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Joann Elart

Le catalogage des fonds musicaux anciens de la Bibliothèque Municipale de Rouen

Un premier volume consacré au fonds du Théâtre des Arts (XVIIIe et XIXe siècles)


Texte complet


Que me demande-t-on au juste ? Si je pense avant de classer ? Si je classe avant de penser ? Comment je classe ce que je pense ? Comment je pense quand je veux classer [1] ?
On voit parfois des pédants à la cavalière s’étonner du temps sacrifié par quelques érudits à composer de pareils ouvrages [les inventaires], par tous les travailleurs à en apprendre l’existence et le maniement. Comme si grâce aux heures ainsi dépensées à des besognes qui, pour n’être pas sans un certain attrait caché, manquent assurément d’éclat romanesque, le plus affreux gaspillage d’énergie ne se trouvait pas finalement épargné [2].

« La réalisation d’inventaires est un acte fondateur pour la valorisation de tout patrimoine. » C’est par ces mots que le Ministre de la Culture de l’époque, André Malraux, qualifie la mise en place d’une politique sans précédent en France, dont l’objectif est de créer les outils nécessaires au repérage systématique de l’ensemble des richesses patrimoniales conservées sur le territoire français et gérées par des financements publics. Cette pensée forte témoigne de la volonté de transmettre aux générations futures un héritage culturel que la dernière guerre a menacé et en partie ravagé. La prise de conscience de la fragilité des sources est suivie d’une publication massive d’inventaires systématiques décrivant les principaux domaines des sciences et des arts. La généralisation de ces instruments n’obéit plus alors à l’exception d’un traitement occasionnel, tant décriée par Marc Bloch, mais intègre un vaste « plan d’ensemble rationnellement conçu [3]. » Ces vingt dernières années, l’action de l’État vis-à-vis de son patrimoine est sans cesse croissante et malgré les difficultés, les paroles de Malraux résonnent encore. L’Année du Patrimoine en 1980 est un événement historique pour le patrimoine musical : elle inaugure un chantier ambitieux, celui de l’inventaire des orgues, qui est suivi en 1988 d’un deuxième chantier d’inventaire, celui des fonds musicaux anciens, ouvert à la conquête des richesses régionales. Il porte sur les partitions manuscrites et imprimées de toutes les collections publiques (bibliothèques, conservatoires, musées, théâtres, etc.) et est soutenu financièrement par le Ministère de la Culture et de la Communication [4].

En 1992, un premier pré-inventaire établit que le patrimoine musical de la région Haute-Normandie est un des plus riches de France et que la plus grande partie est conservée à la Bibliothèque municipale de Rouen. Dès 1994, la mission de catalogage, organisée par le département de musicologie de l’université de Rouen, se concentre dans un premier temps sur les différents fonds des XVIIe et XVIIIe siècles de la Bibliothèque. Ceux-ci sont composés de plusieurs dons et legs précieux de collectionneurs, de compositeurs et de sociétés musicales rouennaises, tels le don Théodore Bachelet, le legs Sanson-Boieldieu et les dons des sociétés de concert du XIXe siècle (notamment la Société philharmonique et le Cercle Boieldieu). Entre 1998 et 2002, le fonds le plus volumineux de la Bibliothèque municipale est traité dans son intégralité, celui du Théâtre des Arts. Ce travail sous la direction scientifique de Patrick Taïeb et du bureau du RISM de la Bibliothèque nationale de France [5] a consisté, d’une part, à le cataloguer de manière exhaustive et cohérente, à retrouver les parties manquantes du fonds, et d’autre part, à rédiger l’ouvrage, à le concevoir graphiquement, à l’éditer et à trouver les moyens pour son impression [6] et sa diffusion [7].

Une première étape de l’inventaire de Haute-Normandie est franchie en octobre 2004, avec la parution du premier volume de la collection consacré au fonds du Théâtre des Arts [8]. Il est utile de porter un regard sur quelques aspects fondamentaux définissant les limites du corpus traité, tant du point de vue de l’histoire que du contenu du fonds, et de reposer les questions méthodologiques qui ont guidé l’organisation du catalogue.

