saucède, « État de la bibliographie relative au théâtre en province au XIXe siècle » in Un siècle de spectacles à Rouen (1776-1876), Actes du colloque organisé à l’Université de Rouen en novembre 2003 par Florence Naugrette et Patrick Taïeb.
(c) Publications numériques du CÉRÉdI, "Actes de colloques et journées d'étude (ISSN 1775-4054)", n° 1, 2009.

URL: http://ceredi.labos.univ-rouen.fr/public/?etat-de-la-bibliographie-relative.html

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