Le fonds du Théâtre des Arts


Le premier volume de la collection du Catalogue des fonds musicaux conservés en Haute-Normandie est intégralement consacré au fonds du Théâtre des Arts conservé à la Bibliothèque municipale de Rouen. Il décrit entièrement la collection musicale du Théâtre telle qu’elle figure dans l’inventaire Daniaud de 1861 [9] et dans le catalogue de 1924 [10]. Cet ensemble occupe près de 110 m. linéaires en magasin et reflète l’intense activité lyrique rythmant au quotidien la vie musicale des Rouennais depuis l’inauguration de la première salle en 1776 jusqu’à la destruction de la deuxième salle par les bombardements en 1940. Le matériel conservé s’inscrit dans une période plus large puisque certaines partitions proviennent de la bibliothèque de la Comédie [11] et que d’autres sont toujours utilisées jusqu’aux années 1990 [12]. Le fonds est également représentatif de l’activité des salles ayant opéré la transition pendant les reconstructions : le Théâtre Cirque Lafayette accueille sur la rive gauche le personnel et le répertoire du Théâtre des Arts, de l’incendie du 25 avril 1876 jusqu’à l’inauguration de la deuxième salle en 1882, et le Théâtre Cirque de la place Boulingrin héberge le Théâtre des Arts, du bombardement du 9 juin 1940 à l’inauguration de la troisième salle en 1962 [13]. Par conséquent, l’institution du Théâtre des Arts, toutes périodes et toutes salles confondues, exploite ce fonds de 1776 à 1998, c’est-à-dire sur plus de deux siècles, bien que moins intensément après 1962. Composé intégralement de matériels d’exécution (partitions et parties séparées), la bibliothèque du Théâtre est un témoin important de la vie musicale non seulement rouennaise mais aussi havraise (de nombreux échanges existent entre les deux théâtres), éclairant notamment les phénomènes de circulation de la musique et de réception des œuvres en province entre la fin de l’Ancien Régime et la Seconde Guerre mondiale. L’opéra est le genre dominant, plus particulièrement l’opéra-comique auquel les Rouennais sont très attachés. Les autres genres de la scène théâtrale sont toutefois représentés : le vaudeville, le ballet, la symphonie et le quatuor. Par ailleurs, se distinguent dans le fonds du Théâtre des Arts de nombreuses pièces rares voire uniques, tant manuscrites qu’imprimées.

Trois acquisitions de la Ville de Rouen sont à l’origine de l’existence du fonds du Théâtre des Arts dans les collections de la Bibliothèque municipale : l’acquisition le 7 juin 1861 pour 5 000 francs de la collection d’Alfred Baudry [14], composée de 571 opéras, 50 symphonies, 20 ouvertures, 1280 partitions de vaudevilles, ballets et pièces locales ; l’achat le 16 juillet 1881 pour 11 000 francs de 21 opéras, vendus par Klein, marchand de musique à Rouen ; la cession le 28 avril 1883 par Pezzani, Directeur du Théâtre, de 7 opéras d’une valeur de 19 000 francs contre remboursement à la Ville de son déficit. Concernant la première acquisition, on peut s’interroger sur les raisons qui ont amené la Municipalité à acheter la collection Baudry en 1861, douze années avant de devenir propriétaire du Théâtre. Cette transaction révèle une prise de conscience de la Municipalité qui s’intéresse désormais à cette mémoire de l’institution théâtrale rouennaise, un geste qui s’inscrit également dans une tradition de soutien de l’entreprise théâtrale continuellement confrontée à de graves difficultés financières. Toujours est-il que ce fonds constitue désormais un témoignage historique et un patrimoine intellectuel de valeur, considéré depuis comme inaliénable [15].

Le fonds du Théâtre des Arts se divise en trois séries distinctes, définies par le catalogue de 1924. La première série concerne les cotes 1 à 571 et rassemble le matériel de direction et d’orchestre du répertoire ancien d’opéra (acquisition Baudry, 1861, classement alphabétique par titre d’Acajou à Zélia). La deuxième série, à savoir les cotes 572 à 587, regroupe les vaudevilles et le répertoire dit « extraordinaire » – les ballets, les hymnes patriotiques, les cantates de circonstances ou encore le répertoire de concert avec les symphonies, les ouvertures et les airs détachés (acquisition Baudry, 1861, classement thématique par genre). La troisième série, soit les cotes 588 à 630, décrit le matériel de direction et d’orchestre du répertoire moderne d’opéra (matériel rescapé de l’incendie de 1876 et acquisitions de 1881 et 1883, second classement alphabétique par titre de l’Africaine à la Vendéenne) [16].

En relevant les dates de premières exécutions des œuvres composant le fonds du Théâtre des Arts [17], on constate que la majorité des partitions (95 %) est acquise entre 1776 et 1855, date à laquelle elles sont vendues à Alfred Baudry [18]. Les acquisitions de la première décennie du Théâtre de Rouen regroupent non seulement les nouveautés produites après 1776, mais aussi une partie ou la totalité de la bibliothèque de l’ancienne salle, la Comédie [19]. On relève que le Théâtre acquiert 95 % du fonds entre 1776 et 1876 (période d’exercice de la première salle), dont 70 % dans les quarante premières années entre 1776 et 1816.

La bibliothèque est moins entretenue dans les soixante dernières années entre 1816 et 1876 (25 % seulement), probablement du fait de la circulation des partitions entre les théâtres, de la location de plus en plus fréquente du matériel chez les éditeurs de musique et de la probable restriction du répertoire. Entre 1855 et 1876, le fonds n’est plus alimenté puisqu’il est vendu à Alfred Baudry puis acquis par la Ville en 1861. Cependant, il semble que le Théâtre constitue une nouvelle bibliothèque puisque 75 % des acquisitions des années 1881 et 1883 vient en remplacement du matériel disparu dans l’incendie de 1876. Après 1886, la location du matériel supplante complètement l’achat de partitions pour des raisons évidentes de coût puisque le prix de la location se situe bien en dessous du prix d’achat, qui ne dépasse pas celui de la copie.

Le fonds du Théâtre des Arts ne reflète qu’une partie de l’intense activité de l’institution depuis 1776. En consultant les annonces « Spectacles » des périodiques et les ouvrages consacrés à son histoire, on constate que le nombre des œuvres représentées se révèle bien supérieur à celui des partitions inventoriées, qui elles correspondent en majorité à l’activité lyrique de la première période. Certes, les tournées des troupes en province et le développement de la location du matériel auprès des éditeurs peuvent expliquer la différence très importante entre les œuvres représentées et les sources conservées aujourd’hui. Mais d’autres causes sont à rechercher. Si nous nous concentrons uniquement sur le répertoire musical, des pertes, des vols ou des destructions sont à déplorer dans la collection acquise par la Ville à partir de 1861 et cataloguée en 1924 [20].

La perte la plus importante, due à l’incendie de 1876, est celle des 1280 partitions manuscrites, composées du matériel des vaudevilles [21]. Par ailleurs, l’absence de la troisième série est constatée en 1998. Elle représente la perte d’une trentaine d’opéras, qui heureusement, sont retrouvés en 1999 dans les cartons déposés par le Théâtre des Arts après sa fermeture en 1998 et réintégrés en 2001 dans le catalogue [22]. Une politique de prêts exceptionnels permet en effet à la direction du Théâtre des Arts, dès les années 1880 d’emprunter pour de courtes périodes le matériel conservé à la Bibliothèque [23]. Cette collection que l’on dit encore en 1998 « détruite pendant la Seconde Guerre mondiale » est pourtant visible sur le cliché photographique inséré dans la brochure officielle [24] distribuée le jour de l’inauguration de la troisième salle en 1962, qui atteste la survivance du matériel. Pour l’ensemble de l’activité du Théâtre des Arts, il faut mentionner aussi l’absence de tous les répétiteurs pourtant indispensables au travail dramatique, les parties de chant (rôles et chœurs) dont quelques vestiges existent encore, les livrets d’opéras dont de rares rescapés ont été dispersés dans les fonds de la Bibliothèque [25] et les mises en scène. Concernant le répertoire dramatique du Théâtre (comédies et tragédies), seuls deux ensembles ont été localisés à la Bibliothèque municipale de Rouen dans d’autres collections [26]. Ils sont composés de comédies, de vaudevilles, de tragédies, de drames, de mélodrames, d’invraisemblances et de divertissements. Ces pièces ne représentent qu’une infime partie du matériel du répertoire dramatique accumulé à partir de 1776, dont la disparition pourrait être la conséquence d’une vente ou de l’incendie de 1876.


Le catalogue du fonds du théâtre


L’étendue du corpus à cataloguer a suscité de nombreuses réflexions ayant conduit à adapter les normes de rédaction aux spécificités du fonds. L’organisation générale du livre respecte un format traditionnel composé de trois parties : l’introduction, les notices et l’index. L’introduction du catalogue est l’occasion de retracer l’histoire du fonds du Théâtre des Arts – et non l’histoire du Théâtre –, d’établir la concordance des cotes entre le premier catalogue de 1924 [27] et le dernier qui vient de paraître, de présenter le protocole de rédaction des notices et des index. Suivent les 874 notices du catalogue, très détaillées et rédigées selon les principes de description des sources musicales établies par le RISM et la Bibliothèque nationale de France. La dernière partie du volume est bâtie sur un appareil critique très précis et présenté sous forme d’index permettant un accès rapide au contenu. Plusieurs préoccupations méthodologiques, sur lesquelles il est indispensable de s’attarder, ont jalonné l’élaboration de cet ouvrage. Après avoir défini les limites du corpus, il sera question du classement des notices par titres uniformes, puis de l’index unique et hiérarchisé.

Une concertation primordiale au sein du comité scientifique a consisté à délimiter chronologiquement l’ampleur des travaux, sur la base du périmètre d’études prioritaires défini par la Bibliothèque nationale de France et le Ministère de la Culture, autour des sources dues aux compositeurs nés avant 1770. Or, le fonds du Théâtre des Arts couvre plus d’un siècle de répertoire et franchit largement cette barrière chronologique. Pour éviter de scinder en deux cet ensemble et perdre la cohérence d’une rare bibliothèque de théâtre de la fin du XVIIIe et du début du XIXe siècle, il a été décidé un catalogage exhaustif du fonds du Théâtre des Arts intégrant les ouvrages encore conservés aujourd’hui.

La grande originalité de ce catalogue réside dans le classement des notices par titres uniformes. Ce choix le différencie d’emblée des autres volumes de la collection Patrimoine musical régional, disposant les notices selon le double ordre alphabétique des auteurs puis des titres. Cette innovation se justifie par le désir d’améliorer la lisibilité de l’ensemble et d’être conforme à l’information divulguée par les sources contemporaines de ce fonds. C’est le cas des périodiques dont les annonces « Spectacles » mentionnent généralement les titres des œuvres au détriment des auteurs, ce que révèlent les deux exemples suivants tirés du Journal de Rouen [28]  :

Théâtre des Arts. / Aujourd’hui : Catherine ou la Belle Fermière, comédie en trois actes et en prose ; suivie de L’Opéra-Comique, opéra en un acte, dans lequel le citoyen Goyon continuera ses débuts par le rôle d’Armand [29].
Théâtre des Arts. / Aujourd’hui : la première représentation des Deux Figaro, comédie en cinq actes et en prose, qui n’a jamais été jouée sur ce théâtre. Cette pièce sera suivie de Maison à vendre, opéra en un acte et en prose [30].



De plus, force est de constater que les titres sont dans cet ouvrage – et en général pour les fonds musicaux anciens – beaucoup plus nombreux que les auteurs. Ainsi, l’identifiant le plus fiable pour caractériser une entrée est à l’évidence le titre uniforme, pour son omniprésence et sa singularité, mais aussi parce qu’il est toujours construit à partir du titre du document, dit titre propre, contrairement aux nombreux auteurs qui eux sont rétablis à partir des titres [31]. Les notices sont introduites par un titre uniforme, normalisé et construit selon des normes définies à partir des informations prises dans la source (page de titre, titre de départ, incipit, etc.) Les titres uniformes sont rédigés entre crochets et peuvent être complétés par des qualificatifs entre parenthèses [32]. Le titre propre est la transcription diplomatique du titre du document, quand celui-ci existe. Cette disposition des titres évite le chapitre des « anonymes », formulation sous laquelle sont regroupées habituellement les notices des sources non attribuées. Dans le seul fonds du Théâtre, sont recensés plus d’une centaine de titres dont les auteurs sont anonymes, ce qui peut rendre certaines recherches peu aisées dans cette rubrique. Dans ce cas, le titre est un moyen d’identification beaucoup plus précis et plus pratique. Rejetée en début de zone de notes, la vedette auteur(s) rigoureusement réservée aux compositeurs, qu’elle soit anonyme ou informée, introduit les « auteurs secondaires » du livret, des paroles, de la traduction, de l’arrangement, du ballet, etc. La réorganisation par titre est ainsi d’autant plus cohérente qu’elle rassemble les titres d’un côté (titre uniforme et titre propre) et les auteurs de l’autre. De plus, un tel agencement par titre facilite l’accès au catalogue, sans consultation préalable d’un index des titres, pour les œuvres composées en collaboration et les anonymes. Ce classement s’inscrit également dans la tradition des Bibliothèques françaises du tri des titres significatifs qui sont représentés en majorité dans ce fonds. L’ancien catalogue du Théâtre des Arts rédigé en 1924 propose en effet cette organisation des notices agencées par titre des sources, à laquelle correspond un ordre croissant des cotes [33].

Index et table


Tous les catalogues de la collection Patrimoine musical régional ont un système d’indexations qui procède par multiplication de tables thématiques indépendantes : index des auteurs, index des librettistes ; index des éditeurs ; index des graveurs et des imprimeurs ; index des interprètes ; index des anciens possesseurs et des donateurs ; index des dédicataires ; index des copistes, papetiers, relieurs et chorégraphes ; etc. Cette organisation fractionnée des index peut rendre difficile l’accès au catalogue : chercher un nom sans connaître la fonction de la personne revient à consulter l’ensemble des tables. Le défi à relever pour l’indexation était donc de fusionner ces tables en regroupant l’ensemble des noms et des titres dans un seul index hiérarchisé. L’entrée principale est le patronyme, suivi des titres d’œuvres classés par ordre alphabétique. Toutes les personnes citées dans le fonds y sont indexées, qu’elles soient compositeurs, librettistes, éditeurs, interprètes, etc. Les noms sont suivis des fonctions sociales et des numéros des notices dans lesquelles ils apparaissent entre crochets [34].

Pour que cet index soit véritablement un outil efficace et qu’il réponde précisément aux attentes des lecteurs, des subtilités typographiques permettent une différenciation des renvois : le renvoi à un matériel et le renvoi à une citation. Les numéros de notice en caractères gras figurant à droite des titres renvoient aux notices des matériels conservés. Les autres numéros guident le lecteur vers des matériels dans lesquels les titres en question sont cités. Les noms en capitales sont ceux des compositeurs pour lesquels les sources des œuvres figurent dans le fonds. Tous les autres noms (librettistes, éditeurs, compositeurs cités, etc.) sont transcrits en bas de casse. Pour faciliter la recherche dans l’index, les noms homonymes sont regroupés dans le même paragraphe par ordre alphabétique des prénoms ou des qualités. Autrement dit, une seule occurrence est créée par nom, sauf dans le cas où l’un des noms homonymes fait l’objet de la création d’une liste de titres (compositeurs des œuvres du fonds ou auteurs des œuvres adaptées).

Un autre choix méthodologique a consisté à ne pas rédiger d’index des titres. Il a été jugé inutile et redondant car les notices sont déjà classées dans l’ordre alphabétique des titres uniformes. Les titres courants disposés au-dessus des notices jouent alors un rôle essentiel : en plus de permettre l’aller-retour entre l’index et les notices, ils facilitent la recherche par titre pour le lecteur souhaitant connaître les sources d’un opéra dont il ne connaît pas l’auteur.

Des tables ont été jointes dans la dernière partie consacrée à l’indexation, non seulement par souci de cohérence avec les autres catalogues de la collection, mais aussi parce qu’elles facilitent encore une fois la recherche des sources si l’on travaille sur une thématique en particulier. Les tables des noms [35] consécutives à l’index des noms, allégées des renvois aux numéros de notices, ont pour objet de regrouper des noms par catégorie socioprofessionnelle : les librettistes, les éditeurs, les donateurs, etc. Certaines matières comme les genres, les lieux cités, les troupes ou les enseignes des éditeurs ne peuvent pas être indexées aux vedettes titres ou auteurs de l’index des noms. C’est pourquoi ont également été élaborées des tables thématiques [36] dans lesquelles ces matières figurent avec des renvois aux numéros de notices.

Un outil scientifique

Le catalogue du fonds du Théâtre des Arts est un outil scientifique très précis. Outre le fait de valoriser le patrimoine de Haute-Normandie et de le diffuser, il propose un recensement et une description de sources rares, mais également une analyse du fonds et du répertoire et offre un regard sur l’histoire des entreprises théâtrales rouennaises.

L’ensemble des sources musicales traitées constitue le seul fonds archivistique couvrant de manière quasi-exhaustive l’activité du premier Théâtre entre 1776 et 1876 et renfermant de nombreux témoignages inédits de l’exploitation des partitions au Théâtre. À titre d’exemple, aucune mention d’exécution au Théâtre n’apparaît dans la presse rouennaise s’agissant des symphonies de Sterkel [37]. Pourtant, le matériel est truffé d’informations capitales révélant que ces symphonies, passées de mode à Paris dès 1783, sont toujours exécutées, dans le parfait anonymat, au Théâtre sous la Restauration, c’est-à-dire plus de quarante années après.

Le catalogage des fonds musicaux s’inscrit dans une démarche de sauvegarde, qui assure un témoignage, précieux et pérenne. Si un fonds est en effet très fragile, l’ouvrage qui le décrit l’est moins. L’inventaire manuscrit des vaudevilles rédigé par Daniaud en 1861 donne aujourd’hui un aperçu du fonds disparu il y a plus d’un siècle et demi, lors de l’incendie de 1876. Aussi laconique soit-il, il devient une source de première importance pour aborder le répertoire des vaudevilles à Rouen [38]. C’est donc également dans cet esprit de transmission de la mémoire que nous avons pensé la rédaction du nouveau catalogue [39].

Enfin, le catalogue du fonds du Théâtre des Arts est le premier volume d’une collection visant à valoriser et à diffuser le très riche patrimoine musical de notre région : cinq volumes sont prévus pour décrire les collections conservées à Rouen, trois pour Dieppe, un pour les différentes bibliothèques de Seine-Maritime, deux pour l’Eure et un pour inventorier les centaines d’instruments anciens appartenant aux collections publiques des musées localisés de Haute-Normandie.

Annexes

Notes

[1Georges Perec, « Penser / Classer » in Penser / Classer, Paris, Seuil, 2003, p. 151.

[2Marc Bloch, Apologie pour l’histoire ou métier d’historien, Paris, Armand Colin, 1933 ; rééd. 1997 annotée par Étienne Bloch, préface de Jacques Le Goff, p. 80-81.

[3Marc Bloch, op. cit., p. 81.

[4La liste des volumes parus dans la collection Patrimoine musical régional français (29 volumes parus à ce jour) se trouve sur le site du Ministère de la Culture : http://www.culture.gouv.fr/culture/editions/c-dmd/patmus/patmus.htm

[5Répertoire Internationale des Sources Musicales (plusieurs volumes parus). Le bureau du RISM est localisé au département de la musique de la Bibliothèque nationale de France (2, rue Louvois, 75002 Paris).

[6Publication financée par la DRAC Haute-Normandie, la Région Haute-Normandie, le Conseil général de Seine-Maritime, l’Agglomération rouennaise et la Ville de Rouen.

[7Diffusion assurée par le service des Publications de l’université de Rouen (PUR).

[8Joann Élart, Catalogue des fonds musicaux conservés en Haute-Normandie, tome I – Bibliothèque municipale de Rouen, volume 1 – Fonds du Théâtre des Arts (XVIIIe et XIXe siècles), Rouen, Publications de l’Université de Rouen no 323, 2004, 538 p.

[9H. Daniaud, Catalogue de la bibliothèque de musique acquise de M.r Baudry par la ville de Rouen en 1861, Rouen, Bibliothèque municipale, 1861, archives ms., sans cote.

[10Collections musicales (Inventaire 08 à 013), Rouen, Bibliothèque municipale, 1924, 4 tomes dactylogr.

[11Ancêtre du Théâtre des Arts situé rue des Charrettes et dont l’activité est connue dès 1696.

[12La reprise de La Dame Blanche pendant la saison 1989-1990 a recouru par exemple au matériel d’orchestre en usage depuis la première représentation rouennaise en 1826. La Dame blanche, opéra-comique de François-Adrien Boieldieu (1775-1834) sur un livret d’Eugène Scribe (1791-1861), créé à Paris à l’Opéra-Comique le 10 décembre 1825 et à Rouen au Théâtre des Arts sous la baguette de Boieldieu en personne le 25 février 1826.

[13Pour plus de détails sur les salles, les adresses et les périodes d’activité, voir annexe no 1, « Les salles du « Théâtre des Arts ».

[14Collectionneur qui avait acheté ce fonds en 1855. Sur Alfred Baudry, voir Élart, op. cit., p. XXIII-XXIV.

[15Élart, op. cit., p. XXIII-XXVII. Pour plus de détails, voir « L’acquisition de 1861 » et « Les acquisitions de 1881 et 1883 » dans « Histoire du fonds du Théâtre ».

[16Élart, op. cit., p. XL-LI.

[17Voir annexe no 2, « Nombre d’acquisitions du matériel par le Théâtre des Arts de Rouen entre 1776 et 1886 ». L’histogramme repose sur un échantillon de 694 titres (notices) du catalogue (Élart, op. cit.), composés principalement d’opéras, pour lesquels ont été retrouvées les dates de premières représentations rouennaises (elles sont reportées dans le pavé d’autorités en tête de notes des notices). Nous prenons comme principe que la date de création rouennaise suppose l’acquisition du matériel quelques mois auparavant, étant établi qu’aucune autre source n’atteste de transactions avec les marchands de musique. Quelques dates d’acquisition ont été déduites à partir des dates de premières parisiennes, lorsque les dates de premières rouennaises n’ont pu être définies, le principe étant alors d’envisager que les deux dates sont séparées de quelques mois, voire d’une à deux années en moyenne. Les titres rejetés de notre analyse regroupent les fragments manuscrits, les ballets en matériel manuscrit et les œuvres instrumentales (symphonies, nocturnes, quatuors, etc.) dont il est encore impossible de préciser avec exactitude les dates de création au Théâtre de Rouen.

[18Première acquisition que lui-même cède à la Ville de Rouen en 1861.

[19Aucun document n’atteste de ce transfert de partitions entre la Comédie et le Théâtre, mais des mentions manuscrites et des tampons dans le matériel, autant que la nature du répertoire des années 1750-1780, témoignent d’une exploitation antérieure à l’inauguration du Théâtre en 1776. Il est impossible d’établir la nature de cette transaction : s’agit-il d’un don ou d’une vente ?

[20Élart, op. cit., p. XXX, « Les lacunes » dans « Concordance des cotes avec le catalogue de 1924 ».

[21Élart, op. cit., p. XXV (dans « L’acquisition de 1861 ») et XLV (dans « Les 122 liasses de l’inventaire Daniaud et les cotes Théâtre 584 à 586 »). Voir aussi Joann Élart, « Catalogue critique des vaudevilles disparus du Théâtre des Arts de Rouen », in Bilan, enjeux et perspectives du catalogage des fonds musicaux régionaux, université de Rouen, colloque organisé par Frédéric Billiet et le GRHIS, 17 et 18 octobre 2002 (à paraître).

[22Élart, Catalogue des fonds musicaux conservés en Haute-Normandie, op. cit., p. XXVIII-XXIX.

[23Sur ce chapitre, voir Élart, op. cit., p. XXVII, « Le prêt exceptionnel ».

[24Théâtre des Arts, Rouen, décembre 1962 [brochure distribuée pour l’inauguration le 11 décembre 1962 du Théâtre des Arts, reconstruit en bas de la rue Jeanne d’Arc] (Bibliothèque municipale de Rouen, [A-Z Théâtre).

[25Élart, op. cit., p. LXX-LXXII, « Fonds du répertoire dramatique et livrets ».

[2657 livrets imprimés sont répartis entre les cotes [m 127-162 et [p 730-750 de la Bibliothèque. Voir Élart, op. cit., p. LXX-LXXII, « Fonds du répertoire dramatique et livrets ».

[27Collections musicales (Inventaire 08 à 013), Rouen : Bibliothèque municipale, dactylogr., 1924, 4 tomes (le t. II est intégralement consacré au fonds du Théâtre des Arts).

[28Voir le dépouillement réalisé depuis 1997 par les étudiants inscrits en maîtrise et en master de musicologie, et dirigé par Patrick Taïeb, Maître de conférences habilité à l’université de Rouen. Le produit de ce travail, déposé à la Bibliothèque de l’IRED, regroupe l’ensemble des données musicales et théâtrales parues dans le Journal de Normandie et le Journal de Rouen entre 1776 et 1820.

[29Journal de Rouen, no 462, 25 floréal an VIII [15 mai 1800]. Catherine, ou la Belle Fermière, comédie en 3 actes, en prose, mêlée de chant, paroles et musique d’Amélie-Julie Candeille, première représentation à Paris, au théâtre de la République, le 27 novembre 1792. L’Opéra comique, opéra-comique en un acte, musique de Dominique Della-Maria (1769-1800), livret de Joseph Alexandre de Ségur (1756-1805) et Emmanuel Dupaty (1775-1851), représenté pour la première fois à Paris, à l’Opéra-Comique, le 9 juillet 1798 et à Rouen, au Théâtre des Arts, en mai / juin 1799. Voir Élart, op. cit., p. 256, notice n o 584.

[30Journal de Rouen, n o 849, 18 prairial an IX [7 juin 1801]. Les Deux figaro, ou le Sujet de comédie, comédie en 5 actes et en prose, par Honoré-Antoine Richaud-Martelly, première représentation à Paris, au Théâtre-français, en 1794. Maison à vendre, comédie en un acte, musique de Nicolas-Marie Dalayrac (1753-1809), livret d’Alexandre Duval (1767-1842), représenté pour la première fois à Paris, à l’Opéra-Comique, le 23 octobre 1800 et à Rouen, au Théâtre des Arts, le 30 décembre 1800. Voir Élart, op. cit., p. 214, notice n o 475.

[31Voir annexe n o 3, « Extrait des notices du catalogue » (Élart, op. cit., p. 44).

[32Élart, op. cit., p. 163, notice no 393. Le qualificatif indique ici que la partition est bilingue.

[33Voir annexe no 4, « Extrait du catalogue rédigé en 1924 (t. II : Théâtre des Arts) ».

[34Voir annexe no 5, « Extrait de l’index des noms du catalogue » (Élart, op. cit., p. 414).

[35Voir annexe no 6, « Extrait des tables des noms du catalogue » (Élart, op. cit., p. 430), qui présente la fin de la table des Acteurs et chanteurs, celles des Anciens possesseurs, des Arrangeurs et des Auteurs des œuvres adaptées et du répertoire dramatique.

[36Voir annexe no 7, « Extrait des tables thématiques du catalogue » (Élart, op. cit., p. 459), qui présente la fin de la table des Incipit et le début de celle des Lieux.

[37Élart, op. cit., p. 340, notice no 809. Sur les symphonies de Sterkel, voir Joann Élart, « Circulation des quatre symphonies œuvre VII de Johann Franz Xaver Sterkel de l’Allemagne à Rouen : un itinéraire singulier du goût musical entre 1770 et 1825 » dans Studien zu den deutsch-französischen Musikbeziehungen im 18. und 19. Jahrhundert, bericht über die erste gemeinsame Jahrestagung des Gesellschaft für Musikforschung und des Société française de musicologie Saarbrücken 1999, Hildesheim, Georg Olms Verlag, 2002, p. 266-281. Cette communication résume les aspects principaux de la maîtrise, dont le titre est identique (maîtrise dir. Patrick Taïeb, université de Rouen, 1999).

[38Élart, « Catalogue critique des vaudevilles disparus du Théâtre des Arts de Rouen », op. cit.

[39Voir annexe no 8, « Couverture du catalogue » (Élart, Catalogue des fonds musicaux conservés en Haute-Normandie, op. cit.)


Pour citer l'article:

Joann Elart, « Le catalogage des fonds musicaux anciens de la Bibliothèque Municipale de Rouen » in Un siècle de spectacles à Rouen (1776-1876), Actes du colloque organisé à l’Université de Rouen en novembre 2003 par Florence Naugrette et Patrick Taïeb.
(c) Publications numériques du CÉRÉdI, "Actes de colloques et journées d'étude (ISSN 1775-4054)", n° 1, 2009.

URL: http://ceredi.labos.univ-rouen.fr/public/?le-catalogage-des-fonds-musicaux.html

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